Piano sur le financement

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La défaillance de matériel en cuisine peut peser lourd sur la trésorerie. Si l’achat ou la location sont les premières pistes envisagées, le financement participatif est aujourd’hui une alternative efficace.

Un four qui lâche en plein service, la plonge défaillante lors du coup de feu… Ces aléas de la vie de restaurateur sont non seulement un handicap pour la bonne marche du service, mais aussi un souci financier, avec la perspective d’un investissement à plusieurs milliers d’euros. Malgré tout, il existe plusieurs options pour alléger le poids de la dépense. Le plus simple, c’est bien sûr de piocher dans la trésorerie quand elle le permet ou de faire appel à la banque.

Dans les deux cas, c’est un risque : celui de se départir d’une réserve précieuse ou de se voir opposer un refus. La location longue durée est l’alternative la plus répandue pour éviter d’entamer l’avance de trésorerie.

En effet, l’investissement passe dans les charges et peut donc être déduit des impôts, sans grever la capacité d’endettement. De plus en plus de fournisseurs proposent cette solution, gage de sécurité à la fois pour eux-mêmes et pour le client, qui bénéficie en permanence de matériel dernier cri. Chez Bonnet-Thirode, on mise sur la flexibilité : des locations de trois à cinq ans, avec extension de garantie et entretien inclus. Le client détermine lui-même le montant du loyer, qui reste fixe jusqu’à la fin de la location. Autre exemple : le spécialiste des laveuses Ravimo Shark propose des contrats sur cinq ou huit ans, avec entretien et acquisition automatique à la fin du bail. Le contrat prévoit aussi de faire face à l’augmentation d’activité en changeant le matériel en cours de contrat pour répondre aux besoins de l’établissement. Bon nombre de restaurateurs restent tout de même partisans d’acheter leur matériel. Plus rentable à long terme… Les équipements d’occasion peuvent alors se révéler un bon compromis.

L’OCCAS’ : LE BON PLAN

Des enseignes ont développé des branches spécifiques et rachètent, puis reconditionnent du matériel de seconde main. L’entreprise Négoce CHR, implantée dans les Pays de la Loire, s’est développée en associant une branche occasion à son activité de vente de matériel. Aujourd’hui, ce segment représente 10 % de son chiffre d’affaires global. « Nos clients sont majoritairement des saisonniers qui recherchent du matériel d’un bon rapport qualité-prix et qui ne demande pas de trop gros investissements, explique Jean Artis, fondateur de Négoce CHR. Mais la demande nationale s’accroît fortement et nous souhaitons développer notre offre. » En effet, que ce soit pour des raisons économiques ou environnementales, la seconde main a le vent en poupe dans le CHR, tant du côté des vendeurs que des acheteurs. Cessations d’activité, ventes judiciaires, volonté de revaloriser au lieu de jeter, le réseau est vaste. « Nous sélectionnons du matériel en bon état et les meilleures marques, que nous remettons à neuf. Les produits sont ensuite vendus plus de 50 % moins chers que le neuf, avec une garantie jusqu’à six mois. S’orienter vers un professionnel quand on souhaite acheter de l’occasion, c’est aussi sécuriser son achat, ce qui n’est pas forcément le cas avec les petites annonces », précise Alexis Artis, dirigeant de l’entreprise. En achetant de l’occasion, les clients restent malgré tout exigeants. Sur le prix, bien sûr, mais aussi sur la fiabilité du matériel. Acheter à moindre coût, c’est aussi l’occasion de s’orienter vers des marques premium. « Pour choisir du matériel d’occasion, je conseille aux restaurateurs de cerner plutôt le niveau de qualité qu’ils souhaitent et non le prix, souligne Hugues Favier, responsable commercial du distributeur CHR discount. Il faut comparer ce qui est comparable. En effet, le niveau de prix dépend de la marque et il n’est pas rare que pour du haut de gamme, l’occasion soit plus chère qu’un produit d’entrée de gamme neuf. Mais nous travaillons avec tous les fournisseurs, donc nous offrons de larges possibilités. »

« POUR CHOISIR DU MATÉRIEL D’OCCASION, JE CONSEILLE AUX RESTAURATEURS DE CERNER PLUTÔT LE NIVEAU DE QUALITÉ QU’ILS SOUHAITENT ET NON LE PRIX »

