Chauffer, climatiser, ventiler, cuire, refroidir, réfrigérer… Dans un restaurant, pour que ces actes quotidiens énergivores ne deviennent pas une usine à gaz, il faut choisir le bon contrat d’énergie : celui qui sera tout autant adapté à la vie de l’établissement qu’à sa politique RSE. Avec pas moins de 26 acteurs sur le marché, il y a l’embarras du choix ! La Revue des Comptoirs a tenté d’y voir clair, pour vous éviter de disjoncter…
Un restaurant consomme en moyenne 244 kWh d’électricité et 211 kWh de gaz par m2 et par an 1. Soit environ 5 100 € dépensés pour alimenter l’établissement tout au long de l’année. Ce poste de dépense est conséquent, mais depuis l’ouverture à la concurrence des tarifs de l’énergie, en 2007, il est plus que recommandé de faire jouer la concurrence pour obtenir la meilleure offre possible. La plupart des fournisseurs proposent des solutions pour les professionnels. Elles ne diffèrent pas réellement de celles pour les particuliers si la puissance nécessaire reste sous les 36 kVA, mais pour les établissements les plus gourmands (ceux équipés d’un compteur jaune), une offre de marché sur mesure est incontournable.
Quelle puissance pour mon compteur ?
Le premier réflexe pour identifier l’offre la plus adaptée à votre établissement est donc de déterminer la puissance de compteur optimale. Trop élevée, vous payerez cher inutilement ; trop faible, les équipements risquent de disjoncter à répétition. Quels types d’appareils sont installés ? Fonctionnent-ils tous à l’électricité ou faudra-t-il également un contrat de gaz ? Quelle surface doit être chauffée ou climatisée ? La plupart des établissements de moins de 50 couverts qui utilisent des équipements de base peuvent souscrire à un tarif bleu (pour une puissance inférieure à 36 kVA). Il s’agit du même type d’offres que pour les particuliers, mais avec des tarifs adaptés.
Lorsque le niveau d’équipement du restaurant devient conséquent (chambres froides, extraction très performante, plusieurs fours, nombre de couverts et équipe importantes), il est nécessaire de souscrire pour une puissance dépassant 36 kVA. Depuis le 1er janvier 2016, ces offres ne sont plus soumises à des tarifs réglementés et les fournisseurs proposent des tarifs sur devis, dits de marché. Pour ce type de puissance, une facturation au réel peut s’avérer intéressante lorsqu’elle est disponible chez le fournisseur. Elle permet en effet de payer la consommation mensuelle exacte et non un forfait classique régularisé en fin d’année.
Y voir clair dans les tarifs
Fin 2020 marquera la fin des tarifs réglementés pour une partie des professionnels, en attendant qu’ils disparaissent totalement, d’ici 2023. En effet, la loi Énergie et Climat prévoit que les entreprises de plus de neuf salariés et/ou dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 2 millions d’euros doivent basculer sur les offres libres des fournisseurs à partir du 31 décembre 2020, si elles bénéficiaient toujours des tarifs fixés par l’État. Malgré tout, on ne devrait pas assister à une hausse des prix, au contraire. « Nos nouvelles offres continueront de suivre ce niveau de prix, car ils existeront toujours pour les plus petites catégories d’entreprises et les particuliers », souligne Yves Poulouin, directeur commercial B to B chez Total Direct Énergie.
La concurrence est rude, en effet, entre les nombreux fournisseurs de gaz et d’électricité. Si les offres du gaz seront donc dorénavant fixées librement (les offres indexées ne sont déjà plus commercialisées), celles de l’électricité oscillent toujours entre deux types pour les compteurs bleus : indexées aux tarifs réglementés d’EDF et les offres de marchés.
