« Nous allons proposer un nouveau contrat de travail »

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Alors que l’Umih prépare son congrès de Saint-Étienne, du 4 au 6 décembre, sur le thème « Ici on recrute ! », nous sommes allés à la rencontre de Roland Héguy, président de l’Umih qui, dans un entretien, nous a montré comment son syndicat s’était modernisé durant ces dernières années.

On vous a vu au Quai d’Orsay il y a quelques semaines avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, très détendus. Le courant semblait passer. Est-ce à dire que l’Umih n’est plus un syndicat de revendication ?

Roland Héguy : L’Umih est devenue une organisation qui a pris de l’ampleur, du volume et est reconnue pour sa représentativité, mais qui agit avant tout dans l’intérêt de ses adhérents et de la profession. S’il faut revendiquer, nous revendiquons. Mais nous savons également être force de propositions et travailler les dossiers grâce à l’expertise et la compétence de nos services. Notre accueil au Quai d’Orsay sonne comme une reconnaissance de notre travail et comme l’interlocuteur légitime. Avec beaucoup de modestie, je pense que l’Umih a profondément changé en l’espace de cinq, six ans. L’heure n’est plus à l’affrontement et au tout revendicatif. Nous avons changé de modèle de société.

Plutôt qu’aller systématiquement contre tout, nous préférons nous constituer en force de proposition.

Ce fut le cas lors du dernier débat, il y a quelques mois, sur la hausse de la TVA en restauration. La menace d’une TVA à 20 % était alors lourde. Mais avec un travail de lobbying et d’explication, argument après argument, nous avons démontré au gouvernement que cette orientation serait une erreur.

Ces pressions en coulisse sont-elles plus efficaces ?

D’abord, nos troupes ne réagissent plus comme par le passé. Nous menons aujourd’hui une forme de revendication plus crédible. L’État, la société changent profondément.

Nous devons nous montrer plus constructifs, être force de proposition. D’ailleurs, depuis que je préside l’Umih, tous les thèmes de nos congrès vont en ce sens. À Saint-Étienne par exemple, le thème choisi sera : Ici on recrute ! On tend la main à l’ensemble des jeunes et des moins jeunes. On veut que nos métiers soient reconnus comme des métiers, au-delà du simple cas de la cuisine. En salle, aujourd’hui, on est malheureusement plus proche d’une notion de « job d’été » que de métier.

Vous répétez à l’envi à vos adhérents que la France doit se préparer à accueillir 100 millions de touristes.

Pensez-vous qu’ils seront à la hauteur du défi ?

On sait que la France va recevoir chaque année 5 % de touristes supplémentaires, ce qui me rend optimiste. Il faut s’organiser et agir, plutôt que réagir. Il faut montrer des directions, impliquer les élus locaux et les pouvoirs publics pour organiser le tourisme. C’est aussi l’intérêt des politiques, car nous attirons des devises. En travaillant ensemble, je suis persuadé qu’on peut gagner un point de PIB. Derrière les décisions de croissance et d’investissements, il y a l’enjeu de l’emploi. Il faut savoir accueillir ses flux et considérer les métiers d’accueil comme de vrais métiers. Il faut être à l’écoute de nos jeunes.

Dans les campagnes, de nombreux signaux d’alerte sont émis autour des difficultés de transmission d’entreprises. Que faut-il faire pour encourager les nouveaux entrepreneurs ?

Je sors du Sénat où on a rencontré le président de l’association nationale Nouvelles Ruralités, qui regroupe une trentaine d’associations concernées. Cette rencontre découlait des assises de la ruralité que nous avons organisées en avril à Rodez. Beaucoup de députés et de sénateurs sont prêts à nous accompagner sur ces questions.

Nous leur avons fait comprendre, dès lors que le café, l’hôtel ou l’auberge du village disparaissent, très vite on ne trouve plus de médecin, l’école ferme et le village meurt.

Pour revitaliser, il est nécessaire de ramener une part de flux touristique sur ces territoires. Quand on voit l’affluence dans certaines zones, les heures de queue au mont Saint-Michel ou à la tour Eiffel, on se dit que la réponse est sur nos territoires. Des établissements rentables, viables, en bon état, sont obligés de fermer, faute de candidats à la reprise. C’est dommage, car de nombreux jeunes citadins souhaitent s’installer et vivre dans une commune rurale pour un autre choix de vie. Ils veulent fuir les problèmes de transport, le coût élevé de la vie. Ils peuvent apporter leur pierre à la revitalisation du secteur rural. Il faut leur donner une réponse sociétale, économique et politique. Je vais mettre toute l’énergie que j’ai sur ce sujet durant les deux ans de mandat qui me restent. Je crois qu’il faut offrir aux jeunes des conditions favorables pour entreprendre en zone rurale, et notamment des normes d’accueil, de sécurité, d’accessibilité adaptées et moins contraignantes.

