« 80% du prix final, c’est le salaire », quand le président du Medef fausse les chiffres

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Invité d’Élizabeth Martichoux ce lundi 27 septembre sur LCI, le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a affirmé que 80 % de la note finale réglée par le client dans un restaurant partait dans les salaires. Selon l’ensemble des acteurs que nous avons interrogé, ce chiffre ne correspond à aucune réalité connue du secteur. Explications.

Les ratios sont des outils contraignants mais bien pratiques pour un restaurateur qui souhaite évaluer au mieux ses coûts et travailler à rentabiliser son affaire. Comme dans beaucoup de secteurs, la masse salariale est un poste conséquent qui pèse dans les charges. C’est ce que semblait vouloir dire Geoffroy Roux de Bézieux, interrogé sur LCI lundi 27 septembre en réaction à l’appel du Premier ministre Jean Castex à réévaluer les salaires dans certaines branches de l’économie française. Bien que reconnaissant « des problèmes de salaires dans certaines branches, notamment dans les métiers de service », le président du Medef a appelé à ne pas faire de généralités, critiquant une « vision nationale de l’économie depuis Paris [qui] ne me paraît pas pertinente ».

Ne pas tomber dans la généralité ? 

Rester conscient de l’hétérogénéité forte du secteur CHR et ne pas tomber dans la généralité et l’amalgame : un effort louable, encore faut-il se l’appliquer à soi-même. Un peu plus loin dans l’interview, le « patron des patrons  » se prend en effet les pieds dans son propre piège en affirmant que « dans la restauration, 80% du prix final, c’est le salaire. Si on augmente trop les salaires, alors le menu va augmenter. Une augmentation des salaires, c’est aussi une augmentation des prix. » Si le raisonnement n’est pas nécessairement remis en question, et la nécessité de répercuter une hausse des salaires sur les prix envisageable et envisagée par les restaurateurs que nous avons interrogés, le chiffre avancé est, lui, totalement erroné. 

C’est ce qu’explique Jean Terlon, professionnel du secteur et ancien propriétaire d’établissements, désormais responsable adjoint de la branche restauration à l’Umih. « Même dans un restaurant triplement étoilé le ratio ne peut pas être de 80% de masse salariale, ce n’est pas possible. Dans la restauration traditionnelle on varie entre 30 et 50%. Et je ne vous parle même pas de la restauration rapide. »

« « 80% du prix final, c’est le salaire », ça ne veut absolument rien dire »

Florian Poirson

Même analyse de Florian Poirson, fondateur de CHR Consulting : « Dans la restauration rapide, on va chercher à diminuer les coûts de la masse salariale pour tomber autour de 25% du chiffre d’affaires. Dans la restauration traditionnelle, on est entre 35 et 40% du chiffre d’affaires. Il faut se méfier de ces chiffres un peu bizarres, ça ne veut rien dire. « 80 % du prix final, c’est le salaire », ça n’a pas de sens. 35 à 40% sont dédiés à la masse salariale. Après on ajoute les coûts de matière entre 25 et 30%, 10% pour les frais généraux et 10% pour le loyer. Parce que si on fait 80 % de l’addition qui part dans le salaire, il ne reste pas grande chose pour acheter de la nourriture. Ce qu’il a dit, c’est soit une fake news, soit sorti de son contexte, soit il ne savait pas ce qu’il disait », conclut-il.

(Photo d’illustration / Capture LCI)

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