Plateformes de livraison : l’heure du bilan

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Entre 2014 et 2015, de nombreuses plateformes de livraison ont vu le jour. Qu’en est-il près de 10 ans plus tard ?

Plateformes de livraison
Dix ans après, quelle conclusion tirer des plateformes de livraison. Crédit : Cottonbro Studio

Uber Eats, Deliveroo, Stuart, Getir, Glovo…Ces entreprises ont toutes vu le jour au cours du boom des start-ups dans la foodtech, entre 2014 et 2015. À leur genèse, ces plateformes ont cherché à concilier technologie et restauration. En revanche, bien qu’elles soient utilisées par des millions de personnes à travers le monde, elles peinent à être rentables et ont dû faire évoluer leur business modèle. Au Coeur du CHR s’est penché sur l’évolution de ces start-ups à travers le temps.

Stuart : la livraison à la française

Stuart est une start-up spécialisée dans la livraison de colis et de plats à emporter. À ses débuts en 2015, la Poste en était la société mère. En moins de 10 ans, Stuart s’est implanté dans six pays différents, dont 126 villes européennes. En 2022, son chiffre d’affaires s’élevait à 400 millions d’euros et l’entreprise comptait 700 employés. Malgré une apparence de fonctionnement fluide, Stuart n’a toujours pas réussi à atteindre ses objectifs de croissance et de rentabilité. En 2017, GeoPost, filiale de La Poste, acquiert la totalité des parts de la start-up. Leur but est de renforcer l’offre de livraison et par conséquent améliorer les chiffres.

Par la suite, l’année 2023 se corse pour la société de livraison. En effet, début janvier, Stuart est relaxé suite à des plaintes pour travail dissimulé. Puis, en septembre, la Poste fait le choix de céder Stuart à Mutares, société d’investissement allemande. La Poste a notamment confié à l’AFP ne pas avoir réussi « à intégrer Stuart dans son modèle opérationnel, (…) la croissance attendue dans la livraison instantanée de colis n’étant pas au rendez-vous” ».

Uber Eats : la filiale à succès

Aujourd’hui, Uber Eats est l’une des plateformes les plus reconnues et ce, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. L’application, filiale de l’entreprise Uber, a vu le jour en 2015 et arrive en France un an plus tard.Désormais, Uber Eats est présent dans 350 agglomérations différentes. De ce fait, cette plateforme touche 60% de la population française. Par ailleurs, plus de 45 000 établissements travaillent avec cette application, elle-même en lien avec 65 000 livreurs indépendants. « La France fait partie des 5 plus gros marchés pour Uber Eats à travers le monde » déclare Manon Guignard, Communications Leads d’Uber Eats France.

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Uber Eats est une des plateformes leader de la livraison. Crédit : Erik McLean

Récemment, l’épidémie du Covid-19 avait fait exploser leur chiffre. « Dès Q3 2021, nous avons atteint, pour la première fois, un EBITDA (en français BAIIA, Bénéfice Avant Intérêts, Impôts et Amortissements, NDLR) positif. Notre activité en France a doublé en 1 an (+100%), a triplé en 2 ans (Q1 2020 à Q4 2021) et plus de 20 000 restaurants nous ont rejoint entre 2020 et 2021 », explique-t-elle. En 2020, l’entreprise était même parvenue à atteindre « l’équilibre ».

Cependant, malgré des chiffres encourageants, la startup ne parvient toujours pas à être rentable. Depuis 2017, les pertes sont estimées à 30 milliards de dollars. Actuellement, le véritable défi d’Uber Eats est de parvenir à retenir les clients. En effet, selon les derniers chiffres, 30% des utilisateurs ne font qu’une commande par mois. Afin de relever ce pari, Uber Eats France s’est lancé un nouveau challenge : « Proposer la livraison à domicile de restaurants en moins de 30 minutes au plus grand nombre, et faciliter l’accès à différents types de cuisine ». Renforcer la fidélité de sa clientèle implique également d’approfondir et enrichir son offre actuelle : « Nous nous concentrons également sur la diversification de l’offre et de la sélection de restaurants et de commerçants ainsi que l’élargissement de la zone de livraison et des plages horaires où l’application est disponible » conclut la directrice de communication.

