Le végétal prend racine

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Effet jungle, champêtre ou épuré, la verdure envahit les salles. À la recherche d’un peu d’oxygène dans des villes où l’on vit à cent à l’heure, les clients viennent chercher refuge dans des restaurants et bars cosy qui leur offrent des moments de respiration en « pleine nature ».

Avec ce besoin fort de se reconnecter à la nature, il n’y a jamais eu autant de végétalisation dans la décoration », confirme Élizabeth Leriche, directrice du bureau de style éponyme. La place du végétal sera notamment au centre de la programmation du salon EquipHotel. Plusieurs laboratoires d’idées « green » permettront aux professionnels d’explorer les possibilités qu’offre la végétalisation des espaces. « On propose de plus en plus d’implanter du végétal en intérieur alors que, pendant longtemps, on préférait le laisser à l’extérieur pour des questions d’hygiène, rappelle Julie Gauthron, architecte et designer.

Aujourd’hui, c’est une vraie solution, aussi bien pour la perspective des espaces que pour son côté apaisant. Il n’y a plus un mobilier qui ne soit alloué qu’à une seule fonction, permettant ainsi de jouer sur un panel infini de meubles, de textiles. Et au-delà de penser des lieux dans un esprit “green”, les matières outdoor ont de vrais avantages à être utilisées en intérieur de par leur résistance. Pas de végétal pour du végétal : le vivant devient une pièce décorative à part entière dans un espace de vie. Il raconte une histoire et marque la singularité de l’hôtel ou du restaurant. »

Pour les budgets les plus modestes, le bouquet fait son grand retour. Après la tendance des soliflores et leur style dépouillé, la composition florale permet de signer une ambiance. « C’est très divers, on retrouve du rustique et du sophistiqué dans une même décoration, souligne Élizabeth Leriche. C’est à l’image de la société, à la frontière entre la vitesse du quotidien et le besoin de se réancrer dans des choses plus authentiques. » Des incursions plus champêtres avec les fleurs séchées devraient également, dans les mois qui viennent, étendre encore la palette de la décoration végétale. « Le retour de ces matières est très lié à un nouvel engouement pour l’artisanat et les matières très naturelles. Il y a une sorte de nostalgie qui touche de multiples secteurs, pas seulement la décoration. »

Les patios et les verrières permettent aux établissements de faire entrer le végétal à l’intérieur en lissant la frontière avec l’extérieur © Jardins de Babylone

La végétalisation des établissements va bien plus loin que ces touches décoratives. « La tendance est à la luxuriance, à l’exotisme, à une nature pas toujours maîtrisée », note Élizabeth Leriche. Dans cet esprit, les murs végétaux ont la cote. Ils apportent de la fraîcheur, atténuent les sons et assainissent l’air ambiant. La technique a été développée par le botaniste Patrick Blanc, d’abord pour habiller l’extérieur des bâtiments, puis les murs intérieurs se sont peu à peu parés de tableaux verdoyants à leur tour et plusieurs acteurs se sont implantés sur le marché, qui décolle aujourd’hui, même sur internet.

Cette solution permet également de gagner de la place au sol, un argument non négligeable à l’heure où chaque mètre carré compte. Mais pas à n’importe quel prix non plus. « Un mur végétal demande de comprendre les usages de l’établissement et ne pourra pas être placé n’importe où si on travaille avec des végétaux naturels », explique Amaury Gallon, directeur de Jardins de Babylone. Pour implanter la nature au cœur d’un établissement, rien de mieux que d’opter pour du vivant, mais les contraintes d’espace pour la réserve d’eau et le coût de l’entretien ne doivent pas être négligés. Pour s’en affranchir, les paysagistes travaillent, avec succès, avec des plantes artificielles ou stabilisées. Les premières, en plastique ou en soie, offrent une créativité sans limites. « Tout est possible, le rendu sera seulement un peu figé. C’est très adapté pour les suspensions pour éviter que des feuilles tombent dans les assiettes », note Amaury Gallon. Les plantes stabilisées sont un bon compromis, grâce à une technique qui consiste à remplacer la sève du végétal par un produit de conservation qui porte la durée de vie de la plante à dix ans, et leurs atouts sont nombreux : pas besoin de système d’irrigation, de lumière ou de taille. L’éventail des végétaux a néanmoins des limites. « Toutes les plantes n’acceptent pas le procédé de stabilisation. Les mousses et les fougères s’y prêtent bien, mais ne supportent pas les UV ni les extérieurs. Les lieux de passage peuvent être un souci pour des plantes cassantes. Dans ces cas, il est tout à fait possible de mixer les plantes stabilisées et les plantes artificielles. »

POUSSER LES MURS

Les patios et les terrasses sont un autre eldorado des amateurs de verdure. « Les espa es ne sont plus aussi distincts, souligne le paysagiste Christophe Gautrand.

Aujourd’hui, les clients veulent profiter des espaces extérieurs en toutes saisons. C’est en quelque sorte l’intérieur qui se projette vers l’extérieur. On voit de plus en plus d’établissements qui, sans avoir de terrasse, créent des espaces à mi-chemin entre la rue et l’intérieur. L’aménagement par le biais du végétal consiste à imaginer comment appor ter les mêmes usages en intérieur et en extérieur, sans réelle frontière. » En s’affranchissant ainsi des saisons dans l’aménagement de son établissement, le restaurateur peut plus facilement amortir le coût des installations, parfois conséquent. « Ce qui intéresse beaucoup de restaurateurs, c’est la perspective gain de place, ajoute Christophe Gautrand. Par exemple en ce moment, nous travaillons sur de grands bacs végétalisés qui servent en même temps d’assises. Ces objets sont multiusages, ils permettent de limiter les coûts et résolvent la question du stockage qui se pose pour des équipements saisonniers. »

Au-delà de la réflexion pratique et esthétique, ces projets permettent de repenser les espaces et de proposer une expérience immersive à la clientèle. « Notre but n’est pas seulement de faire de beaux espaces, mais qui ont du sens, poursuit le paysagiste. On incite les restaurateurs à réfléchir différemment et à identifier des usages pour chaque espace à végétaliser. »

Le bar Le Tour du monde à Brest © Jardins de Babylone

EquipHotel se met au vert

Le salon EquipHotel, qui se tiendra du 11 au 15 novembre à Paris Expo Porte de Versailles, explorera les pistes ouvertes par l’utilisation du végétal dans une optique à la fois commerciale et d’expérience pour le client. Comment créer, aménager un rooftop, gommer la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, repenser la chambre d’hôtel ? Des carnets d’inspiration seront présentés, comme « la chambre suspendue » de l’architecte Jean-Philippe Nuel ou le « digital rooftop » de l’architecte Julie Gauthron et du paysagiste Christophe Gautrand. Plusieurs fabricants de mobilier, tissus, spécialistes de l’aménagement intérieur et extérieur, autour du végétal, tels EMU, Stern, Rubelli et Tectona, seront présents.

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