Avis clients : vos meilleurs ennemis

  • Temps de lecture : 10 min

Ils vous agacent, vous énervent, vous blessent parfois aussi… Les avis clients déclenchent des tensions et les plates-formes qui les diffusent suscitent du ressentiment. Pourtant, collecter et diffuser des avis peut être un formidable levier de croissance pour votre business. Tour d’horizon de cette délicate question.

On ne va pas tourner autour du pot : traiter des avis en ligne et de l’e-réputation des restaurants revient à décrypter le fonctionnement de TripAdvisor (et maintenant de Google) et le comportement des internautes. Car, ne vous en déplaise, les consommateurs sont friands d’avis. Ils aiment autant en déposer – 256 nouveaux sont postés sur TripAdvisor chaque minute dans le monde – qu’en lire. En moyenne, les utilisateurs de la plate-forme au hibou consultent neuf commentaires avant de prendre une décision sur la réservation d’un hôtel ou d’un restaurant 1. Et ils se penchent de préférence sur les commentaires les plus récents. Quand on parle d’avis, bien souvent, on pense critique. Mais il faut garder en tête que la grande majorité d’entre eux est plutôt élogieuse. La stratégie consiste toutefois à reprendre la main sur la collecte et la diffusion afin d’en faire un outil marketing. « L’urgence pour les restaurateurs est de prendre conscience que leurs clients vont s’exprimer, qu’ils le veuillent ou non, alors autant prendre le problème à bras-le-corps et aller interroger notamment ceux qui sont satisfaits, analyse Clément Poupeau, directeur marketing de Guest Suite, solution de gestion des avis clients et de l’e-réputation. Car généralement, vous n’avez qu’1 à 2 % des clients qui s’expriment et, parmi ceux-là, les mécontents s’expriment très largement. » Première étape : il faut s’enquérir de son e-réputation sur l’ensemble de la Toile. « Au minimum, il faut aller lire les avis, car la technique de l’autruche, cela ne peut que conduire à des pertes de chiffre d’affaires, met en garde Xavier Zeitoun, cofondateur et PDG de Zenchef, qui propose aux restaurateurs de digitaliser leur relation client, tout en conservant leur indépendance. Les avis ont un impact direct et important sur le chiffre d’affaires. Ils ont parfois remplacé, en termes d’importance, l’emplacement, qui a chèrement été payé par les restaurateurs pour attirer la clientèle. Aujourd’hui, ce sont les avis qui la drivent ». Tous les intervenants sont d’accord sur un point : il faut répondre tant aux avis négatifs que positifs. Il faut remercier le client qui aura pris le temps de relater son expérience heureuse et de montrer à celui qui serait mécontent que l’on prend en compte ses remarques. Et cela, pour lui, mais surtout pour les futurs clients. « Il faut que le lecteur se dise : c’est une expérience négative, mais moi, cela ne m’arrivera pas !, explique Véronique Martens, responsable du département Europe et numérique du GNI. Répondre peut permettre de glisser des infos sur l’établissement, de se mettre en avant. Et il y a des techniques pour répondre : c’est du marketing. Il est par exemple difficile d’accepter de l’humour de la part d’un professionnel. » L’exercice peut se révéler chronophage ; ainsi, le syndicat conseille de se focaliser sur les plates-formes apporteuses d’affaires. Car l’autre facette de l’enjeu des avis est notamment le classement opéré par TripAdvisor !


Le GNI a édité un guide sur les bonnes pratiques numériques du secteur CHR qui est disponible en ligne.


De son côté, Guest Suite s’est plié à l’exercice du Livre blanc en décortiquant les avis clients : disponible en ligne.

87 %

87 % des voyageurs s’accordent à dire qu’une réponse de la direction à un avis négatif a amélioré l’image qu’ils ont d’un établissement 2

