Livraison : c’est le moment de tester !

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Alors que les salles sont désormais ouvertes dans tout l’Hexagone, mais avec un potentiel d’accueil réduit, la livraison permet à certains restaurants de conserver une partie non négligeable de leur activité. C’est aussi un service déjà rentable pour certains acteurs. Elle entraîne par ailleurs une réorganisation logistique des bars et restaurants.

Livreur Delivroo
Livreur Delivroo

« J’ai commencé à proposer la livraison le 15 avril et le retour est plutôt positif. Nous faisons 34 % du chiffre d’affaires habituel, ce qui est rentable pour survivre, payer les factures et le loyer. » Le chef Denny Imbroisi, à la tête de trois restaurants à Paris (Ida, 15e ; Epoca, 7e et Malro, 3e ), semble satisfait des résultats du service de livraison qu’il propose désormais à sa clientèle. « Auparavant, j’ai pu faire des expériences avec Deliveroo et Uber Eats pour des événements, explique l’ancien second d’Alain Ducasse, au Jules Verne. Mais après la réouverture en septembre, je vais continuer à travailler avec des plates-formes. C’est la meilleure chose pour combler les tables vides… Je crois qu’il faut prendre ces nouvelles habitudes. » Après l’annonce de la fermeture des salles, les plates-formes de livraison se sont d’ailleurs rapidement mises au diapason. Jusqu’au 31 mars, Uber Eats ne facturait « aucuns frais d’activation » à ses nouveaux restaurants partenaires, et offrait même la « gratuité des frais de livraison pour les clients » de l’application. Plusieurs offres promotionnelles ont rendu l’application encore plus attractive aux particuliers, durant les premières semaines du confinement. 


Un service en hausse d’activité 

Deliveroo affirme que « plus de 2 000 restaurants partenaires ont rejoint [sa] plate-forme depuis mi-mars », ce qui correspondrait à « plus de 10 % du nombre de restaurants référencés avant la crise ». Just Eat reconnaît également que « le public a démontré un certain intérêt pour la livraison de repas » : leur taux de nouveaux clients aurait « augmenté de 55 % » depuis le début du confinement. Chez Deliveroo, on estime « que le retour à la normale sera lent et que la réouverture des restaurants se fera sous contrainte à moyen terme […] Nous pensons que la livraison a un rôle à jouer après la crise comme pendant la crise, et nous voulons aider nos partenaires à adapter leur offre à cette nouvelle donne ». Afin de faciliter la gestion de trésorerie, Uber Eats et Deliveroo proposent désormais la possibilité aux restaurateurs de percevoir un revenu quotidien (et non plus hebdomadaire) de leur activité en livraison. « La livraison nous permet de réamorcer une dynamique et de faire sortir six employés du chômage partiel. Cela nous permet aussi de penser à la suite, explique le chef Joseph Viola, propriétaire des trois enseignes Daniel et Denise à Lyon. Nous essayons de mettre nos restaurants en configuration, car nous n’avons pas de salles ni de cuisines de 200 m2. Alors si nous devons installer seulement une table sur deux, il y aura peu de places disponibles. » Le restaurateur s’inquiète surtout de perdre durant un moment « l’esprit bouchon » de ses établissements. Depuis plus d’un mois, les restaurants Daniel et Denise – dont deux ont été transformés en épicerie – proposent des plats cuisinés en vente à emporter et en livraison via Uber Eats. « Grâce à cela, nous pouvons payer les loyers et les frais fixes, comme le téléphone et l’électricité. Certes ces factures ne sont pas élevées, mais nous ne réalisons pas encore un chiffre d’affaires important. Ces solutions nous permettent de travailler sur le futur », conclut Joseph Viola.