Glovo en perte d’altitude

Fondée en 2014, Glovo, start-up espagnole, est rapidement partie à l’assaut de diverses villes européennes. Les cinq premières années sont très satisfaisantes pour la start-up. Elle réalise une croissance importante. Depuis leur création, ils ont réussi à lever plus de 600 millions d’euros. Cependant, peu de temps après, la société commence à faire face à des problèmes. Ces difficultés surviennent à la suite du décès d’un livreur sans papiers travaillant pour l’enseigne. Cette tragédie a profondément ému la population espagnole. Des centaines de livreurs ont exprimé leur solidarité devant le siège situé à Barcelone.

Par ailleurs, Glovo, implanté en France depuis 2019 (principalement en région parisienne), vise la rentabilité dans le courant de l’année. Cependant, l’entreprise n’y parviendra jamais. Elle décide donc de quitter le marché français en 2022. Enfin, Glovo est condamné par un tribunal espagnol à payer une amende de 80 millions d’euros pour travail au noir en infraction avec le code du travail. Actuellement, Delivery Hero, entreprise allemande de livraison de plats cuisinés, détient à 94% de l’application. Ils avaient également racheté Foodora en 2015.

Deliveroo : le géant britannique

Deliveroo, originaire du Royaume-Uni, s’est érigé en tant que mastodonte parmi les start-ups. Will Shu a fondé la plateforme en raison de sa difficulté à trouver un restaurant qualitatif livrant jusqu’à son travail. L’activité arrive ensuite en 2015 en France. Par la suite, la société se développe vite. Fin 2016, elle est valorisée à un milliards de dollars et devient une licorne (une startup valorisée à plus d’un milliard de dollars, non cotée en bourse et non filiale d’un grand groupe).

Fort de son positionnement hyperlocal au sein de chaque quartier où il opère, Deliveroo a élargi en 2018 son service à la livraison des courses du quotidien en partenariat avec les principales enseignes de la grande distribution. « Ce segment de marché représente aujourd’hui 11% du GTV (Gross Transaction Value) au niveau du groupe. Carrefour, Auchan et Casino Groupe font partie de ceux qui font aujourd’hui confiance à notre plateforme », explique Laurent Chhuon-Nougarede, directeur commercial chez Deliveroo en France.En 2019, la multinationale Amazon investit dans la start-up et entre au capital à hauteur de 16%. Progressivement, la marque s’impose comme l’un des acteurs majeurs du secteur de la livraison. Cette même année, l’entreprise fait son introduction en bourse.

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Après dix ans d'existence, Deliveroo perdure sur le marché français. Crédit : Deliveroo

À partir de ce moment-là, la situation financière de Deliveroo se complexifie. En un an, leur action en bourse chute de 77,35 % pour valoir 88,32 pence. Elle se fixe dès lors un objectif de rentabilité fin 2023/début 2024. « Deliveroo est en avance sur ses prévisions de rentabilité. Le premier semestre 2023 a dégagé une rentabilité supérieure aux attentes avec un BAIIA (Bénéfice Avant Intérêts, Impôts et Amortissements) ajusté de 39 millions de livres sterling. S’appuyant sur cette solide performance et de nouveaux investissements dans la proposition de valeur pour le consommateur au deuxième semestre, nos prévisions BAIIA ajusté pour 2023 ont été relevées dans une fourchette de 60 à 80 millions de livres sterling (contre une fourchette d’orientation précédente de 20 à 50 millions de livres sterling) », analyse Laurent Chhuon-Nougarede, directeur commercial chez Deliveroo en France.

Aujourd’hui Deliveroo a élargi son offre de livraison aux commerçants de bouche des quartiers comme le boulanger, boucher, et le primeur. French Bastards, Kayser, Paul, Amorino en sont des illustrations. La plateforme totalise donc 38 000 établissements partenaires (restaurants, supérettes, commerces de bouche) et 22 000 livreurs indépendants qui ont un contrat de prestation de service avec la plateforme. Concernant les perspectives, Deliveroo estime que le secteur de la livraison en ligne en est encore à ses débuts dans le monde comme en France et que 40% des Français ne l’ont pas encore testée… Autant de marges de progression pour Deliveroo qui vient par ailleurs d’annoncer étendre ses partenariats avec des acteurs du « non food retail ».

Dossier réalisé par Victoria Mbele et Pauline de Waele

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