La course à l’échalote

Grimper ou être rétrogradé peut influer sur le taux de remplissage de la salle. « Être le premier d’une destination n’est pas forcément une bonne chose, met en garde Véronique Martens. Car vous recevez alors des clients qui vont venir “tester le premier” comme s’il avait été récompensé par le Guide Michelin et qui auront plus d’attentes que s’ils allaient manger chez le second. » Par conséquent, nombre d’entrepreneurs scrutent leur classement, s’interrogent sur son mécanisme et supputent les possibilités d’influer dessus. « La note est fondamentale, mais il est important d’avoir du volume et de la fréquence », explique-t-on chez Guest Suite, qui a identifié les différents critères régissant l’algorithme. « L’indice de popularité des voyageurs est basé sur la qualité, la date et la quantité des avis qu’un établissement reçoit des voyageurs », confirme le porte-parole de TripAdvisor. Si, dans son Livre blanc, le GNI estime que « l’algorithme de classement prend souvent en compte le taux de réponse de l’établissement », TripAdvisor s’en défend : « Les réponses de la direction n’ont aucune incidence sur l’indice de popularité. » Toutefois, il existe un moyen de s’afficher en haut d’une page de recherche TripAdvisor : la publicité. « Elle permet de rediriger le trafic vers votre page TripAdvisor en promouvant votre restaurant, grâce à des résultats sponsorisés exclusifs qui ciblent les clients en quête d’un endroit où manger dans votre région », détaille la plate-forme. La fiche de l’établissement porte alors la mention « sponsorisé ». Le prix de cette campagne publicitaire varie selon le nombre de clics qui redirigent le trafic sur la page du restaurant.


En réclamant la propriété de la page de son établissement, le restaurateur peut répondre aux avis déposés par les voyageurs membres de TripAdvisor.



Si cela n’est pas déjà fait, il est donc primordial de (re)prendre la main sur la page TripAdvisor de son établissement ou de créer un profil sur Google My Business (et de l’enrichir de photos, horaires, etc.), afin de pouvoir notamment répondre aux avis. Collecter ou ne pas collecter, telle est à ce stade la question… « Le premier réflexe d’un internaute quand il cherche un restaurant est de taper dans le moteur de recherche « restaurant + le nom de la ville » et ce qui sort en premier, ce sont les avis, résume Clément Poupeau. Certaines études montrent d’ailleurs que l’endroit où l’œil se pose en premier, c’est sur la droite de l’écran, où se trouvent l’adresse, le téléphone et les avis clients. Le restaurateur peut donc avoir le plus joli site internet, les plus beaux flyers, si quand on tape le nom de l’établissement dans Google, on tombe sur des avis négatifs, le client ne se rendra pas sur le site du restaurant et passera encore moins le pas de la porte. La première des vitrines, ce sont les avis. » Dès 2013, Guest Suite s’est ainsi attelé à mettre à disposition des professionnels du CHR une solution qui leur permette de collecter des avis (via une tablette mise à disposition dans la salle ou par mail) et de les diffuser automatiquement. L’entreprise déroule également une suite d’outils allant de l’analyse sémantique à celle concurrentielle. Côté réponse, une équipe de rédacteurs spécialisés peut se substituer au restaurateur pour prendre en charge cette étape. Côté diffusion, Guest Suite exporte les avis récoltés directement sur les plates-formes avec lesquelles un partenariat a été noué : TripAdvisor, Pages Jaunes, Petit Futé, Google, etc. Et enfin, côté retour sur investissement, l’entreprise a mesuré des croissances de chiffres d’affaires de 14 % en moyenne chez ses clients. « Il y a effectivement du temps à gagner et de la sérénité à trouver », conclut le directeur marketing.

Autre entreprise à s’être penchée sur la question des avis, Zenchef suggère quant à elle d’envoyer des questionnaires de satisfaction clients, puis « d’utiliser le site de l’établissement comme média sur lequel afficher des avis certifiés ». « On automatise l’envoi de questionnaires après chaque réservation si elle a été honorée et on note des taux de retour de l’ordre de 40 %, reprend Xavier Zeitoun. On permet au client de laisser un commentaire qui ne sera pas publié, seulement adressé au restaurateur. On constate que les clients se « lâchent » un peu plus en privé et, généralement, dans la partie publique, les avis négatifs sont plus mesurés. Sur les sites de nos clients, on dénombre en moyenne 10 fois plus d’avis que sur les plus grandes plates-formes. » Et même la plus grande plate-forme a conclu à la nécessité pour les professionnels de reprendre la main sur la collecte d’avis. Elle vient de lancer un nouveau service baptisé TripAdvisor Wi-Fi Plus, qui permet de recueillir automatiquement les coordonnées des clients qui choisissent de se connecter gratuitement au Wi-Fi de l’établissement. Le professionnel, moyennant abonnement, reçoit une borne qu’il n’a qu’à brancher et qui s’occupe de « poursuivre la conversation avec les clients en leur envoyant automatiquement des rappels pour laisser leur avis ». Diverses autres fonctionnalités sont proposées et TripAdvisor assure que les entreprises ayant déjà utilisé ce service ont recueilli, en moyenne, jusqu’à 70 % d’évaluations en plus.

