Restauration : la livraison au coin de la rue

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Certains restaurateurs se sont déjà emparés de ce service. Avec le street picking-livraison de repas à récupérer dans la rue, les enseignes adoptent une pratique responsable et parfois plus rentable que la livraison à domicile. Un moyen d’attirer également une nouvelle clientèle.

Street-picking-livraison
Street-picking-livraison. Crédit : Yokler.

C’est un service hybride entre la livraison classique et le click & col-lect . Avec le street picking (ou livraison au coin de la rue, en français), le client va commander en ligne, puis choisir un point de retrait et un créneau horaire proposés par le restaurant. Ce système se développe pour l’instant à petite échelle, mais pourrait représenter un moyen de consommation adapté à une clientèle concernée et responsable.

Un état d’esprit en accord avec le business model des entreprises qui disposent aujourd’hui de ce service. « C’est un nouveau mode de livraison qui permet une interaction avec la marque. L’idée est de permettre une extension de la marque, estime Mickaël Benhamou, fondateur de Coben group, cabinet de conseil destiné aux restaurateurs. Le salarié de l’enseigne crée une animation avec le client. Il y a plusieurs leviers en termes de communication et le retour sur investissement peut être assez large. » Mais tous les restaurants n’ont pas vocation à se lancer dans le street picking . « Il faudra faire une étude en fonction de la volumétrie et du temps consacré par les livreurs, poursuit Mickaël Benhamou. Nous avons peu de recul avec ce modèle aujourd’hui, il faut donc observer les coûts fixes qu’il va générer, l’amortissement du triporteur et le coût du salarié : charges sociales, Urs-saf, mutuelle… »

Une pratique plus responsable

Les adeptes de la livraison au coin de la rue proposent la plupart du temps ce système à l’aide de triporteurs – donc sans émission de carbone – conduits par les salariés de l’entreprise. Le street picking est souvent associé à des enseignes offrant une restauration rapide de qualité ( fast good) à l’heure du déjeuner. Des éléments qui répondent pleinement à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), à laquelle les Français sont de plus en plus attachés (51 % d’entre eux considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble * ).

Le restaurant en ligne Pollen – qui revendique son engagement « pour mieux manger » – présente depuis quelques semaines un service de livraison en street picking à Lyon. « Nous avons deux modèles : celui de la livraison en entreprise et le street picking . Nous avons choisi de tout internaliser. Nous maîtrisons notre approvisionnement – en direct producteurs – mais aussi nos commandes et la livraison, explique Maxime Paget, fondateur de Pollen. Nous avons mis en place cela pour contrer le modèle de l’auto-entrepreneur qui ne me convient pas philosophiquement, c’est comme du dumping social. Nos livreurs ont un salaire, une protection sociale et des horaires cohérents. Nous essayons de prendre le contre-pied des plates-formes, en conservant le service client et en prenant en compte les collaborateurs. »

Les divers acteurs de la livraison en street picking dessinent une vision globale de leur modèle économique, souvent orientée par le bien manger et le respect de l’environnement. Un positionnement qui répond, selon Mickaël Benhamou, à une attente des consommateurs : « Il y a au-jourd’hui une tendance nationale autour du manger mieux ou manger responsable. Le fait de manger le matin, le midi et le soir est forcément synonyme de capacité de développement pour les acteurs qui pensent comme vous. »

Le Moulin à Lyon propose un service de street-picking permettant de livrer des salades, des sandwichs, des gratins et différents produits faits maison. 

