Adopter les bons réflexes

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L’engagement pour l’environnement est à la portée de tous. Par de petites actions ou des installations plus importantes, chaque établissement peut réduire son impact environnemental.

Dans un restaurant de taille moyenne, les appareils producteurs de froid, de cuisson et le chauffage sont les plus gourmands en énergie. Un repas cuisiné consomme jusqu’à 45 kWh d’énergie primaire. La question de l’impact de la restauration sur l’environnement se pose donc clairement, alors que le Plan climat prévoit de faire de la France le numéro un de l’économie verte d’ici à 2030. Les restaurateurs n’ont pour autant pas besoin d’attendre pour agir en faisant fonctionner leurs établissements à l’énergie verte et en réfléchissant à leurs pratiques.

Dépolluer les habitudes énergivores

Avant même de mettre en place des mesures pour passer aux énergies vertes, la priorité est d’adapter les comportements de toute l’équipe à un usage plus responsable, l’énergie qui n’est pas consommée étant déjà de « l’énergie verte ». « Avant de se lancer dans un système d’autoconsommation, il est intéressant de se pencher d’abord sur le potentiel d’économie d’énergie simple, souligne Mathieu Dancre, directeur de la stratégie et du marketing de Caméo Energy, une entreprise qui intervient pour identifier les failles énergétiques des établissements et sert d’intermédiaire pour trouver les financements adéquats pour des outils plus responsables. On peut déjà gagner de 30 à 50 %. La mise en place d’un système plus écologique réduit ensuite de 10 à 20 % la con sommation initiale. » Parmi les mesures les plus efficaces, installer des détecteurs de présence pour les lumières permet de baisser jusqu’à 20 % la consommation, encore plus si toutes sont équipées de LED. Les équipements du froid doivent également être surveillés, et des alarmes permettent d’éviter les déperditions. Cette démarche a notamment été celle du Radisson Hotel Group dont plusieurs établissements français sont devenus exemplaires dans leur gestion de l’énergie en réduisant leur consommation de plus de 25 % en quatre ans. Les cuisines ont notamment été équipées de hottes à capteurs qui fonctionnent selon le niveau d’activité du service. L’induction a été privilégiée car elle ne produit pas de chaleur lorsqu’il n’y a pas de cuisson.

Propriétaires du Jardin gourmand à Lorient, Nathalie et Armand Beauvais sont les premiers à avoirs à avoir obtenu l’étiquette environnementables pour leur restaurant.

Le Radisson Blu Marseille s’approvisionne uniquement en éléctricité verte et à réduit sa consommation d’énergie de 31 % en quatre ans.


Viser la bonne note environnementale

Il est nécessaire d’identifier les défauts de sa consommation énergétique et de connaître les clés pour améliorer sa pratique. Pour guider les restaurateurs, l’agence Betterfly Tourism expérimente une étiquette environnementale auprès d’une quinzaine de restaurants bretons, après l’avoir fait adopter à 350 hôtels depuis 2011. Sur le même principe que l’étiquette attribuée aux appareils électroménagers, cet audit permet de mettre en évidence l’impact de l’activité de l’établissement, avec des paliers de A à E. « Nous souhaitons aider les professionnels à passer à l’acte », note Hubert Vendeville, fondateur de Betterfly Tourism. Au-delà de s’intéresser de près à la saisonnalité et à l’impact carbone des plats au menu, l’étude relève tous les indicateurs de consommation d’eau et d’énergie, ainsi qu’un consolidé des achats chez les fournisseurs alimentaires. Les données sont compilées par un logiciel développé par l’agence pour émettre l’étiquette environnementale. « C’est un support de communication différent auprès du grand public, mais ce diagnostic permet de préconiser des solutions pour réduire encore l’impact du restaurant », poursuit Hubert Vendeville. Les préconisations reposent régulièrement sur le changement de certains équipements, notamment ceux qui produisent du froid dont les plus anciennes générations utilisent des gaz frigorifiques très polluants. La nouvelle réglementation F-gaz prévoit que les équipements en fonction soient désormais dotés de gaz propres. Pour les restaurateurs qui ont tenté l’expérience, c’est un révélateur. « Cette démarche nous a permis de réfléchir à nos préparations et même de modifier certaines recettes pour qu’elles aient moins d’impact sur l’environnement, explique Arnaud Beauvais, propriétaire du Jardin gourmand à Lorient. En tant que professionnels, nous devons montrer l’exemple. »

Acheter ou produire de l’énergie verte ?