« La livraison nous permet de réamorcer une dynamique et de faire sortir six employés du chômage partiel. » 


Et parmi ces alternatives à la restauration sur place, la vente à emporter devançait encore largement la livraison – à hauteur de 70 % contre 30 % de l’activité du chef lyonnais avant la réouverture. « Je propose la livraison exclusivement avec Uber Eats pour réduire les commissions qui restent assez conséquentes », reconnaît Baptiste Renouard, qui a ouvert l’an dernier son restaurant gastronomique Ochre, à Rueil-Malmaison. L’ancien candidat de « Top Chef » offre depuis le début du confinement un service de livraison en exclusivité avec une seule plate-forme, afin « de démarrer dans les meilleures conditions ». Malgré la situation économique désastreuse pour beaucoup de restaurateurs (40 % d’entre eux pourraient fermer leurs entreprises, selon l’Umih), la livraison n’est pas toujours privilégiée, ni même proposée. « Avec 30 % de marge, autant rester fermé ! Cela fonctionne quand on fait beaucoup de volume. Mais pour nous, travailler avec ces plates-formes ne sert à rien », estime Pierre Anquier, directeur associé des P’tites indecises (Paris, 11e ), dont l’activité a repris le 18 mai, avec une carte réduite ciblée vers la vente à emporter. « Pour les restaurateurs traditionnels, la vente à emporter fonctionne mieux aujourd’hui que la livraison, avance Julien Tafanel, gérant libre du Barricou (Paris, 3e ). Il est important que les habitants du quartier puissent au moins boire un café sur le trottoir, cela permet de garder le contact. Mais notre objectif est surtout de payer le loyer des murs. » 


Une offre de livraison plus autonome 

En fait la meilleure solution consisterait à cumuler les deux formules commerciales, au fond assez complémentaires. La conjonction des deux assure aussi à l’établissement une meilleure visibilité. « Nous faisons beaucoup plus de ventes à emporter que de livraisons. Mais grâce à Uber Eats, je me suis fait connaître par des personnes qui ignoraient l’existence de mon restaurant. Désormais, je touche une nouvelle clientèle », admet Baptiste Renouard. Le jeune chef mettra prochainement en place son propre système de livraison : « Je vais développer une activité de traiteur à prix cassé pour livrer directement les entreprises. Je pense que les gens ne veulent plus faire la cuisine trois fois par jour. L’idée est de proposer de bons produits, pas trop chers et de qualité. » Ochre offrira alors des menus spécifiques aux entreprises des alentours de Rueil-Malmaison, pour seulement 25 € contre 35 € aujourd’hui. Ces repas entrée-plat-dessert seront livrés lors d’une unique tournée de livraison en matinée. « Nous simplifions déjà énormément nos plats, avec des viandes confites par exemple. J’ai toujours fait de la gastronomie depuis l’âge de 14 ans… Mais nous revenons un peu aux basiques pour l’instant, notre réflexion nous pousse à être efficaces. » Un service de livraison plus indépendant des plates-formes peut donc se révéler une solution adéquate pour des petits établissements, et cela évite de supporter des commissions qui se situent dans une moyenne de 100 %. Dans cette optique, le système de marketplace (mise en relation) – proposé notamment par Just Eat (14 % de commission) – peut s’avérer plus rentable si vous disposez déjà de livreurs. 


Le client paie l’addition 

Dans la grande majorité des cas, ce sont les clients des restaurants présents sur les plates-formes de livraisons qui supportent le coût du service. Avec Deliveroo par exemple, les frais sont à la charge du client : « Ils commencent à 0,99 € et sont affichés de manière transparente sur l’application. » Si la livraison s’effectue via Uber Eats, le client aura également à sa charge ce service, dont les frais sont « en moyenne de 3, 50 € ». La plate-forme Just Eat propose, pour sa part, deux systèmes à ses partenaires. Pour les livraisons affiliées à des restaurants en marketplace (mise en relation), le restaurateur gère lui-même ce service et peut alors « choisir de l’offrir ou de le faire payer » à son client. En revanche, si la livraison s’effectue avec Stuart, partenaire de Just Eat, « c’est le consommateur qui supporte le coût de la livraison », dont le prix moyen est de 1,50 €. 

www.just-eat.fr 

Ⓒ Just Eat


Deliveroo arrondit la note  

Pour aider les restaurants, du 8 juin et jusqu’au 1er septembre, Deliveroo propose à ses clients d’arrondir le prix de leurs commandes à l’euro supérieur, ou en déposant un pourboire supplémentaire afin d’aider les restaurateurs. Le spécialiste de la restauration livrée estime que « ce coup de pouce a vocation à accompagner les restaurateurs alors que salles et terrasses rouvrent progressivement, après des semaines de fermeture obligatoire ». 

www.deliveroo.fr 

Ⓒ Deliveroo

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