Servir du poisson responsable au restaurant : agissons !

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Conscients de la fragilité des ressources marines, les professionnels de la gastronomie sont nombreux à se tourner vers des produits de la mer durables.

La mer n’est pas inépuisable et les chiffres sont sans appel. En France, selon l’Ifremer, si la moitié des volumes pêchés est issue de stocks de poissons exploités durablement, 27 % proviennent de stocks surpêchés. Et sur nos étals, seul un quart du poisson provient de la pêche française, le reste venant de l’importation. Dans le monde, 34,2 % des poissons commerciaux sont surexploités, 59,6 % le sont pleinement et seuls 6,4 % sont sous-exploités *. Malgré tout, en tenant compte de quelques critères, il est encore possible de proposer du poisson responsable à ses clients.

« Nous pouvons en consommer tout en préservant les ressources de la planète », assure Élisabeth Vallet, directrice d’Ethic Ocean, une organisation environnementale œuvrant pour la préservation des océans. Un avis que partage la cheffe Emmanuelle Riboud (Ressources, Paris 6e), qui a décidé de continuer à servir du poisson, mais moins souvent et en sensibilisant les clients. « Nous devons continuer à pêcher et manger du poisson, car c’est cela qui permettra de développer une culture responsable des produits de la mer », estime-t-elle. Plusieurs écolabels existent pour certifier la pêche durable (voir encadré). Parmi eux, celui lancé par WWF et Unilever en 1997, MSC (Marine Stewar-dship Council) pour les produits sauvages et ASC (Aquaculture Stewardship Council) pour les produits d’élevage. Pour la France, le label Pêche durable assure à l’acheteur que le poisson est issu d’une filière française durable, autant sur le plan environnemental que social. « Le label est assez difficile à obtenir, nous souhaitons garder une hauteur de marche, pour montrer qu’il est possible de mettre en place des techniques responsables de pêche », indique Monique Tran, déléguée pour les filières pêche et aquaculture à FranceAgriMer. Toutefois, les labels ne font pas tout. « Les labels sont de bons outils pour valoriser des démarches et permettre de s’y retrouver, mais ce n’est pas la réponse à tout, il est important pour le restaurateur de se questionner sur ce qu’il va servir », avertit Élisabeth Vallet.

Varier les espèces

Le premier réflexe pour éviter une surexploitation des espèces est de cuisiner des poissons moins connus que le trio de tête cabillaud, saumon et crevette. « Nous invitons les chefs à valoriser davantage le grondin perlon, la vive ou encore le tacaud, indique Estelle Soulet, chargée de mission Mr Goodfish, la marque de consommation durable de l’aquarium Nausicaa. L’objectif pour nous est de réduire la pression sur les stocks surexploités et valoriser des stocks sous-exploités. En sortant des classiques et en variant les espèces, le cuisinier peut à la fois être responsable et proposer des plats originaux. » La cheffe Riboud, qui a signé la charte Ethic Ocean pour une pêche durable, privilégie des espèces non menacées comme le haddock, le skrei de Norvège, la bonite ou encore le lieu noir. « Nous ne travaillons qu’avec des poissons entiers frais et non uniquement les filets, on choisit en fonction du guide d’Ethic Ocean et de ce qui est disponible sur les étals », explique-t-elle.

De son côté, le groupe Métro France a également pris un engagement fort en faveur de la préservation des ressources marines, en supprimant la commercialisation des espèces en danger. « Nous avons arrêté l’achat des espèces de grands fonds et celles en danger, comme l’anguille, le requin ou encore la raie », détaille Valérie Declerck, directrice adjointe au département qualité de Métro France. Si nous pêchons de manière raisonnée, la ressource pourra se renouveler, mais il faut rester attentifs. »

Vérifier la taille et la saison

La saisonnalité des poissons est également un élément très important à prendre en compte, c’est pourquoi Metro France a choisi d’arrêter la commercialisation du bar sauvage de janvier à mars. « Il est important de savoir que le poisson a une saison, mentionne Estelle Sou-let. Mais quand on parle de saison, il ne s’agit pas de celle de la pêche, mais de la période de reproduction, pendant laquelle il ne faut pas pêcher les poissons. » Chaque saison, Mr Goodfish publie un calendrier de recommandations pour les espèces à valoriser.

Pour l’automne 2021, il s’agit par exemple de la barbue, du turbot ou encore du mulet sauteur pour les poissons sauvages. « On accompagne les chefs sur la valorisation des espèces de saison, nous fournissons des recettes, mais aussi de la documentation pour sensibiliser leur clientèle sur la pêche durable », ajoute-telle. La taille est également un indicateur de poisson durable, car cela signifie que le poisson a pu se reproduire au moins une fois. « De plus en plus de consommateurs sont sensibles à la pêche et à la protection de la biodiversité, proposer des produits durables montre l’engagement du consommateur, c’est très important », conclut Valérie Declerck.

Note

*Rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (SOFIA), 2020.

Les labels et signes d’origine

MSC (Marine Stewardship Council) pour les produits sauvages et ASC (Aquaculture Stewardship Council) pour les produits d’élevage. Ces labels ont été créés par WWF et Unilever. Les grands fondements du label MSC sont : les stocks de poissons durables, l’impact environnemental minimisé et la gestion efficace des pêcheries. Pour l’ASC, il garantit que le poisson est produit dans le respect de l’environnement et dans de bonnes conditions de travail.

Label Pêche durable

Il s’agit du premier écolabel public français, encadré par FranceAgriMer. Il a été créé pour répondre au souhait de la filière de disposer d’un label public adapté à la spécificité de l’activité de pêche.

Label bio

Pour bénéficier du label bio de l’Union européenne, le cycle de production doit être maîtrisé et contrôlé tout au long de la filière de l’élevage.

Label Rouge

Il atteste d’un niveau de qualité supérieure aux produits similaires commercialisés usuellement. Géré en France par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), il certifie le respect d’un cahier des charges strict.

Pavillon France

Portée par l’association interprofessionnelle France Filière Pêche, cette association a pour objectif de développer la pêche durable et responsable, tout en favorisant la commercialisation des produits de la pêche française.

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