Ajuster son logiciel de commande

Afin d’offrir ce nouveau mode de livraison, les restaurants doivent adopter un support de commande en ligne qui sera le premier contact avec le client. Ouvert à Lyon en 2006, Le Moulin propose depuis 2014 un service de street picking permettant de livrer des salades, des sandwichs, des gratins et différents produits faits maison. La livraison des plats du Moulin se fait aujourd’hui avec une dizaine de « charrettes » (triporteurs de la marque espagnole Evolo), pouvant acheminer chacune jusqu’à 120 commandes, à récupérer sur une quarantaine de lieux de collecte. « Notre boutique du 8e arrondissement fonctionnait bien en termes de fréquentation, mais nous n’avions pas assez de moyens pour agrandir notre espace. Nous avons donc choisi de faire de la livraison groupée », justifie Damien Lohier, associé-gérant du Moulin. À travers l’expression « livraison groupée » , c’est bien du street picking qu’il s’agit. Un service qui représente aujourd’hui 70 % du chiffre d’affaires de l’établissement. Et pour offrir ce service, les propriétaires des deux boutiques lyonnaises ont créé leur propre programme de commande.

« Il n’y avait aucun logiciel, nous avons donc géré cela en interne. Nous travaillons avec deux développeurs qui ont façonné le logiciel de commande, confie Damien Lohier. Il peut être reparamétré et nous refaisons actuellement toute la partie client. Nous avons aussi ajouté le stock de produits froids et chauds sur notre back office, fait sur mesure en fonction de nos besoins. » Le logiciel de traitement des commandes est un élément clé de la livraison au coin de la rue. « Il faut le bon outil, c’est le nerf de la guerre » , considère Maxime Paget de Pollen, dont les commandes de sa dark kitchen (restauration dite virtuelle spécialement conçue pour la livraison à domicile ou au bureau) sont aussi gérées en interne. Si la sous-traitance des logiciels de commandes est pour l’instant peu développée, des entreprises spécialisées pourraient bientôt proposer leur service. « Techniquement, nous sommes prêts, et cette option commence à être activée par nos clients », reconnaît Augustin Neuve-Eglise, directeur marketing de Zelty, à l’origine du développement du click & collect en France.

Certains clients de Zelty travaillent déjà sur le street picking . C’est le cas de Bouillon Pigalle, qui s’est lancé dans la vente à emporter depuis le mois de mai. Avec son « Bouillon service ! » , l’enseigne parisienne de plats traditionnels propose à sa clientèle de récupérer ses repas dans son restaurant, à Pigalle… mais aussi dans son camion installé boulevard du Temple. Ce dernier ne se déplace pas (encore ?), mais cette offre se rapproche déjà d’une certaine façon du street picking.

Le street-picking est souvent proposé à l’aide de triporteurs (ici la marque Yokler), ce qui permet d’offrir un service respectueux de l’environnement.

Les avantages du triporteur

La livraison de repas au coin de la rue n’est pas cantonnée à se développer avec un vélo-cargo ou un triporteur, même si cette pratique incarne encore aujourd’hui ce service. « Avec les embouteillages, c’est un mode de déplacement plus rapide qu’en voiture, remarque Maxime Paget. Et nous sommes contents de réunir entre 20 et 30 personnes sans dégager un seul gramme de CO2 . »

Pollen livre aujourd’hui ses mets avec cinq triporteurs. À la rentrée, la jeune enseigne lyonnaise agrandit sa flotte pour atteindre une douzaine de véhicules à assistance électrique. « Pour la livraison intra-muros , le triporteur est la bonne solution. Mais en zone périphérique et sur les grands axes, c’est compliqué. Nous utiliserons sans doute des voitures » , poursuit l’entrepreneur.

Le street picking est effectivement davantage adapté à l’environnement urbain. Et la livraison en cyclo facilite cette pratique. « Un triporteur peut se garer sur une place ou un trottoir élargi, c’est une solution maligne pour contourner les obstacles, juge Gérald Levy, fondateur de Yokler, société spécialisée dans la commercialisation de triporteurs professionnels. Nos triporteurs ont un look qui met en valeur nos clients et ils permettent aussi aux restaurateurs de développer leur zone de chalandise. Des restaurateurs viennent vers nous après avoir vu des triporteurs dans la rue. Nous voulons mettre en avant le street picking . Cette pratique est un croisement entre la livraison et la vente ambulante, mais sans la réglementation contraignante de la vente ambulante. »

NOTE* Source : IFOP, Terre de Sienne, La valeur d’utilité associée à l’entreprise, 15 septembre 2016.

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