« Le choix de l’une ou l’autre offre dépend vraiment des besoins du professionnel, s’il souhaite faire des économies immédiatement ou préfère sécuriser son budget sur le long terme » , explique Déborah Leroy, responsable commerciale professionnels et grands comptes chez le comparateur Selectra (voir l’interview ci-dessous). En pratique, tous proposent au moins une offre indexée en tarif bleu, avec une réduction par rapport aux tarifs d’EDF, mais restent malgré tout soumis à leur fluctuation. Autre solution : opter pour un tarif fixe, le tarif « maison » de chaque fournisseur, généralement gelé durant un à trois ans (mais avec des tarifs plus ou moins élevés selon la durée d’engagement), avec la garantie de maîtriser le coût de son énergie. La plupart des fournisseurs proposent les deux alternatives, mais attention, l’option « tarif fixe » ne concerne souvent que le prix du kWh et non celui de l’abonnement, qui peut donc varier d’une année sur l’autre. Mieux vaut vérifier les conditions générales pour s’en assurer.
COMMENT CHOISIR LE BON CONTRAT ?
Soyons honnêtes : ce qui ressemble à une véritable jungle tarifaire repose en réalité sur des offres et services assez semblables. Pour identifier le meilleur prix, pensez à comparer le prix du kWh, certes, mais également celui de l’abonnement. Les réductions annoncées par rapport aux tarifs réglementés sont généralement soumises à conditions. Les modalités d’engagement aussi sont à étudier ; certains fournisseurs demandent un engagement ou un volume de consommation minimum pour accorder une réduction. Du point de vue des services, un espace client en ligne permettant de suivre sa consommation, ses factures et les modalités de son contrat, ainsi qu’un service d’assistance téléphonique dédié, sont impératifs.
Les comparateurs en ligne peuvent être d’une grande aide, notamment celui du médiateur national de l’énergie 2. Tout comme faire appel à un courtier. Cette option est à envisager sérieusement, surtout pour les professionnels concernés par les offres jaunes, qui restent difficiles à comparer, par manque de transparence. Le spécialiste sélectionnera les offres les plus adaptées aux besoins de votre établissement et, pour les offres de marché (notamment les plus gros contrats), pourra négocier en votre nom. Des comparateurs comme Selectra et Hello Watt proposent des conseils personnalisés.
Enfin, l’alternative des achats groupés d’énergie se développe de plus en plus. Certaines campagnes sont ouvertes aux TPE/PME (< 36 kVA), comme celle du comparateur Hello Watt, qui a été clôturée mi-février. Ces offres, qui présentent des réductions parfois importantes, sont le résultat d’un appel à souscription lancé le plus souvent par des associations. En se préinscrivant massivement, les consommateurs participent à un effet de groupe qui sert de levier pour négocier des tarifs très en deçà des tarifs réglementés. « Notre force de négociation, c’est le nombre de préinscrits » , souligne Béatrice Pitre, responsable de la communication chez Hello Watt. Les fournisseurs sont ainsi invités à proposer des offres tarifaires. Celle du lauréat est soumise à l’ensemble des préinscrits, qui sont libres d’y souscrire ou non.
À titre d’exemple, l’achat groupé WWF-Selectra auprès du fournisseur d’énergie verte Ilek a permis d’obtenir des ristournes de 7 % sur le kWh d’électricité et de 5 % sur le kWh de gaz. Hello Watt en est pour sa part à sa deuxième campagne. La précédente opération, à l’automne 2019, avait permis aux souscripteurs d’économiser 20 % sur l’électricité et 18 % sur le gaz auprès de GreenYellow et de Mega Énergie, les deux fournisseurs sélectionnés.
NOTES
1 Étude Arene-Ademe selon moyenne de factures en 2015.
2 https://comparateur-offres. energie-info.fr
LES CONSEILS ÉCLAIRÉS DE… Déborah Leroy
À quoi faut-il être particulièrement attentif avant de souscrire un contrat ?
