« Notre premier souhait, c’est la régulation des plateformes locatives»

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A l’occasion du 67 e congrès de l’Umih, du 19 au 21 novembre à Biarritz, Roland Héguy, président confédéral du syndicat de la rue d’Anjou, revient pour L’Auvergnat de Paris sur les dossiers d’actualité touchant le CHR. Il plaide pour une meilleure représentation des CHRD dans le secteur touristique et appelle à la régulation des plateformes de locations de courte durée, à l’instar d’Airbnb ou d’Abritel.

Ce congrès semble réalisé sur mesure pour Roland Héguy, dans sa ville, Biarritz. Ce chant du cygne n’intervient-il pas trop tôt alors que trois années de présidence sont encore devant vous ?

Biarritz, c’est un congrès sur mesure effectivement. Je suis très fier. J’ai eu l’honneur de choisir Biarritz car je souhaitais y réaliser un congrès avant la fin de ma présidence en 2022. Nous avons d’ailleurs pu mesurer l’évolution de l’Umih depuis mon élection en 2009 : elle s’est intégrée dans le paysage politique du CHR et, à l’échelon supérieur, du tourisme. Car de grands chantiers sont à venir, à commencer par le regroupement des branches professionnelles (de 700 branches, nous allons passer à moins de cent branches). Il y aura donc une branche comprenant les métiers du tourisme et la question qui se pose est : quelle sera la place des CHRD dans cette branche ? Je rappelle que 65 % du chiffre d’affaires du tourisme en France proviennent des CHRD. Enfin, l’autre chantier, c’est la bonne marche de l’Akto, notre nouvel Opérateur de compétences (Opco) présidé par Hervé Becam, qui réunit 32 branches de service, soit quatre millions de salariés environ. Il y aura davantage de crédits, mais il faudra être audacieux, moderne et force de propositions. Nous ne pouvons plus être sur la défensive, mais au contraire dans la proposition en étant inventif et intelligent.



Vous avez obtenu de vos adhérents un prolongement de mandat exceptionnel pour conduire le plan Umih 2022. Qu’est-ce qui a motivé votre volonté de prolonger votre action ?

Ce prolongement n’était pas prévu. L’ensemble des membres du conseil d’administration se sont rapprochés d’Hervé Becam et moi pour que nous menions à bien les dossiers dont je vous ai parlé précédemment. Avant l’assemblée générale extraordinaire du 16 octobre qui a prolongé notre mandat jusqu’en 2022, il a fallu réformer nos statuts et faire valider cette démarche à l’ensemble du directoire. Durant cette assemblée générale extraordinaire, il y a eu 95 % de participation et 97 % des voix étaient en notre faveur. Je ne m’attendais pas à un tel plébiscite car nos adhérents auraient pu ressentir une forme de lassitude, mais j’y vois une belle démonstration d’unité et nous sommes très heureux de continuer à porter les dossiers en faveur des professionnels du CHR.

Pouvez-vous nous définir les contours précis de ce plan ?

Le plan Umih 2022 revêt des engagements politiques, statutaires et syndicaux. Il y a également la mise en place d’une commission de suivi qui
rendra compte au conseil d’administration des avancées de l’Umih. Parmi ces engagements, on peut citer la représentativité : en 2020, un  nouveau comptage sera effectué. Concernant le regroupement de branches évoqué auparavant, il s’agira bien entendu de défendre les intérêts des CHRD. Le plan prévoit également de renforcer la position de l’Umih dans les territoires et dans les nouvelles instances de prise de décisions dans le secteur du tourisme : Opco, comité de filière, Parlement rural français, etc. Nos efforts se porteront par ailleurs sur la digitalisation de l’Umih pour plus d’efficacité, mais aussi sur la formation (Umih formation). Sur le plan statutaire, nous souhaitons renforcer le lien avec les syndicats associés (SNRTC, GNG, etc.) ou encore supprimer la limitation du nombre des mandats.

Vos relations avec le gouvernement semblent sereines. Quels sont aujourd’hui vos principaux points de revendication ?

Je ne dirais pas « revendications » car nous avons aujourd’hui un allié au ministère des Affaires étrangères en la personne de Jean-Baptiste Lemoyne. Nous travaillons main dans la main et avec de l’ouverture d’esprit. À travers le tourisme, il a compris qu’on pouvait faire avancer les choses, notamment sur la ruralité. Les échanges sont constructifs et concrets. Nous verrons quelles seront ses capacités à faire évoluer les différents dossiers, à se faire entendre du gouvernement, à travers le comité de filière qu’il préside. Néanmoins, notre premier souhait, c’est la régulation des plateformes locatives notamment. En termes de fiscalité, nous voulons par exemple que les mêmes règles soient appliquées à tous. Pour avancer sur le sujet, nous avons pris notre bâton de pèlerin pour rencontrer les maires de France et les alerter sur les activités d’Airbnb et la place de la location de meublés touristiques dans les différentes communes. Par exemple, dans le Pays Basque (136 communes), on dénombre 4 500 chambres d’hôtellerie marchande contre 8 500 meublés touristiques.

