Un congrès de l’Umih sous le signe de la remise en question

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Après deux ans de pandémie et une pénurie de main-d’œuvre inédite dans le secteur, le 69e congrès de l’Umih était un rendez-vous à ne pas manquer. C’était l’occasion pour les patrons affiliés de se pencher sur les raisons d’un désamour croissant pour les métiers de l’hôtellerie-restauration.

La jeune garde était présente au congrès de l’Umih. Passé les discours d’ouverture pétris de bonnes intentions et d’éloges convenus, avec en point d’orgue la prise de parole de Bruno Le Maire sur la résilience bien connue des restaurateurs, un autre travail attendait ces derniers. Comprendre pourquoi des salariés se sont fait la malle pendant la pandémie, et agir pour, d’une part, conserver ceux qui sont restés et, d’autre part, renouveler les effectifs durablement. C’était l’objet de ce 69e congrès de l’Umih : « La relance responsable » .

Ce sont des jeunes restaurateurs qui ont pris la parole lors des tables rondes organisées au palais des congrès de Strasbourg. Hélène Clautour, présidente de la branche restauration de l’Umih 85 (Vendée), s’est présentée à la barre pour défendre sa vision du management en restauration, et se poser en exemple devant la profession. « Quand on s’est mis à notre compte [avec son mari, NDLR], il était hors de question que je fasse vivre à mes salariés ce que moi j’ai pu vivre », témoigne la restauratrice, ex-saisonnière pendant plus de dix ans. « J’en ai eu, des heures supplémentaires non payées, des “ si t’es pas contente, la porte est là ” », poursuit-elle. Pour mieux gérer ses stagiaires et saisonniers, Hélène Clautour a aménagé des appartements qui lui permettent d’accueillir ce personnel. Ce facteur facilitant va de pair avec un management participatif fondé sur le transfert de compétences et la bienveillance. « Quand un stagiaire fait l’affaire, et que le reste de l’équipe l’adopte, on lui propose des extras, puis des saisons, avec en ligne de mire cette possibilité de devenir un membre à part entière du personnel de la maison », explique-telle. Un fonctionnement payant, puisque ses CDI actuels sont d’anciens stagiaires ou saisonniers qui ont progressivement gravi les échelons dans son restaurant.

COMME DANS LE BÂTIMENT

En écho de cet exemple empirique mais parlant de l’ascenseur social, Daniel Cerutti, président de la fédération française du bâtiment Grand Est, est intervenu sur le congrès. Son secteur, a-t-il expliqué, a connu « une crise de l’emploi et un mouvement de défiance similaires lors de la crise de 2009 », forçant les patrons du bâtiment à une forte remise en question. « Nous avons l’obligation de prendre en charge le déplacement travail-domicile de nos salariés, c’est une première chose. Ensuite, nous sommes en avance sur la grille de salaires par rapport à la restauration, et l’ascenseur social est une réalité chez nous, puisqu’un artisan peut devenir patron de son entreprise ou cadre supérieur dans une major comme Vinci ou Eiffage s’il mène bien sa carrière. » « Il y a malheureusement dans le secteur du bâtiment des entreprises qui “oublient” de respecter la réglementation, et parfois même le code du travail », a-t-il lâché en provoquant quelques sourires entendus, ou peut-être gênés, en préambule du débat qui allait venir sur la rémunération des heures supplémentaires.

En effet, une étude présentée lors du congrès a révélé que près d’un salarié sur deux regrettait le non-paiement total ou partiel de ses heures supplémentaires ; ce serait, à en croire les commentaires relevés par nos confrères, la deuxième raison qui pourrait pousser le personnel du secteur à le quitter. Et sur ce sujet, le débat a tourné court. Il y avait ceux qui, comme souvent, ont répondu que le problème n’était pas là, mais dans le traitement médiatique de la profession, et les charges trop élevées. Un membre de l’assemblée a même déclaré n’avoir jamais rétribué les heures supplémentaires de ses salariés, sans conséquences apparentes, « puisqu’ils sont toujours là » . Un restaurateur du Nord a parlé de son expérience, arguant avoir mis en place la pointeuse pour tous les salariés de son établissement. « Au moins, ils sont tous payés comme ils le devraient en fonction du travail accompli. »

Devant les réticences d’une partie de la profession à accepter la critique, Daniel Cerutti a repris la parole pour poser un constat salvateur : « Ce ne sont peut-être pas vos salariés à vous qui ont mis en lumière les problèmes du secteur, mais le constat, il est là. L’enquête n’attaque pas monsieur ou madame, elle attaque la profession. Vous êtes peut-être des modèles, mais il y a encore des professionnels qui ne le sont pas. Si on n’admet pas cette situation, on n’est plus fédérés », conclut le président de la fédération du bâtiment Grand Est.

Charge aux membres de l’Umih de diffuser la bonne parole dans leurs circonscriptions respectives. Selon les chiffres de la Dares, 237 000 salariés manquaient à l’appel en février 2021 par rapport à l’année précédente. Une situation tendue. À la suite du congrès de l’Umih et de celui du GNI une semaine plus tôt, place désormais aux négociations de branches avec les autres syndicats représentatifs pour transformer l’essai et apporter des solutions durables pour la profession.

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