La tentation peut être grande « d’acheter des avis » ou de demander aux amis d’en rédiger (nommés « avis positifs biaisés » par TripAdvisor) afin d’influer sur son classement. Outre le fait que cela contrevienne à la loi, le restaurateur prend le risque de se faire brocarder. TripAdvisor a ainsi déclassé l’an passé 34 643 établissements dans le monde, car pris en « flagrant délit de tentative d’affichage de faux avis ». En cas de récidive, le restaurant peut écoper d’un bandeau rouge avertissant les internautes que des avis suspects ont été interceptés sur cette page. Mais signe que les temps changent, pour la première fois de son histoire, TripA-dvisor vient de dévoiler les données d’un rapport interne sur la transparence des avis. L’entreprise révèle avoir bloqué en 2018, avant publication, plus d’un million d’avis détectés comme frauduleux. Au total, ce sont « 4,7 % de tous les avis qui ont été rejetés ou supprimés par la technologie d’analyse avancée, ou bien manuellement, par l’équipe de modération du contenu ». La plate-forme est également revenue sur les signalements émis par les utilisateurs ou établissements (1 % des avis) : 43 % des avis signalés ont été supprimés après examen. La plate-forme aux 795 millions d’avis achève sa profession de foi sur son engagement à améliorer ses méthodes pour identifier la fraude et sanctionner les fraudeurs. Wait and see…

Un avis, ça se supprime ?

Demander la suppression d’un avis, c’est possible, l’obtenir est plus compliqué. Il existe plusieurs cas de fi gure qui peuvent conduire à demander la suppression d’un commentaire d’un internaute : un contenu inapproprié ou le fameux faux avis. Première étape, il faut signaler l’avis litigieux auprès de TripAdvisor à partir de l’espace propriétaire. Et attendre que les équipes de la plate-forme enquêtent.

En cas de refus de le supprimer, le propriétaire peut se tourner vers les instances représentatives de la profession. « Aujourd’hui, si un adhérent rencontre un problème avec TripAdvisor, je fais appel à la médiation, un système mis en place depuis deux ans, explique Véronique Martens, responsable du département Europe et numérique du GNI. Si nous contestons un avis qu’eux ont validé, ils relancent alors une enquête. » Bien souvent, les acteurs du secteur font part d’une divergence de point de vue liée à une différence culturelle notamment ; par exemple, l’utilisation du mot « plouc » ne sera pas forcément perçue comme une insulte par les modérateurs. « TripAdvisor demandera plus facilement à l’internaute de réécrire son commentaire plutôt que de le supprimer », constate Véronique Martens. Toutefois, en cas de rénovation de l’établissement et si celle-ci « modifie significativement l’expérience des voyageurs », TripAdvisor s’engage à supprimer les anciens avis et photos sur présentation d’un justificatif (communiqué de presse, permis de travaux, etc.).

Pour aller plus loin

– Décret n° 2017-1436 du 29 septembre 2017 relatif aux obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs

– Norme Afnor NF Z74-501, d’application volontaire (élaborée en juillet 2013)

– La résolution législative du Parlement européen du 17 avril 2019, portant sur une « Meilleure application et modernisation des règles relatives à la protection des consommateurs de l’Union européenne », suggère que les professionnels qui donnent accès à des avis « devraient indiquer l’existence de processus ou de procédures permettant de garantir que les avis publiés émanent de consommateurs qui ont acheté ou utilisé les produits ».

1 L’étude menée en partenariat avec Ipsos MORI, a été conduite entre mai et juin 2019 auprès de plus de 23 000 utilisateurs de TripAdvisor dans 12 marchés (Australie, Chine, France, pays germanophones, Inde, Italie, Japon, Singapour, Espagne, Taïwan, Royaume-Uni, États-Unis).

2 Enquête TripAdvisor de 2015 « Custom Survey Research Engagement ».


PARTAGER