Ils n’ont pas la possibilité de payer des tickets d’entrée de 300000 à 400000 euros pour mettre aux normes l’établissement qu’ils reprennent avant de commencer a travailler. Nous souhaitons mettre en avant un principe général de qualité. Dans un hôtel-restaurant, quel que soit le niveau, il faut d’abord garantir au client une bonne literie, une bonne douche, un bon éclairage, une propreté irréprochable et une bonne assiette. C’est la raison pour laquelle nous demandons aux pouvoirs publics de créer une sixième catégorie d’établissements dans laquelle on offre plus de souplesse et de flexibilité aux exploitants. Un hôtel de l0 à l2 chambres en zone rurale n’a pas besoin d’être en mesure de recevoir les cinq handicaps par exemple.

Si nous ne parvenons pas à rendre possible l’exploitation de ces établissements ruraux, bientôt on pourra traverser un département sans croiser un café ou un hôtel. C’est impensable et ce n’est pas digne de la France! Je peux d’ores et déjà annoncer qu’en avril 20l9 nous organiserons, avec le député Ramos, l’Association des maires ruraux de France et d’autres associations, une grande journée sur la ruralité à Paris où nous inviterons tous les parlementaires et des ministres.

Quels seront les temps forts de ce congrès stéphanois?

Le mardi après-midi sera consacré au thème de notre congrès avec une table ronde sur l’emploi avec des intervenants très concernés, comme Régis Marcon, Thierry Marx, la députée Pascale Fontenel-Personne, des jeunes, etc. Nous aurons la visite de Jean-Baptiste Lemoyne et nous avons l’espoir de voir Muriel Pénicaud se déplacer dans un CFA à Saint-Étienne, en marge du congrès.

Nous ferons des propositions très précises en faveur de l’emploi, de la formation, des conditions de travail.

Nous sommes prêts à mettre tous les sujets sur la table. Nous allons même proposer un nouveau contrat de travail sur lequel nous travaillons depuis des mois. Enfin, nous prévoyons une intervention de la députée Frédérique Lardet (HauteSavoie), chargée d’une mission sur l’emploi et le tourisme par le Premier ministre. Daniel Herrero, célèbre entraîneur de rugby, viendra échanger avec nos congressistes autour des thèmes de la solidarité, de la confiance. Nous évoquerons également, notamment dans les branches, la réforme du code des débits de boissons. C’est un serpent de mer dont j’entends régulièrement parler depuis mon entrée dans le syndicalisme. Mais je crois que, cette fois, nous sommes près d’obtenir un résultat. Nous avons travaillé avec la mission interministérielle de lutte contre les pratiques addictives nocives qui prépare un plan gouvernemental autour de la consommation des boissons alcoolisées et qui devrait reprendre nombre de nos propositions. Nous travaillons aussi sur ce sujet avec le député Christophe Blanchet (Calvados) sur les licences lV, c’est-à-dire permettre aux communes qui n’ont plus de licence lV d’en créer une qui serait non cessible et non transmissible.

Nous souhaitons limiter le transfert de licences aux départements limitrophes et lutter contre le commerce illégal d’alcool par les associations. Nous avions poussé, il est vrai, il y a quelques années, à autoriser les transferts à l’intérieur d’une même région. Mais avec la création des grandes régions, nous nous sommes aperçu qu’on pouvait retrouver des licences de Guéret transférées à Biarritz, ce qui n’est pas souhaitable. Le congrès sera également l’occasion d’expliquer notre assignation contre Airbnb, que nous avons déposée il y a quelques semaines. La branche hôtellerie organise un concours de start-up.

Que prévoyez-vous pour la restauration ?

2018 a été l’année du lancement des assises de la restauration où des groupes de travail se sont tenus sur de nombreux sujets : social, environnement, numérique, fiscalité.

L’ensemble des restaurations françaises, traditionnelle, rapide et organisée, était autour de la table. Nous travaillons tous avec les mêmes règles et les mêmes lois, nous faisons le même métier. Nous présenterons au congrès l’étude BVA réalisée pour le Fafih sous l’impulsion de l’Umih sur l’image et l’attractivité de nos métiers. C’est important de comprendre l’image de notre métier, chez les jeunes et leurs parents, et aussi chez les professeurs dans nos CFA. || y a un gros travail à réaliser avec l’Éducation nationale. La branche a désormais la responsabilité de l’apprentissage. l’Umih se mobilise pour que l’apprentissage devienne une filière d’insertion par l’excellence. Il fait partie de l’ADN de nos métiers.

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