BRSA : tendance fraîcheur

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Boissons au café et au thé, eaux aromatisées, nouveaux formats, réduction du sucre et ingrédients naturels : en 2020 comme en 2019, le monde des boissons sans alcool se réinvente pour le plus grand plaisir des consommateurs.

©Kaizen Nguyn sur Unsplash

Avec une progression des ventes en volume de 1 % par rapport à 2018, les boissons et rafraîchissements sans alcool (BRSA) ont tiré profit de l’année 2019. Avec plus de 3 194 milliers de litres vendus, ce pourcentage monte à 1,2 % dans le circuit CHR, soit 34 %1 du total des boissons vendues en restauration hors domicile. En dépit de ce bon bilan, la crise sanitaire a fortement impacté les ventes de boissons sans alcool, à l’instar des boissons alcoolisées. Ce sont ces secteurs qui ont été le plus impactés par la crise rapporte l’Ania2 dans une récente enquête. Concernant les producteurs de boissons non alcoolisées, 74 % font état d’une baisse de chiffres d’affaires, de plus de 50 % pour un tiers d’entre eux. Mais l’été étant là, les consommateurs cherchent à étancher leur soif. Reste encore à savoir vers quelles boissons ils sont plus enclins à se tourner. L’apparition des nouvelles boissons plus naturelles et plus saines, à l’image des eaux aux fruits ou du kombucha – une boisson acidulée et pétillante issue de la fermentation de levures et bactéries dans un milieu sucré -, ont grignoté des parts de marché au leader du marché, Coca-ColaBernard Boutboul, directeur du cabinet d’accompagnement en consommation hors domicile Gira, estime que « ce n’est pas Pepsi qui a pris des parts de marché à Coca, mais bien ces petites boissons. » Même si, pour lui, ces boissons tendances restent minoritaires : « Si vous prenez la pénétration réelle de ces nouvelles boissons sur le marché, elle reste faible. » Les chaînes de restauration en libre-service comme Cojean et Exki sont très axées sur le bien-manger et le heathy. Le directeur général de Gira explique qu’ils « proposent deux tiers de boissons “ nouvelles générations ”, mais elles ne représentent que 5 à 7 % de leur CA total en boisson, car elles sont chères et ont parfois des goûts qui ne plaisent pas toujours au consommateur. » Il y a une résilience forte des acteurs traditionnels du marché des boissons sans alcool, qui depuis quinze ans dominent le marché et ont tissé un lien avec les Français, comme Coca-Cola notamment qui fêtait ses 100 ans de présence dans l’Hexagone en 2019. Et ces boissons nouvelles générations correspondent à une tranche de clientèle particulière. 


Schweppes Premium mixer

Lancés sur le circuit hors domicile depuis 2015, les Schweppes Premium mixers sont une solution pour les amateurs d’ingrédients nobles et naturels. La saveur Ginger Beer & Chili vient, depuis le début de l’année, compléter cette gamme idéale pour réaliser des mélanges.


MOINS SUCRÉES, 
PLUS NATURELLES

L’explosion des vente de boissons au thé de ces dernières années démontre que les grandes marques de boissons sans alcool ont su s’adapter à la tendance du sain et du naturel. Boisson détox préférée des Français en 20183 grâce à sa naturalité et à son faible taux de sucre, le chiffre d’affaires du thé est passé à 355,2 millions d’euros (+ 18,5 %). Le succès de Maytea en est un exemple représentatif puisque la boisson est 70 % moins sucrée que la moyenne des boissons sucrées du marché. Lancée par Orangina Suntory France en 2016, cette marque de boissons au thé connaît une croissance de 34 % par an en moyenne4. Le dirigeant de CHD expert France Nicolas Nouchi souligne d’ailleurs que « l’enjeu des thés est d’autant plus important dans cette dynamique de naturalité qu’il gagne du terrain au sein du segment des boissons chaudes ». De nombreuses enseignes ont d’ailleurs intégré ces boissons au sein de leur carte, proposant leurs propres boissons maison autour du café et du thé. Nicolas Nouchi ajoute que « ce sont des tendances qu’on retrouve principalement chez les indépendants, même si de nombreuses enseignes de fast casual s’y mettent. Et même quelques grosses sociétés : par exemple, Starbucks a sa version du cold brew. Cette tendance reste plus anglo-saxonne que française, mais ces boissons progressent car ce côté non transformé éveille l’intérêt du consommateur. »


Monin BRSALes thés glacés et le cold brew s’accommodent facilement à la vente à emporter. Pour accompagner ses clients dans leur confection, Monin propose un leaflet de recettes et astuces contenant des recettes adaptées à la vente à emporter.