Le thème de ce congrès, « Tourisme : accélérateur des territoires » semble se focaliser sur la ruralité. Pensez-vous pouvoir un jour revitaliser le fameux « désert français » ?

Je suis très volontaire sur la question et très optimiste. Mettre en avant la ruralité, c’est une réponse économique, culturelle et intellectuelle pour redonner de la vigueur à la France. Sinon, on va droit dans le mur. 80 % des touristes qui visitent la France se concentrent sur 20 % du territoire : cela ne peut pas durer. Il faut repenser cela car, par le passé, nous avions une spécificité formidable : celle de toujours tomber sur une auberge dans n’importe quelle petite ville ou département. En tant qu’hôtelier, cafetier et restaurateur indépendant, je suis très attaché aux territoires ruraux.

Ne pensez-vous pas que mesurer le bilan carbone du congrès ressemble à un alibi pour une profession qui ne paraît pas vraiment concernée pas les défis actuels ?

Oui c’est un alibi, mais nous sommes très concernés. Les CHRD sont de grands consommateurs d’énergie. Partant de ce constat, l’Umih accompagne au mieux ses adhérents, notamment à travers un partenariat avec le chef Thierry Marx qui est lui aussi sensibilisé à la question du gaspillage alimentaire par exemple.

Il est question de transférer le pouvoir de fermeture des préfets vers les maires. Quelle est votre position à ce sujet ?

Nous sommes totalement défavorables à cette mesure, nous ne voulons absolument pas que les maires puissent fermer des établissements quand ils le veulent. Pourquoi ? Car au moment des élections par exemple, on assistera à des scènes où, dans un environnement un peu conflictuel, le patron d’un établissement sera pour ainsi dire seul contre tous. Il n’aura jamais raison dans ces conditions. Nous avons été clairs vis-à-vis de ce projet dont nous ne voulons pas. A ce sujet, nous soutenons d’ailleurs les amendements déposés par le député Christophe Blanchet qui lui aussi s’y oppose.


On n’a peu entendu votre organisation sur l’instauration de la taxe sur les CDDU. Avez-vous l’intention de négocier un accord avec les salariés pour le modifier ?

C’est une mesure de l’assurance chômage qui impacte nos contrats d’extra (CDDU de la branche) et notamment nos traiteurs organisateurs de réceptions avec qui nous travaillons actuellement dans le but de préserver les spécificités liées à leur activité. Sur l’autre aspect de la réforme, le bonus-malus, nos actions ont permis d’obtenir l’exclusion des entreprises de moins de 11 salariés, ce qui représente 90 % de nos entreprises.

L’année passée, vous avez eu l’idée d’un CDI mobilité. Est-ce encore d’actualité ?

Oui plus que jamais ! Il y a un an, nous avions proposé la création d’un nouveau contrat, d’une nouvelle relation de travail pour que nos professionnels puissent trouver plus rapidement des salariés. Ce projet est toujours en cours d’expertise pour notamment s’adapter à toutes les réformes actuelles. Au congrès de Biarritz, nous faisons d’ailleurs intervenir sur ce sujet Paul-Henri Antonmattei, professeur à l’université de Montpellier et avocat en droit social. Cependant, la plateforme numérique (la première étape du dispositif) sera opérationnelle à la fin du premier trimestre 2020. Elle permettra la centralisation des offres et des demandes d’emplois, la simplification administrative pour l’employeur et une sécurité juridique pour les salariés.

Craignez-vous à court terme un durcissement de la fiscalité sur les CHR (TVA ou autre) ?

Si on ne régule pas les plateformes numériques, le Gouvernement va être obligé de gonfler encore la fiscalité de nos entreprises. Il y a bien sûr une crainte de notre part, car il est urgent de légiférer sur la taxe de séjour pour les plateformes locatives, sur le chiffre d’affaires réalisé, etc. Comment accepter que Starbucks, qui réalise 150 M€ de CA par an, échappe à l’impôt ? Cela nous fait mal pour nos entreprises. A ce rythme, l’entreprise au sens noble va péricliter et c’est économie de la France qui sera fortement mise à mal.



Propos recueillis par Mickaël Rolland

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