Le groupe Radisson Hotel Group s’est également illustré en s’approvisionnant exclusivement auprès de fournisseurs d’énergie verte certifiée.

« Tout le monde peut acheter de l’énergie verte, rappelle Inge Huijbrechts, vice-présidente mondiale RSE du groupe hôtelier. Il faut s’assurer de la fiabilité du fournisseur et demander les certificats qui attestent que l’énergie est produite de façon durable. »

17,5 % de l’électricité produite en France sont issus des énergies renouvelables. Le marché devient de plus en plus concurrentiel et les prix sont à la baisse, même s’ils restent légèrement au-dessus des offres traditionnelles. « La Banque mondiale prédit une augmentation de 20 % du coût des énergies fossiles à court terme, alors que celui des énergies vertes va chuter. » Des fournisseurs, comme Enercoop, ont choisi de commercialiser de l’énergie verte en circuit court : Enercoop achète directement aux producteurs l’électricité hydraulique, éolienne, solaire ou biomasse, pour la revendre aux consommateurs. L’entreprise est organisée sous forme de coopérative, allant encore plus loin dans la démarche éthique. D’autres opérateurs, comme Evergaz, se spécialisent dans la production et la vente de biogaz issu de la méthanisation.

Revaloriser la chaleur perdue

Mais pour aller encore plus loin, il est possible de récupérer la chaleur perdue, dite chaleur fatale, produite par les différents équipements du restaurant. En effet, la hotte, les fours, les condensateurs des appareils frigorifiques produisent une quantité importante de chaleur, la plupart du temps dissipée. Des installations spécifiques permettent de la revaloriser, pour chauffer les locaux par exemple. Des aides financières importantes sont accordées par l’Ademe et par le biais d’un « fonds chaleur ». Il est aussi possible de se tourner vers la Banque publique d’investissement (BPI) pour solliciter un éco-prêt. Quant à la Ville de Paris, elle envisage d’ici à 2020 des solutions de financement adaptées aux projets pour l’énergie verte, dans le cadre de son Plan climat énergie.

La cuisson solaire, pas si futuriste

Lorsqu’il fait sa mise en place, Pierre-André Aubert, chef du restaurant Le Présage à Aubagne, commence par positionner minutieusement un immense miroir dans sa cuisine. Depuis l’été 2016, ce cuisinier ingénieur expérimente la cuisson solaire grâce à une cuisine mobile en extérieur et a bâti un ambitieux projet de restaurant totalement autonome en énergie verte. « Il n’existe rien de tel en France avec cet objectif économique et qualitatif.

Nous avons éprouvé le concept et en sommes au deuxième prototype. Le projet de restaurant montre qu’on peut avoir une réflexion globale sur le circuit alimentaire », explique-t-il. En cinq mois, il a servi 1 000 repas cuisinés sur son fourneau solaire. Grâce à un système de miroirs qui fait naître un point de chaleur, le fourneau chauffe en permanence. « Nous avons adapté le système pour obtenir l’équivalent d’une plaque coup de feu. Le centre chauffe à 450 °C. » Pour faire face aux jours voilés, le chef a développé par ailleurs une production de biogaz, issue de la récupération de la chaleur du fourneau et des biodéchets. « Les biodéchets de 13 repas donnent trente minutes de gaz en continu sur un brûleur. En stockant, on peut être autonome plusieurs jours. » Le projet de restaurant prévoit d’installer une unité de méthanisation sur site pour un retraitement global des déchets. Si Pierre-André Aubert admet que le système est difficilement adaptable en ville, son approche de la cuisson solaire séduit des industriels. Le chef travaille sur une nouvelle solution de froid solaire. « Nous sommes dans une anticipation ludique de la postéconomie carbone. » La transition énergétique est en marche. Et pour les professionnels qui souhaiteraient s’y essayer dans une plus moindre mesure, des systèmes d’appoint, de type plancha, sont déjà sur le marché.

Un restaurant permanent devrait bientôt remplacer la cuisine mobile.

Le chef Pierre-André Aubert a développé une cuisine totalement écologique, dans la préparation comme dans les matières premières.

Un système de miroirs permet de créer un point de chaleur sous le fourneau, qui chauffe à 450 °C au centre.

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