Didier Chenet, président du GNI : « Je veux relancer le dialogue social »
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Didier Chenet, président du GNI, appelle de ses vœux la relance d’un dialogue social, qu’il juge atone, au sein de la profession. Pour L’Auvergnat de Paris, il revient sur un certain nombre de dossiers et notamment sur l’impact des grèves sur le CHR, alors qu’il vient d’être nommé président de la Commission emploi formation du Comité de filière tourisme.
Vous avez connu le SNRLH, puis le Synhorcat et, aujourd’hui, le GNI. Qu’est-ce que vous évoquent cette évolution et vos nombreuses années de syndicalisme ?
« Après ma première élection, il y a seize ans, le syndicat a connu une formidable évolution. Il était indispensable que l’on se regroupe pour peser dans les débats ; nous ne pouvions plus évoluer avec les nombreuses fédérations qui étaient disséminées. Nous sommes partis d’un important noyau, constitué par Paris et l’Île-de-France, mais il y avait aussi la Fagiht, syndicat leader en Savoie, Isère et Haute-Savoie. Cela a demandé un important travail de mise en commun des savoir-faire, car il n’y a pas eu d’absorption d’organisations syndicales, mais un brassage. Cela nous permet aujourd’hui de porter les couleurs des entreprises patrimoniales qui, par définition, s’inscrivent dans la durée, à l’inverse de la standardisation et des grands groupes portés par des fonds d’investissement. Il y a aussi une notion d’indépendance, que nous portons et qui va de pair avec nos métiers, tout comme l’accueil et la proximité avec le client.
Le syndicalisme patronal a donc évolué ces vingt dernières années ?
« D’un syndicalisme de défense au caractère corporatiste, pour ce qui nous concerne, nous sommes passés à une logique d’accompagnement et de conseil. Nous n’avons bien entendu pas oublié la défense de la profession, mais nous allons aujourd’hui beaucoup plus loin, avec de l’aide, de la réflexion et de la prospection. Je crois que c’est cet aspect qui a le plus évolué. Par exemple, quand le digital est devenu omniprésent, nous avons créé, dès 2003, une commission numérique. Cela illustre cette évolution vers l’accompagnement ou encore la formation.
Le GNI va-t-il encore s’étoffer ?
« Nous sommes partis du principe que nous devions être le plus accueillants possible. Par conséquent, d’une réflexion qui consistait à créer des instances régionales, nous avons changé notre fusil d’épaule, car cela correspondait à une vision trop verticale de notre organisation. Nous nous devons d’être au plus près des adhérents ; nous avons donc fait en sorte que même un club, qui n’est pas adhérent à une instance régionale ou autre, puisse nous rejoindre. Au GNI, on trouve tout de même des strates d’administrateurs et des commissions transversales (numérique, social, etc.), puis les branches (restaurateurs, hôteliers et traiteurs). Nous ne nous dirigeons pas vers une construction régionale, mais visons des zones où il y a de la demande et suffisamment de professionnels pour animer le GNI à l’échelon local.
« D’un syndicalisme de défense au caractère corporatiste, nous sommes passés à une logique d’accompagnement et de conseil »
Que représentez-vous en termes d’adhérents et estimez-vous avoir une représentativité nationale ?
« Nous sommes reconnus comme représentatifs à l’échelle nationale. Lors de la dernière enquête qui a jaugé la représentativité de chacune des organisations patronales, environ 10 000 établissements ont été recensés, soit 120 000 salariés. Ce comptage nous place en deuxième position en termes de représentativité. Il y a tout de même des zones où nous sommes peu présents. Je pense à la Bretagne ou encore au centre de la France. Nos bastions sont essentiellement constitués de capitales régionales, mais on trouve aussi le GNI en montagne ou dans la région PACA. Concernant le Nord, nous en sommes en revanche aux balbutiements, avec 200 membres environ.
Quel rôle va jouer Pascal Mousset, président parisien du GNI ?
