Syndicats professionnels, vers une grande union

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A la fin de cette année, il n’y aurait plus qu’un seul grand syndicat professionnel pour l’ensemble des CHR. Le GNC, le GNI, le SNRTC et l’Umih ont engagé des négociations afin de créer les conditions d’une large union d’abord dans une confédération, puis dans une fédération. A terme, cette structure pourrait ainsi gagner en influence dans les négociations à venir. Elle pourrait également disposer d’une puissance financière capable de répondre à la demande croissante de service des adhérents.

C’est officiel depuis le 28 janvier! Dans un communiqué commun l’Umih et le GNI ont annoncé leur volonté commune d’opérer un rapprochement en vue de la création d’une nouvelle et unique organisation patronale du secteur. Cette réflexion associe deux autres organisations patronales, le GNC (Groupement national des chaînes hôtelières) et le SNRCT  (Syndicat national de la restauration thématique et commerciale). Les discussions ont débuté il y a un mois et aujourd’hui, Roland Héguy estime que « la volonté d’aboutir de part et d’autre est telle qu’il est temps d’officialiser cet objectif. Reste maintenant à régler les conditions de cette union, à savoir la gouvernance, le poids de chacun, le périmètre et la question financière ».

La crise sanitaire a bien sûr précipité cette volonté d’union encore inimaginable il y a moins d’un an. Les centrales syndicales ont dû faire face à un défi sans précédent et ont appris à travailler ensemble. Elles ont ainsi pu réaliser que ce qui les sépare est beaucoup moins important que ce qui les rassemble. Le communiqué commun est d’ailleurs très clair  à ce sujet et évoque la capacité de  l’ensemble du secteur HCR « à s’exprimer d’une seule voix pour défendre ses intérêts devant les pouvoirs publics ». Mais surtout les querelles entre les intérêts des « indépendants » et ceux des « groupes », semblent aujourd’hui enterrées puisque le texte conclut que « la diversité de la profession (chaînes, indépendants, hôteliers, restaurateurs, traiteurs organisateurs de réceptions, établissements de nuit) constitue une force ».

Le plus dur reste toutefois à réaliser

L’idée est de négocier les conditions de cette union et de présenter cet été aux adhérents un plan définissant les modalités de l’accord. Ce texte, devra ensuite être ratifié à l’automne par les congrès ou assemblées générales des différentes structures afin de pouvoir mettre en place une confédération forte de 50 000 à 60 000 adhérents. Celle-ci pourrait être opérationnelle dès le début 2022. « Cette confédération aura vocation à se transformer rapidement en fédération », indique Didier Chenet, président de l’Umih. « Il s’agit d’une structure provisoire qui va nous permettre d’apprendre à vivre ensemble, confirme Roland Héguy. Je suis persuadé que si l’on met en avant une seule organisation et un seul porte-parole, nous arriverons rapidement à rassembler 100 000 adhérents soit un doublement de nos adhérents respectifs ». Didier Chenet se montre lui aussi optimiste sur l’avenir de la nouvelle structure : « Aujourd’hui, un syndicat repose sur deux piliers : sa capacité à défendre et à promouvoir la profession et ses services à l’adhérent que cette mise en commun de moyens permettra d’améliorer ». 

« Aujourd’hui, les chefs d’entreprises veulent des services qualité et performants, c’est ce qui motive leur adhésion à un syndicat », abonde Roland Héguy. Depuis des années l’Umih avait su prospérer en agrégeant des structures. Le mouvement a commencé avec son ancêtre la FNIH (créé en 1946), dont le président Jacques Thé avait su convaincre en 1994 le GNC créé cinq ans plus tôt de rejoindre la structure de la rue d’Anjou. Son successeur, André Daguin, a ensuite siphonné une partie de la CPIH avant de créer en 2000 une nouvelle entité, l’Umih. Par la suite, d’autres syndicats, le SNRPO (Syndicat national de la restauration publique organisée) et la CSLMF (Chambre syndicale des lieux musicaux festifs et nocturnes) se sont associés à l’Umih. Il convient toutefois de préciser que ces deux dernières organisations ne sont pas signataires du communiqué.

L’Umih principale structure, le GNI représentant de l’Île-de-France

En 2015, la mise en place par l’Etat d’un dispositif de comptage et de reconnaissance de la représentativité des syndicats professionnels a poussé, la CPIH et ses 3 000 adhérents revendiqués ainsi que le SNRTC, à rejoindre à leur tour la centrale de la rue d’Anjou. De la sorte, l’Umih se profile aujourd’hui comme la plus importante structure syndicale du secteur CHR et revendique 72 % des entreprises syndiquées.

Le GNI apparaît de son côté comme une structure plus parisienne. Il est le lointain successeur du SNRLH (Syndicat national des restaurateurs, limonadiers et hôteliers) qui est devenu le Synhorcat en 2003, sous la présidence de Jacques Mathivat en agrégeant le SFH, (Syndicat français de l’hôtellerie) (SFH) et l’Upac, Union professionnelle artisanale de la cuisine et de la restauration françaises. Le Synhorcat a ensuite progressivement disparu au profit du GNI lorsque Didier Chenet a fusionné son syndicat avec plusieurs structures régionales comme la Fagiht (Alpes) et en développant des antennes en province.

Ainsi, en l’espace d’une quinzaine d’années, ces deux structures sont parvenues à mettre un terme à la balkanisation du syndicalisme hôtelier français et le rapprochement qui se dessine aujourd’hui va dans le sens de l’histoire. Il est aussi logique si on considère l’évolution de ses adhérents, de plus en plus animés par une vision entrepreneuriale de leurs professions. Il ne restait plus qu’à réunir ces deux frères ennemis dont les sièges parisiens ne sont situés qu’à 1,3 km de distance l’un de l’autre.

La personnalité des dirigeants a sans doute aussi favorisé ce rapprochement. Du côté de l’Umih, le tandem Héguy Bécam, à la manœuvre depuis 2010, a toujours privilégié le dialogue à l’affrontement et a considérablement modernisé la centrale de la rue d’Anjou. De l’autre côté, Didier Chenet conduit le syndicat de la rue Gramont depuis 2004. Forte personnalité, fin stratège et bon négociateur, il est parvenu à développer le GNI et en faire un syndicat représentatif et surtout très écouté.

Ainsi, les exécutifs des deux syndicats étaient de moins en moins en opposition marquée ces dernières années même si leurs troupes continuaient parfois à entretenir une certaine rivalité. Il faut enfin considérer que Roland Héguy et Hervé Bécam achèveront leur ultime mandat en 2022. Didier Chenet abandonnera ses fonctions l’année suivante « quoiqu’il arrive ». Les trois hommes ont sans doute saisi l’occasion de préparer un départ en beauté en laissant derrière eux une puissante centrale qui fédère l’ensemble de la profession. Il leur reste à désormais à faire admettre cette évidence à leurs bases.

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