Pêche locale : vers la naissance d’une IGP hareng de Fécamp
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Pêche locale, pêche durable pour des assiettes éco-responsables. La filière française du hareng s’organise, notamment en Normandie avec le soutien dans la région des Hauts-de-France.

D’aucuns parlent de nos jours de responsabilité environnementale. Voire de circuits courts, de la volonté de disposer d’une véritable traçabilité des produits, d’achats responsables, de relations directes avec des producteurs locaux et hexagonaux… Impossible de leur donner tort. Mais entre les intentions et le passage à l’acte, il existe parfois chez nos compatriotes des distorsions temporelles. Les saisons n’existent plus dans ce monde dit moderne. Il est ainsi possible d’acheter des tomates la veille de Noël. Peu importe, elles sont présentes sur l’étalage. Mais comme je fais ce que je veux, même si j’ai conscience du changement climatique…

Un patrimoine
Un peu à la manière de ces personnes qui sont pour le TGV, moyen de transport plus écologique que la voiture, à condition que la ligne à grande vitesse ne passe pas au bout de leur jardin. Un retour aux sources s’impose. Un retour vers des produits de saison, qu’ils proviennent du village d’à côté à la maison européenne. Le changement climatique impose une prise de conscience générale. Et tous les acteurs de la filière sont concernés pour porter ce message, de l’agriculteur, du viticulteur, du marin pêcheur au restaurateur. Déguster local, déguster de saison. D’autant que notre patrimoine agroalimentaire le permet, avec à la clé une cuisine inventive et des chefs qui savent faire saliver nos papilles depuis des siècles. Une chance au regard de bien d’autres pays à travers le monde. Prenez le hareng. Il n’est pas que pommes à l’huile. Bien au contraire. Il peut être accommodé de multiples manières et sa texture offre de nombreuses possibilités aux chefs de diversifier leur carte. Il fait partie du patrimoine culinaire français depuis de nombreux siècles. Voilà un poisson gras local durablement compatible avec les exigences de la clientèle d’aujourd’hui.
Normandie Fraîcheur Mer
Les acteurs de pêche française l’ont bien compris.En 2021, une filière 100 % française revoit le jour. Objectif : remettre le hareng français dans les assiettes. Et cela grâce au nouveau partenariat entre les sociétés Sepoa Delgove à Fécamp, entreprise familiale de salaisons maritimes, France Pélagique, société française d’armement de pêche pélagique (Labels Pêche Durable et Pêche Durable MSC), et filiale du groupe familial néerlandais Cornelis Vrolijk. Mais l’esprit de reconquête et de mise en valeur de cette pêche française franchit une nouvelle étape comme le souligne Morgane Huet, chargée de mission qualité au sein de Normandie Fraîcheur Mer (NFM – Groupement des marins-pêcheurs, criées et mareyeurs de Normandie). « Nous élaborons un dossier IGP Hareng de Fécamp. Une demande est en cours auprès de l’Institut de l’origine et de la qualité (INAO). » Une fois obtenu la reconnaissance de cet organisme, il faudra porter le projet au niveau européen. Une démarche qui aboutira dans quelques années. Pour le bulot, près de six ans avaient été nécessaires. « Cette nouvelle IGP, nous permettra de faire reconnaître le hareng de Fécamp au-delà de notre région, tout en protégeant ce patrimoine. »

Boulogne-sur-Mer
Une démarche soutenue également par From Nord, organisation de producteurs (OP) de pêche de Boulogne-sur-Mer. « Nous aidons à la renaissance de la filière hareng à Fécamp », souligne Christophe Radenne, contrôleur au sein de From Nord. Un soutien de poids. From Nord rayonne du Golfe de Gascogne à Boulogne-sur-Mer, siège d u groupe. Il rassemble des navires artisans, une quinzaine, dont la taille varie entre 18 et 25 mètres.
La plupart des harengs déversés à Boulogne-sur-Mer sont transformés en conserves (conserverie Petit Pierre), le frais étant destinés, entre autres, aux différentes foires comme celle de Fécamp. Au global, From Nord débarque chaque année entre 2 500 et 3 000 tonnes.
« Ce poisson demeure une valeur sûre et les quantités pêchées restent identiques, poursuit Christophe Radenne. Depuis 2015, nous sommes certifiés MSC (Marine Stewardship Council) pour la pêcherie artisanale. Le renouvellement a lieu tous les cinq ans et nous espérons naturellement être à nouveau certifiés cette année. » A noter que les deux navires congélateur sont quant à eux certifiés Pêche durable.

Abordable
Le hareng ne manque pas d’atout. Parmi les poissons fumés, il arrive en 3e position derrière la truite et le saumon. Il est également riche en Oméga 3 et son prix demeure abordable. Et Morgane Huet de conclure : « Il est accessible au plus grand nombre.» Un poisson de proximité à valoriser et à redécouvrir. Le hareng hexagonal issu d’une pêche durable a toute sa place dans les assiettes des chefs.