Les professionnels cantaliens prennent leur destin en main
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Sous l’impulsion de la CCI, la politique de développement touristique du Cantal est remise en question. Réunis à travers un cluster, une douzaine de professionnels sont conviés à participer à la conduite d’un plan à l’horizon 2040. Un projet ambitieux qui passe par une meilleure communication entre les acteurs.
Le Cantal remet en question sa politique touristique. Durant la crise sanitaire, entre 2020 et 2022, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) départementale a fait réaliser une étude prospective sur l’évolution de l’activité dans le département à l’horizon 2040. Elle a été menée par Guillaume Cromer, responsable de la société ID Tourisme. Le rapport préconisait de mettre en place un scénario proactif visant d’abord à réformer le schéma de l’organisation touristique et de définir huit axes prioritaires. Le préalable de cette réorganisation passe par une plus grande implication des professionnels. D’où l’idée de créer un cluster qui réunit 11 chefs d’entreprises touristiques issus d’univers différents: hébergement, restauration, plein air, loisirs, événementiel, productions artisanales. Il s’agit pour la plupart de jeunes acteurs de l’activité, qui se sont singularisés par l’originalité et le succès de leur démarche. Une spécialiste de l’activité, Corinne Cerveaux, accompagne le cluster. Elle a précédemment supervisé durant 15 ans le cluster du tourisme basque GOazen, à la CCI Bayonne Pays basque. L’une des membres du cluster, Audrey Moussié, directrice de l’hôtel des Carmes à Aurillac, estime que le département bénéficie d’un potentiel inexploité : «Nous avons des paysages authentiques et des grands atouts de destination touristique, mais nous sommes mal organisés. Nous avons un département magnifique, des infrastructures, mais cela ne décolle pas. Il y aurait possibilité de commercialiser plus efficacement la destination.»
Il ne s’agit pas de critiquer l’action de Cantal tourisme, le bras armé de la politique touristique du département, dont la majorité des professionnels saluent l’action, mais d’impliquer plus étroitement les professionnels dans le développement, tout en facilitant la circulation de l’information entre les acteurs. «Les catégories socioprofessionnelles sont très investies dans la politique du développement touristique du Cantal, mais il est difficile de faire entendre nos voix, poursuit Audrey Moussié. Nous sommes confrontés à des problématiques communes mais les professionnels ne s’en emparent pas.»
Il ne s’agit pas d’une indifférence des pouvoirs publics. C’est la complexité de la mécanique du développement touristique qui est en cause. «Elle repose sur des centaines de personnes qui travaillent à des échelles différentes et des endroits différents», insiste la patronne de l’hôtel des Carmes. Le nouveau cluster a défini trois axes. Il s’agit d’abord de mutualiser et former les ressources humaines du secteur. Les carences dans ce domaine sont de plus en plus criantes et contraignent certains à limiter leur activité. La création d’un portail emploi collectif est ainsi envisagée. Deux jobs dating annuels destinés aux étudiants seront mis en place afin de faciliter le recrutement des saisonniers, et des partenariats sont en passe d’être conclus avec les centres de formation. Enfin, les employeurs planchent sur une charte collective «basée sur nos valeurs communes», qui offrirait des garanties aux nouveaux salariés. Le second objectif du cluster consiste à consolider et adapter l’off re marchande. Cela passe par la création d’une centrale d’achat, mais aussi par le renforcement du locavorisme. Les professionnels souhaitent ainsi créer des partenariats avec la Chambre d’agriculture – via la marque Bienvenue à la ferme – et promouvoir l’utilisation de plateformes du type Agrilocal. Ces actions visent d’une part à renforcer l’authenticité de l’offre, d’autre part à encourager les pratiques environnementales vertueuses.
La décarbonation du tourisme, notamment dans les déplacements, fait partie des objectifs du plan Vision 2040. Audrey Moussié est convaincue «qu’il faut se structurer maintenant pour profiter de l’engouement du tourisme vert». Les professionnels cantaliens ont la volonté de s’impliquer davantage dans le développement des synergies publiques et privées, avec par exemple la liaison de partenariats avec d’autres groupements, tels que l’Umih, Logis de France ou Gîtes de France. Il s’agit enfin de mieux connaître le potentiel local en renseignant plus précisément l’observatoire du tourisme départemental. La plupart des acteurs de ce cluster plaident pour un tourisme plus adapté aux spécificités du Cantal, c’est-à-dire plus authentique, plus insolite, voire plus haut de gamme. Alors que les Français plébiscitent un tourisme de caractère, plus vert, le département peut enfin saisir sa chance. Il ne doit plus représenter une destination que les touristes choisissent par défaut, mais, au contraire, un lieu de vacances porteur de ressourcement et de rêves.