La difficulté pour le professionnel, c’est de trouver la solution qui convient à son entreprise parmi des fournisseurs qui ne présentent pas du tout les offres de la même façon. On ne risque pas de mauvaise surprise, seulement un contrat inadapté.
Je conseille malgré tout d’être attentif à certaines conditions générales de vente, qui impliquent un volume de consommation minimum pour pouvoir bénéficier d’une réduction annoncée.
Choisir entre le tarif indexé ou le tarif fixe, que conseillez-vous ?
J’aurais tendance à orienter sur le prix fixe ; il permet d’éviter les surprises pendant toute la durée du contrat et de sécuriser la comptabilité sur le long terme. Mais tout dépend des besoins du professionnel. Certains peuvent préférer les tarifs indexés pour bénéficier d’économies immédiates.
Lorsque l’on dépend du tarif jaune (> 37 kVA), comment faire jouer la concurrence ?
Ces offres restent en effet très confidentielles et elles sont généralement valables très peu de temps, deux à trois jours au maximum. Comme pour les tarifs bleus, on recommande de regarder le prix de l’abonnement et celui du MWh.
Mais, avant tout, un bon fournisseur, c’est celui qui s’intéresse à la consommation de son client et à ses habitudes avant de lui vendre un contrat. Le suivi client est primordial lorsque la facture d’énergie est importante et cela commence par le conseil. Par exemple, recommander un tarif unique du MWh toute l’année à un restaurateur dont l’activité est très régulière ou, à l’inverse, proposer un tarif différencié selon la période de l’année, pour un établissement plus marqué par la saisonnalité.
Focus énergie verte : en réalité on achète quoi ? Alix Mazounie, chargée de campagne énergie pour Greenpeace nous a répondu. Découvrez l’interview ici.
ZOOM FOURNISSEURS
Les plus responsables
enercoop
L’un des pionniers de la vente d’énergie verte, l’entreprise est organisée en coopérative. Enercoop achète l’électricité à des dizaines de petits producteurs en France et s’engage sur plusieurs années.
L’entreprise investit dans ses propres équipements de production d’énergie. Une offre de biogaz est en test.
Abonnement à prix fixe, service client téléphonique, espace client, accompagnement pour réduire sa consommation d’énergie.
Top : une énergie 100 % renouvelable et équitable, audit et formations en entreprise pour optimiser la consommation énergétique.
Flop : des tarifs 15 % plus élevés que les tarifs réglementés (mais stables), car le fournisseur s’approvisionne en circuit court.
planète oui
De l’électricité verte 100 % issue de producteurs français et des investissements en faveur de la transition énergétique.
Trois offres à tarifs indexés (< 36 kVA), – 20 % sur l’abonnement pour l’offre Éco, possibilité de gérer la date de paiement, facturation au réel pour les petits compteurs, même sans compteur Linky.
Top : possibilité de choisir l’autoconsommation (compteurs < 36 kVA) en faisant installer des panneaux photovoltaïques.
Offre « Temps réel » en faveur de la transition énergétique : l’électricité est produite à l’instant T où elle est consommée.
mint energie
Deux offres vertes, mais avec de l’électricité de provenance plus ou moins responsable (garantie d’origine France ou achat direct à des producteurs français), remise de 8 % sur le prix du kWh garantie un an, application gratuite « Ma conso en direct ».
Top : programme de reboisement pour neutraliser les émissions de CO liées à la production d’énergie de Mint.
Flop : pas d’offre pour les compteurs > 36 kVA.
Les plus innovants
ekwateur
Deux offres gaz : 100 % renouvelables, issues de biométhane français ou « éco », avec seulement 5 % de biogaz à prix réduit. Une offre d’électricité verte et locale et possibilité de mise en place de l’autoconsommation.
Top : possibilité de fixer soi-même son prix, fixe (valable un an) ou variable. Service client collaboratif, animé par les clients eux-mêmes, système de parrainage.
