La Maison Hérin, sentinelle de la poire tapée

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Sur les bords de la Loire, la ville de Rivarennes cache un trésor du terroir tourangeau : la poire tapée. Symbole de l’histoire fluviale de la région, ce drôle de fruit déshydraté entier s’offre une seconde vie grâce à la Maison Hérin et à la curiosité des restaurateurs.

Poire tapées.
Poire tapées. Crédits : Maison Hérin.

C’est l’une des spécialités de Touraine qui reste méconnue. La poire tapée de Rivarennes (Indre-et-Loire) porte en elle les vestiges de l’éclatante histoire batelière de la Loire. Cette poire séchée puis tapée a parcouru le monde entier dès le Moyen Âge avant de tomber dans l’oubli au cours du XXe siècle. « C’était une denrée précieuse pour les marins car la poire tapée permettait de lutter contre le scorbut [pathologie qui résulte d’une carence prolongée en vitamines, NDLR]. C’était un produit vraiment destiné à cette fonction et qui partait donc sur les bateaux », explique Sébastien Danieau, qui a repris la Maison Hérin, spécialiste de la poire tapée qui produit environ 10 tonnes par an.

La ville de Rivarennes avait développé cette curiosité grâce à ses vastes cultures de poiriers situées en bord de Loire sur des sols argilo-calcaires adéquats et à ses caves troglodytes, idéales pour le processus de déshydratation au feu de bois. Tout y est : la matière première, l’outil et l’axe commercial. « C’est même ce qui a sauvé la région pendant le phylloxera », précise le producteur. Mais à partir des années 1920, le commerce fluvial s’est effondré, au profit du chemin de fer. Et la poire tapée a totalement disparu. « Ce n’est pas un produit compliqué à faire, mais il est long et fastidieux, c’est un vrai savoir-faire qui réclame une semaine de production », assure l’un des deux seuls producteurs actuels. Grâce à la volonté d’une association locale, la spécialité a pu être relancée dans les années 1990. La Maison Hérin a été la première à faire revivre, en 1995, cet artisanat perdu. Tout était alors à refaire, « et c’est avec l’aide des restaurateurs qui se sont intéressés au produit en développant tout un tas de recettes que la poire tapée a pu vraiment renaître », surfant ainsi sur la vague locavore qui se dessinait.

À réhydrater

Qu’importe la variété de poire, qu’elle soit William, conférence, comice, ou passe-crassane, toutes ont la capacité d’être « tapées » et expriment leurs caractéristiques une fois déshydratées, plus ou moins sucrées et parfumées. Les fruits sont cueillis verts pour éviter toute fragilité, puis épluchés et séchés dans un séchoir ventilé, « un peu comme les pruneaux d’Agen ». Durant trois ou quatre jours, selon le type de poire, les courbes de température retracent les variations thermiques d’antan dans les fours troglodytes. Une fois ce processus terminé, et la chair refroidie, on vient taper la poire « à l’aide d’une platissoire qui comporte une butée pour éviter de faire éclater le fruit. Cela permet de la rendre hermétique et de stabiliser le produit. Une poire tapée peut se garder des années », assure Sébastien Danieau. Si elle peut se consommer en l’état comme un fruit sec, elle s’intègre aussi facilement à différentes préparations culinaires en la réhydratant avec du sirop ou du vin, qu’il soit blanc ou rouge. En marmelade, dans une terrine ou même caramélisée, elle s’allie aussi parfaitement avec le fromage de chèvre de son territoire, le sainte-maure-de-touraine, pour une expression pure du terroir de la Loire.

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