Le linge de table reste une valeur sûre

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La place du linge de table peut aujourd’hui sembler incertaine, avec, notamment, un marché dominé par le jetable. Or, le tissu continue d’être pertinent pour certains restaurateurs et est capable de s’adapter aux nouvelles demandes.

Toujours plus dynamique et protéiforme, la gastronomie française évolue sans cesse, parfois au détriment de certaines traditions qui ont jadis contribué à sa renommée. On pourrait croire que les linges de table font partie de ces laissés-pour-compte, tant ils semblent abandonnés par tout un pan de la restauration, des chaînes toujours en quête d’économies jusqu’aux établissements nouvelle génération, qui jouent la carte du minimalisme et de la praticité. La raréfaction des nappes sur nos tables en est l’exemple le plus parlant, ces dernières étant rangées dans le placard au profit de chemins de table et de sets souvent jetables ou, du moins, plus faciles à entretenir. Mathieu Franck, responsable produit chez Vega, confirme que les tendances ne favorisent pas le linge de table : « C’est vrai qu’aujourd’hui, nos produits phares sont les sets de table. Notre gamme est très fournie et se décline sous différentes formes et matières, du similicuir au PVC. Pareil pour les serviettes, où le papier est largement privilégié. Malgré cela, on ne délaisse pas le tissu. Les nappes traditionnelles en coton demeurent une valeur sûre. Nous allons par exemple investir l’année prochaine dans une belle gamme effet lin. »

Vega

Un moyen de différenciation

Pour la marque Bergan, basée dans le Pas-de-Calais, le tissu n’a pas dit son dernier mot : « Contrairement à ce que l’on pense, beaucoup de gens font encore attention au linge de table, souligne Natalie de Checchi, responsable marketing. Cela se vérifie sur les réseaux sociaux, c’est un élément de décoration qui marque le client. N’oublions pas que la nappe est un moyen de différenciation comme un autre. » 

Bergan

Néanmoins, notre interlocutrice constate que cet attachement aux tissus classiques concerne d’abord les établissements traditionnels ou haut de gamme, tandis que les jeunes chefs évoluant dans un univers bistronomique ou tendance ont des attentes différentes : « Leurs demandes sont moins conventionnelles. Ils veulent des matières spécifiques, comme le lin ou des mélanges lin/coton, avec toujours un aspect brut et des coloris naturels. Pareil pour les serviettes, qui doivent avoir un effet linge d’office, pour presque ressembler à des torchons. Il y a aussi la question de la facilité d’entretien. S’ils commandent des nappes, il faut un traitement antitache, qu’elles se froissent le moins possible, etc. C’est pour cela que l’on propose des matières plus souples et plus synthétiques, qui n’ont pas besoin de repassage, par exemple. » Ces exigences sur les matières, Romain Coisne, dirigeant de Comptoir Textile Hôtelier, les connaît bien.

Une nappe polyester imitation lin distribuée par le Comptoir Textile Hôtelier.

Une nappe polyester imitation lin distribuée par le Comptoir Textile Hôtelier

Ce spécialiste de la nappe, qui distribue exclusivement via un site internet, sait que le marché du linge de table doit évoluer avec son temps : « Je crois que le polyester a de beaux jours devant lui. Il est encore mal vu par les restaurateurs traditionnels ou les blanchisseurs ; pourtant, de sacrés progrès ont été faits. Aujourd’hui, on arrive à avoir un rendu coton bluffant, qui en surprendrait plus d’un. Il ne reste qu’à améliorer son pouvoir absorbant, notamment pour les serviettes. En tout cas, j’ai la conviction que l’on va revenir au textile ! Certes, l’entretien qu’il demande questionne encore les professionnels, mais ne serait-ce que pour des considérations écologiques, il aura toujours sa place. » Une considération que Vega a clairement identifiée ; c’est pourquoi la compagnie lancera l’année prochaine une gamme de serviettes et sets de table en papier recyclé. « Il faut être raccord avec les petits établissements privés qui mettent en avant la cuisine maison et responsable » , ajoute Mathieu Franck.

Personnalisation

Pour en revenir aux tissus, le choix du linge de table, c’est aussi la possibilité d’une personnalisation plus grande et donc une manière de renforcer l’identité de son établissement. Chez Bergan, par exemple, on met l’accent sur ce type de service. Natalie de Checchi nous explique : « Notre but est évidemment d’aller plus loin que les simples revendeurs, en apportant des réponses précises à des demandes précises. Le sur-mesure, ce n’est pas seulement de la découpe selon les dimensions d’une table, c’est aussi de la décoration, des finitions et une adaptation à l’ambiance de l’établissement. Et bien sûr, c’est également de la personnalisation, avec de la broderie, ou même du tissage. À titre d’exemple, Bergan a réalisé une toile spéciale pour la Tour d’Argent. Et chez nous, toutes ces étapes sont réalisées en France. »

L’art de la personnalisation selon Bergan

L’art de la personnalisation selon Bergan

Le linge recyclé : une solution alternative

Les questions éthiques et écologiques agitent aussi le marché du linge de table. Au milieu des grands acteurs du secteur, une petite entreprise charentaise a eu une idée pas comme les autres : tout miser sur le linge recyclé. Leur argument choc ? Des prix imbattables. Rencontre avec Edwige Ciria, fondatrice de la société Du Beau Linge.

« L’entreprise existe depuis quatre ans, avec un site internet qui tourne bien, ainsi que deux boutiques en Charente. Nous nous sommes d’abord concentrés sur le linge hôtelier, mais nous avons pour but de développer notre activité avec les restaurateurs, car nous avons du stock de nappes ! Pour ce qui est du recyclage, je travaille notamment avec des grands groupes comme Barrière ou de grands hôtels à Cannes, auxquels j’achète au kilo les linges destinés à être remplacés. Une fois rapatriés ici, ils sont triés par un centre pour travailleurs handicapés (ESAT) et, ensuite, transformés et valorisés par des couturières locales. Au-delà du recyclage, c’est donc également une démarche de mise en valeur de l’économie collaborative, sociale et solidaire. Et pour le client, l’avantage, ce sont des prix dérisoires. Pour le linge de table, on va par exemple être sur une fourchette entre 3 et 15 euros la pièce. C’est idéal pour un établissement modeste ou qui se lance. »

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