Flop : pas d’offre pour les compteurs > 36 kVA.
ilek
Ilek se présente comme un intermédiaire entre des producteurs d’énergie et les consommateurs.
Par son biais, chacun peut choisir où sera produite son énergie : dans un parc éolien, dans une centrale hydroélectrique… Les tarifs sont fixés par le producteur.
Prix fixe pour un ou deux ans.
Autant d’offres que de producteurs partenaires d’Ilek. Mise en place de l’autoconsommation possible.
Top : possibilité de choisir le producteur qui fournira votre énergie, en fonction de sa localisation, du type d’installation (photovoltaïque, éolien, etc.), mais aussi de ses tarifs.
Flop : pas d’offre pour les compteurs > 36 kVA.
Urban Solar
Spécialiste de l’installation de panneaux photovoltaïques pour l’autoconsommation, Urban Solar développe le premier réseau urbain de production d’énergie renouvelable.
Une offre standard (- 5 % sur l’abonnement par rapport aux TRV) et une offre en autoconsommation avec location de batterie et installation photovoltaïque.
Top : a développé son propre réseau de production photovoltaïque urbain. Stockage virtuel du surplus produit.
Flop : Des services annexes limités, engagement d’un an minimum.
Les plus serviables
EDF
De très nombreuses offres d’électricité pour tous les profils d’entreprises, toutes en version standard ou énergies renouvelables, avec des prix fixes ou variables.
2 offres gaz, sans engagement de consommation.
Top : un panel d’offres et de services très large qui peut répondre à toutes les problématiques (dépannage express, tarifs gelés d’un à trois ans, tarifs attractifs sur les heures de nuit (discothèque) ou sur les périodes de forte activité (restauration saisonnière)
Flop : des durées d’engagement minimum, une diversité d’offres d’électricité un peu confusante, les services d’assistance/dépannage, de suivi conso et l’électricité verte en option sur certaines offres.
Plüm energie
Un petit fournisseur alternatif qui s’approvisionne en direct auprès de producteurs français.
Une offre unique et des tarifs identiques aux tarifs réglementés.
Top : un système de bonus sur les factures : si le client consomme moins, Plüm lui offre la différence en euros et cette cagnotte peut être utilisée pour contribuer au financement de nouveaux moyens de production d’énergie renouvelable.
Flop : offre accessible uniquement pour les compteurs inférieurs à 36 kVA.
Total direct energie
Trois offres bleues avec des réductions de – 2 % à – 10 % sur le prix du kWh (indexé). Une offre pro (> 36 kVA), avec un prix fixe pour deux ans. Une offre à venir mi-2020 avec une tarification fixe pour la fourniture d’énergie et un prix indexé pour la partie acheminement.
Top : une offre sans engagement même pour les compteurs supérieurs à 36 kVA, un service client pro dédié avec prise de rendez-vous, un réseau de techniciens disponible 24 h/24 et 7 j/7 (en option).
Les plus économiques
engie
L’opérateur historique français du gaz.
Des offres uniques pour les deux énergies, avec une option verte pour l’électricité.
Top : – 15 % sur le prix du kWh (toutes énergies) la première année pour un contrat de trois ans, des outils d’aide aux économies d’énergie, 10 % d’énergies renouvelables dans l’offre standard.
Flop : pas d’offre de biogaz, des contrats avec engagement.
vattenfall
Ce géant suédois de l’énergie est présent en France depuis une vingtaine d’années. Son mix énergétique contient 33 % d’énergies vertes avec garanties d’origine.
Trois offres électricité d’un à trois ans d’engagement (< 36 kVA), une offre à prix fixe et un engagement de douze à trente-six mois (> 36 kVA), idem pour le gaz.
Top : de – 10 % à – 5 % sur le prix du kWh (< 36 kVA), selon la durée d’engagement.
Flop : pas d’offre gaz pour les TPE/PME qui consomment moins de 6 000 kWh/an.