 

Une curiosité de la part des consommateurs sur laquelle Monin a choisi de jouer : après avoir lancé un concentré de thé vert en 2019, la marque présente en 2020 deux nouveautés à travers le concentré rooibos et le concentré de cold brew, boisson à base de café froid. Peu sucré (135 g/l pour le concentré de rooibos et thé vert) ou pas sucré (cold brew), ce procédé permet de confectionner des boissons saines, fraîches, gourmandes et « dans l’air du temps comme le cold brew, le rooibos glacé et le thé vert glacé. Elles peuvent se consommer sur place ou en version à emporter, informe la responsable marketing CHD de MoninAlice Vasseur. Nous avons identifié cette tendance du “ bien-être positif ”. Les consommateurs ont compris qu’il existe une corrélation entre les aliments qu’ils consomment et leur bien-être. C’est pourquoi ils recherchent de l’authenticité et de la transparence. Ils désirent des produits simples, naturels, plus “ légers ” qui leur permettront de se sentir bien et de vivre mieux. » D’ailleurs la majorité des boissons sans alcool est moins sucrée qu’auparavant. En effet, la commercialisation de nouvelles boissons, telles que le 7up Free, équivalent sans sucre du soda de Pepsico arrivé en avril 2019 en CHR et en GMS en est l’illustration. Certaines marques s’attèlent plutôt à la création de nouvelles recettes. C’est notamment le cas d’Orangina Suntory France qui a remis au goût du jour sa référence Oasis Tropical en juin 2019, en le confectionnant avec 100 % d’ingrédients d’origine naturelle. Puis, en 2020 c’est au tour des saveurs multifruits et pomme-cassis-framboise de changer de recette pour se mettre au naturel. Cette transformation passe par la réduction de sucre ajouté : – 22 % pour le multifruits (soit – 24 % de sucres ajoutés depuis 2006) et – 6 % pour la version pomme-cassis-framboise (soit – 30 % de sucres ajoutés depuis 2006), sans le substituer par des édulcorants. Bernard Boutboul affirme que « certains ingrédients se font peu à peu remplacer, dans les boissons sans alcool on peut prendre l’exemple du Coca avec le light et le zéro. Mais on peut se poser la question de savoir si le sucre a bien été complètement retiré ou s’il a été remplacé par d’autres substances »

S’ACCOMMODER À LA « NOUVELLE NORMALITÉ »

Alors que la baisse du sucre et le virage des ingrédients naturels paraissent être des tendances pérennes, même avec le retour d’un mode de vie « classique », la manière de consommer des Français risque de se tourner vers de nouvelles pratiques. Pour définir ce changement d’habitude, Nicolas Nouchi parle de « nouvelle normalité ». « Est-ce que le consommateur sera toujours aussi désireux de découvrir de nouvelles boissons ? Il y a du pour et du contre. » L’expert estime que les boissons premium se vendront toujours, car elles rassurent les consommateurs de par leur qualité, en particulier dans ce contexte de psychose sur la santé lié au Covid. Le rôle des grandes marques sera d’apporter beaucoup de réassurance et de réconfort, en sécurisant le consommateur. Le directeur de CHD expert ajoute que « les clients peuvent postuler que les géants de l’industrie risquent de mieux contrôler l’hygiène qu’une moins grosse structure. » Bernard Boutboul concède la nécessaire émergence d’une boisson healthy mais gourmande, alliant bien-être et plaisir. Selon Nicolas Nouchi, il faut une boisson qui donne « l’impression de gagner quelques minutes de vie supplémentaire ».


fontaine boissons rafraîchissantes sans alcool BRSA
Enrichie d’ingrédients frais et présentée dans une fontaine, l’eau filtrée peut être proposée en version payante ou gratuite. ©Rina Nura


Pour suivre ce mouvement, les eaux filtrées et agrémentées d’herbe, de jus ou de fruits peuvent être une vraie plus-value. Ces eaux qui ont le vent en poupe sont souvent proposées gratuitement dans des fontaines en libre-service. On estime qu’un restaurateur sur deux a mis ce genre de fontaine en place dans les fast foods indépendants et les petits réseaux. Cette pratique va continuer à se développer, mais je me demande si la gratuité n’influe pas sur cet engouement »analyse Bernard Boutboul. 
Nicolas Nouchi, de son côté, considère que les les eaux filtrées sont une belle opportunité pour le restaurateur car « il peut réfléchir à les substituer aux eaux en bouteilles quand il y a un problème de stockage et de taux de prise avec les eaux en bouteilles. S’il réalise 80 couverts par jour par exemple et ne vend que deux bouteilles d’eau, autant se tourner vers la filtration. » Mais une théâtralisation de l’offre est nécessaire pour que le consommateur accepter de payer cette eau : « Il faut une fontaine visible, de la personnalisation, des arguments sur l’intérêt du filtrage : dans ce contexte, certains consommateurs vont intégrer cette mise en scène. L’eau filtrée est une bonne étiquette pour se positionner en termes d’écologie et de convivialité, mais il faut une réflexion sur l’espace, l’accueil, et la durée de visite du consommateur. »

La livraison et la vente à emporter, ayant pris et continuant à prendre de plus en plus d’espace dans la consommation en hors domicile, seront source du plus grand changement pour les boissons classiques et les boissons nouvelle génération. « Je pense que ces pratiques vont se généraliser : beaucoup de restaurateurs y avaient réfléchi et avaient déjà intégré plusieurs options disponibles en drive. Le plus important dans ces conditions n’est pas la boisson proposée, mais d’avoir un point de vente configuré qui permette d’assurer ses services en toute sécurité », affirme Nicolas Nouchi. Bernard Boutboul conclut que « La crise qu’on est en train de vivre va bouleverser d’autres sujets, mais pas celui des BRSA5»

Notes

1. Données Nielsen On Trade – année 2019 vs 2018.

2. Étude menée du 6 au 10 avril par l’Ania, l’association de l’industrie alimentaire, auprès de 686 de ses adhérents.

3. Dossier thématique sur les boissons du Salon gourmet sélection, 2018.

4. Données Nielsen Full Coverage Census – Taux de croissance moyen annuel entre 2016 et 2019 en volume et en valeur.

5. Boissons et rafraîchissements sans alcool.

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