Féra, trésor du lac d’Annecy

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En filet ou entière, cuite ou en carpaccio, la féra s’impose comme la star des eaux d’altitude des Alpes. À Annecy, deux pêcheurs la traquent avec leurs filets, faisant le bonheur des restaurateurs et des particuliers.

Florent Carpretti sur son bateau de pêche. ⒸDR
Florent Carpretti sur son bateau de pêche. ⒸDR

Poisson emblématique des lacs d’altitude, la féra – ou coregonus fera de son petit nom scientifique – est une espèce de la famille des salmonidés. « On la retrouve dans de nombreux lacs alpins, en France, en Italie et même plus au nord en Finlande », explique Florent Capretti, un des deux derniers pêcheurs professionnels du lac d’Annecy. Originaire du lac Léman, la féra a été introduite dans ceux d’Annecy et du Bourget à la fin du XIXe siècle. Des alevins de ces deux lacs ont par la suite servi à repeupler le Léman, duquel la féra avait quasiment disparu dans les années 1920. Ce poisson, également appelé lavaret sur les bords du Bourget – les deux espèces sont normalement cousines mais elles se sont mélangées au fil des années – vit en banc et pèse en moyenne 2 à 3 kg. Adulte, sa taille oscille entre 40 et 50 cm, mais peut atteindre 70 cm pour les plus gros spécimens. Pêcheur sur les bords du lac d’Annecy depuis douze années, Florent Capretti a pu constater l’évolution des stocks : « Quand j’ai commencé, la population de féras a été en affaiblissement pendant quelques années, nous sommes maintenant dans une période relativement abondante. » À la pêche du lundi au samedi, il prélève en moyenne 5 à 6 t de féras par an, tout comme son homologue Emmanuel Clair, l’autre pêcheur professionnel du lac. Chaque jour, il pose ses filets entre 5 h et 7 h du soir, avant de revenir les chercher le lendemain entre 4 h 30 et 5 h du matin. « Je n’utilise pas de sonars, car c’est interdit pour la pêche professionnelle. » Il ramène et transforme ensuite les poissons dans son atelier, situé en bas de sa maison à Saint-Jorioz.


filet de féra lac d’annecy
Un filet de fera proposé avec légumes et pommes de terres au Vinistrot.

 

Outre le coregonus fera , Florent Capretti vit également de la pêche à l’écrevisse (1 à 2 t par an), de celle de la perche (2 t par an) et de petits volumes d’omble chevalier. « L’hiver, je pêche également la lotte d’eau douce et le brochet, avec des volumes qui vont de 100 à 500 kg » , déclare le pêcheur. Mais la féra reste sa principale source de revenus : ce poisson fin au goût subtil fait le bonheur des restaurateurs et des particuliers. Au total, Florent Capretti travaille avec huit restaurants, dont l’Auberge du Père Bise, le restaurant doublement étoilé de Jean Sulpice. Ils représentent un peu plus de la moitié de ses clients, ses autres revenus provenant de la vente aux particuliers et en petite et moyenne surfaces. « Pendant le confinement, j’ai fait un petit peu de découpe pour les particuliers, notamment des filets », confie le pêcheur.

Vendue en moyenne 11 € le kilo, la féra d’Annecy diffère de celle du Léman, qui brasse un nombre nettement plus important de poissons et de pêcheurs (plus de 150 si l’on cumule les côtés français et suisse). En effet, l’eau du lac d’Annecy – considéré comme un des lacs de montagne les plus purs d’Europe – est tellement propre que le zooplancton dont se nourrit en partie la féra y est présent en plus petite quantité. Ainsi, le poisson met en moyenne trois à quatre ans pour arriver à maturité dans le lac d’Annecy, contre deux ans dans le lac Léman. Ce mode de vie se reflète dans l’assiette, la chair d’une féra d’Annecy étant apparemment plus ferme et savoureuse que sa voisine du Léman.

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