Miser sur la livraison éthique et responsable

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Plus que jamais, la livraison de repas à domicile représente une solution alternative aux restaurateurs pendant cette période de confinement. Comment assurer ce service de façon éthique et responsable ?

Livreur à vélo
Livreur à vélo

La part de Français ayant recours aux applications de livraison de repas à domicile a doublé pendant la première période de confinement, selon une enquête du cabinet Nielsen. Et pour près de 50 % des restaurateurs, la livraison est une « solution d’avenir ». Alors que le marché est dominé par les grands acteurs de la foodtech (Deliveroo, Uber Eats, Just eat…), il existe aussi d’autres alternatives, qui se présentent comme plus écoresponsables. 

Les Coursiers Montpelliérains, Sicklo, Lille.bike… ces sociétés de livreurs ont un point commun : elles sont montées en coopérative. Les livreurs sont donc salariés, et non payés à la course, comme c’est le cas dans les grandes plateformes de livraison. « Nous sommes des livreurs professionnels, nous proposons un service de qualité, avec un être humain et non un algorithme qui peut répondre aux restaurateurs », explique Arthur Nicollin, coursier et membre de Cyclôme à Clermont-Ferrand. Ces coopératives, qui sont présentes dans les centres-villes, sont toutes membres de la fédération Coopcycle.

 Les coursiers Montpelliérains livrent des repas midi et soir.
Photo : Alice Mariette 


« La clé de notre différenciation, c’est la présence humaine, estime le coursier. Pour un restaurateur, la livraison c’est aussi sa vitrine auprès du client, mais avec les algorithmes il n’a pas de retour, pas de contrôle sur ce service, il ne sait pas qui sera le livreur. »
À l’inverse, ces coopératives proposent un échange avec le commerçant et un service de qualité. Côté coût, il varie selon les villes, mais « la tarification est avantageuse », souligne Arthur Nicollin. Un montant est à la charge du client (entre 3 et 5 €), ainsi qu’une contribution fixe pour le restaurateur (1,5 € à 1,9 €) et un pourcentage de 15 à 20 % du CA de la commande, contre 30 % pour la plupart des plateformes. Un panier minimum est aussi fixé, souvent autour de 15-20 €. « L’enjeu est de payer correctement les livreurs et d’assurer que le restaurateur soit aussi rémunéré correctement », commente-t-il.


Livraison éthique à Paris

La plateforme de commandes resto.paris, lancée en septembre, propose une solution « socialement et écologiquement vertueuse ». « Notre modèle est équitable, avec une juste répartition de la valeur ajoutée », explique Laurène Petit, responsable de la communication. C’est la coopérative Olvo qui assure la livraison en vélo, en partenariat avec le label Écotable et Coopcycle. Pour être référencés sur la plateforme, les restaurants doivent respecter une charte d’écoresponsabilité, définie par le label Écotable. « Nous souhaitons vérifier l’engagement environnemental et social des restaurants qui s’engagent car l’idée est de partager des valeurs communes, c’est la particularité de notre modèle », détaille Laurène Petit. Tous les restaurants déjà labellisés peuvent être gratuitement référencés. Pour les autres, des frais de 250 € HT sont à prévoir, afin de financer l’audit mené par Écotable. « Nous sommes très réactifs, en une semaine, nous vérifions les factures et le restaurant peut lancer ses premières commandes à emporter, assure Laurène Petit. Nous concentrons nos forces sur ce projet, car c’est maintenant que les restaurateurs font le choix de rester ouverts ou non. » Les frais couvent la première année, puis il s’agit ensuite d’un forfait mensuel de 10 €. Pour chaque commande, le restaurateur reverse 15 % du montant (1 % pour la plateforme et 14 % pour l’entreprise de livraison). Côté client, toute livraison d’une commande de 35 € (montant minimum) à 80 € lui est facturée 5 €, et est gratuite à partir de 80 €. 



 La coopérative Olvo assure la livraison de repas à Paris sur la plateforme resto:paris.
Photo : resto.paris

Depuis septembre, le restaurant Naturaliste (Paris 2e) propose ses plats en livraison sur la plateforme. « C’est une démarche d’ensemble, cela permet de défendre des valeurs éthiques », explique Nicolas Camart, propriétaire, associé aux chefs Alain Ducasse et Charlotte Bringant. Il a tout de même décidé de rester présent sur les autres plateformes de livraison. « Selon moi, elles sont incontournables et indétrônables par leur positionnement, c’est-à-dire la livraison instantanée en individuel de plat chaud. Mais, le problème c’est que cela ne laisse que peu de marge pour les restaurateurs, les coursiers sont mal payés et les clients ne sont pas toujours satisfaits du service », défend-t-il. Pour lui, les plateformes de livraison écoresponsables doivent se démarquer et non se positionner en concurrence. « Nous ne pourrons jamais assurer la livraison d’un burger, en 30 minutes, à l’autre bout de Paris, nous ne partageons pas ces valeurs, nous proposons donc autre chose », explique Laurène Petit. Les livraisons sont assurées dans un rayon de 3 km, du lundi au vendredi, avec l’anticipation des commandes à H-2, pour assurer de bonnes conditions de travail et un coût de livraison raisonnable. Pour Arthur Nollin, il s’agit de « faire mieux en faisant différemment ».

 Le resturant Naturaliste (Paris 2e) propose ses plats en livraison sur resto.paris.
Photo : Naturaliste – Philippe Vaures Santamaria


Livrer soi-même

Autre solution pour éviter de passer par des plateformes : assurer soi-même la livraison, dans un périmètre restreint. C’est par exemple le cas du restaurant Aklé, dans le 3e arrondissement de Lyon. « Nous assurons nous-mêmes la livraison gratuite à vélo dans notre arrondissement et dans le 6e », expose Caroline Youness, propriétaire, avec son mari Ayman en cuisine. Une à deux fois par semaine, ils font aussi des « commandes groupées », une forme de street picking : les clients commandent en ligne et viennent récupérer leurs plats à un endroit précis, définis par le restaurateur. « Nous allons un peu plus loin dans ces cas-là, dans des villes des environs, cela permet de servir plus de clients », explique Caroline Youness. Pour le couple, il n’est pas question de passer par une plateforme, notamment car cela leur reviendrait trop cher. « Nous avons fait un calcul rapide et cela ne serait pas rentable pour nous, ajoute-t-elle. Et quitte à payer quelqu’un, je préfère que cela soit un de nos employés, qui sont actuellement au chômage partiel. » Elle estime qu’à partir de 20 € d’achat, la livraison gratuite devient rentable pour eux.


Les services de livraison éthique de repas par ville en France

Membres de CoopCycle (Fédération Européenne de Coopératives de Livraison à Vélo)

Bordeaux : Les Coursiers Bordelais  / Grenoble : Sicklo / Lille : Lille.bike Lorient : Feel à vélo / Montpellier : Les Coursiers Montpelliérains  / Nantes : Naofood et Les Coursiers Nantais / Paris : Resto.Paris / Poitiers : La poit’ à vélo / Strasbourg : Kooglof

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