« 80 % du Synhorcat étaient représentés par Paris. Or, le président du GNI ne peut pas être à la fois le président d’une région et le président national ; cela pose notamment des problèmes d’identification. Dans ce contexte, Pascal Mousset assurera le lien entre toutes les organisations locales et nos adhérents à Paris. J’ai dit qu’il s’agissait là de mon dernier mandat et je m’y tiendrai. Il est beaucoup trop tôt pour en parler, mais j’ai aujourd’hui l’exigence de former et de trouver une ou un successeur. D’ailleurs, je vous rappelle que je forme un binôme avec Catherine Quérard, vice-présidente nationale du GNI et présidente du GNI Grand-Ouest. L’activité syndicale demande beaucoup plus de technicité que par le passé et se révèle difficile à mener de front avec une activité professionnelle.
Avez-vous eu le sentiment d’être seul à ferrailler contre la taxe sur les CDD d’usage, qui a finalement été adoptée ?
« Ce n’est pas un sentiment. J’ai la certitude d’avoir été le seul à ferrailler. Je suis très étonné que d’autres organisations n’aient pas voulu aller au front. Notre position, sur ce sujet, est que l’on ne peut pas, du jour au lendemain, changer les méthodes d’organisation d’un secteur. Je pense bien sûr aux traiteurs ayant recours à des extras. Nous avons toutefois obtenu un amendement. Ce dernier prévoit que si, au sein de la branche, un accord fixant une durée minimale pour la vacation d’extras et le nombre de vacations au-delà duquel il faudra proposer un CDI est trouvé, puis agréé, alors les professionnels pourront être exonérés de cette taxe de 10 €.
D’autres dossiers ont avancé positivement. Pensez-vous que ce Gouvernement soit davantage à l’écoute des professionnels ?
« Non. Je dirais qu’il y a aujourd’hui des relations qui sont ébranlées par l’affaire des CDD d’usage. Néanmoins, nos rapports sont bons avec notre ministre de référence, Jean-Baptiste Lemoyne, et nous bénéficions d’une importante liberté d’expression. Ce n’était pas aussi simple il y a quelques années.
Quels seront les chevaux de bataille du GNI, en 2020 ?
« Nous avons trois sujets de fond : le social, le digital et le développement durable. Nous représentons des métiers d’accueil et devons nous préoccuper de nos salariés. Si l’on ne place pas l’humain avant tout, on arrive à un sentiment d’abandon et d’oubli, et donc à des problèmes d’attractivité. J’ai le regret de dire que le dialogue social est réduit à néant depuis deux ans dans notre branche. Il faut absolument le relancer, dans tous ses versants : les salaires, les contrats saisonniers, les CDD d’usage, les conditions de travail… Par rapport au digital, nous appelons à une harmonisation des conditions fiscales de chacun. Je pense notamment aux plates-formes comme Airbnb. Enfin, concernant le développement durable, avec l’obligation de trier les biodéchets à l’horizon 2025 dans le CHR, nous avons demandé une aide fiscale pour les restaurateurs qui assurent déjà le tri.
2019 a été impacté par les Gilets jaunes, puis par les mouvements sociaux liés à la réforme des retraites. Comment se portent vos adhérents ?
« Ils vivent très mal la situation. Les remontées du terrain donnent le sentiment que nos professionnels sont pris en otage. À partir du jeudi 5 décembre au soir, on a eu le sentiment que monde s’arrêtait. Nos établissements étaient déserts et la situation a malheureusement perduré, avec des baisses de CA comprises entre – 25 % et – 50 %. Les patrons ont mis en place tout ce qu’ils pouvaient en faveur de leurs salariés (transports, etc. ) et ont constaté une grande qualité d’engagement de la part de ces derniers. Les grèves auront des répercussions graves, avec un taux de dépôt de bilan compris entre 2 % et 4 %. Cela touche essentiellement les professionnels qui viennent de s’installer, moins ceux qui ont pu s’adosser à leur trésorerie. Les aides sont insuffisantes et n’interviennent pas assez rapidement. Il faut que cela se fasse vite avant que les patrons ne baissent leur rideau. Il faudra aussi un moratoire sur un certain nombre de charges. La grève aura duré plus de 40 jours…
Prendrez-vous parti pour un candidat aux élections municipales ?
« Le GNI fait de la politique, mais ne prend pas parti. Nous sommes en train d’achever un livre blanc dans lequel nous adresserons un certain nombre de questions aux différents candidats. Parmi elles, des questions sur la location des meublés touristiques, le chauffage de terrasse, les biodéchets, ou encore sur la délégation aux maires du droit de fermeture administrative en cas d’infraction. En tout, on y trouve une vingtaine de questions.