LE CLIENT COMME PARTENAIRE

Reste tout de même l’épineuse question du financement… Pour cela, pourquoi ne pas s’adresser à ceux qui ont un réel intérêt à soutenir l’établissement : ses clients. C’est possible grâce au financement participatif, qui profite de plus en plus à des projets dans le CHR. Le principe est simple : n’importe qui peut soutenir financièrement un projet par un don, avec ou sans contrepartie de la part du porteur de projet. Sur la plate-forme Tudigo, spécialisée dans le financement de proximité, le CHR représente 20 % des dossiers. « Dans la restauration, ça fonctionne très bien, car c’est simple et le grand public se sent concerné, explique Ségolène Bregeon, responsable marketing et communication du site. Les contreparties sont simples à trouver, comme un repas au restaurant, un cours de cuisine. » Cette plate-forme mise sur la proximité entre les projets et les donateurs et investisseurs. En effet, si elle propose un système de don classique avec contreparties pour des projets de 1 000 € à 30 000 €, elle a également développé un système d’investissement participatif. Les porteurs de projets ouvrent leur capital à des investisseurs particuliers, pour le montant dont ils ont besoin, et peuvent ainsi prétendre à lever jusqu’à 2,5 millions d’euros. « Les investisseurs sont en grande majorité des particuliers qui voient un avantage fiscal à investir directement dans des TPE/ PME et qui vont créer des emplois sur leur territoire, ajoute Ségolène Bregeon. Ils détiennent les parts pendant cinq ans, selon des conditions fixées dans un pacte d’actionnaires. » L’apport obtenu via Tudigo peut venir en complément de la dette bancaire ou faire office d’apport. Les projets proposés sur le site font l’objet d’une sélection drastique pour garantir leur viabilité aux futurs investisseurs, ce qui a même convaincu le géant Metro France (lire en encadré p. 50). Esther Miquel a lancé un concept de restauration traditionnelle japonaise, Koedo. Après une première campagne en don pour don, elle a décidé de faire appel à des investisseurs Tudigo pour lever près de 300 000 €. « Notre croissance est hyperrapide. Comme nous avons déjà fait appel aux banques, nous avions besoin d’un autre mode de financement. Pour des projets si conséquents, c’est simple : les banques prêtent seulement si l’on a un apport de 30 %, constate-t-elle. Ce qui est intéressant, c’est que les investisseurs sont déjà nos clients : ils sont acquis à notre cause. Je ne suis pas très inquiète sur la gestion de tous ces petits actionnaires, on est bien accompagnés. Il n’y a pas de risques que certains veuillent influer sur la ligne de l’entreprise : le pacte d’actionnaires est un garde-fou. »

Le financement participatif permet de mobiliser une communauté qui trouve un intérêt économique ou personnel à soutenir l’établissement.

Le financement participatif permet de mobiliser une communauté qui trouve un intérêt économique ou personnel à soutenir l’établissement.

PROMOTION À MOINDRE COÛT

Ces campagnes de financement ont également un autre atout : faire parler de l’établissement. « Beaucoup de restaurateurs lancent une campagne, car c’est aussi un moyen pour eux de communiquer, souligne Augustin Mille, responsable du secteur alimentation du site KissKiss-BankBank, l’un des leaders du secteur du financement participatif. Nous conseillons de faire financer des éléments qui donneront une valeur ajoutée à l’établissement, un fumoir ou un four basse température, par exemple. Non seulement ce sera différenciant pour l’activité, mais c’est aussi un très bon support pour communiquer et raconter l’histoire du projet. » Le site October s’est positionné quant à lui sur une autre application du financement participatif, celle de « l’épargne utile ». La plate-forme propose plusieurs solutions, toutes adossées à un réseau de prêteurs particuliers et institutionnels qui souhaitent diversifier leur épargne en investissant dans des entreprises. Des prêts classiques de 30 000 € à 5 M€, amortissables de trois mois à sept ans, et de la location financière. « On achète le matériel et le restaurateur nous rembourse, précise Olivier Goy, CEO d’October. Notre point fort, c’est que nous donnons une réponse en moins de quarante-huit heures sur la faisabilité du financement et sans demander de caution personnelle. » Ce qui permet aux professionnels de se rééquiper rapidement, en cas de besoin. Cette offre a néanmoins un coût, avec des taux de 2,5 % à 9 %. « La banque sera toujours moins chère que nous. Mais nous offrons la rapidité. Nous nous voyons comme une solution de complément aux banques, car elles financent rarement 100 % des besoins, ou comme une possibilité de prêt relais, le temps d’entreprendre des démarches bancaires. » Le taux est calculé selon la qualité du dossier de l’entreprise, notamment son secteur d’activité, la fiabilité du chef d’entreprise, le chiffre d’affaires et la rentabilité de l’affaire. Parmi les premiers emprunteurs du site, on retient Alain Ducasse ou Hard Rock Café.

Benoît Feytit, DG de Metro France, et Stéphane Vromman, DG de Tudigo, en novembre 2018, lors de la remise des prix de l’opération « Mon restaurant passe au durable », basée sur le crowdfunding.

Benoît Feytit, DG de Metro France, et Stéphane Vromman, DG de Tudigo, en novembre 2018, lors de la remise des prix de l’opération « Mon restaurant passe au durable », basée sur le crowdfunding.

Première parution dans L’Auvergnat de Paris n° 1027

Metro France plébiscite le crowdfunding

Metro a également senti le potentiel du financement participatif et travaille en partenariat avec Tudigo pour l’intégrer à son panel de services.

« Le crowdfunding répond très bien à la question du financement pour beaucoup de petits entrepreneurs qui ont de belles histoires à raconter, mais qui ne sont pas forcément suivis, note Yannick Boutemy, directeur des services Metro France. Nous voulons aider les clients à monter leur projet, c’est pour cela que nos experts du service bureau d’études embarqueront cette solution. Et nous avons jugé que Tudigo est la plate-forme la plus adaptée aux commerces de bouche. »

Metro présentera la nouveauté à ses clients dans les prochaines semaines. « C’est complètement inédit, se félicite Stéphane Vromman, directeur général, cofondateur de Tudigo. Pour Metro France, c’est une solution de financement supplémentaire et cela permet de pousser des projets parfois difficiles à financer. » Le grossiste se chargera de monter les dossiers directement avec les restaurateurs et hôteliers, puis les transmettra à Tudigo, qui prendra la main pour accompagner le déroulement de la campagne. Le service sera disponible dans les prochaines semaines dans les pôles services des magasins.

Un crédit dédié à l’achat de matériel

Le crédit-bail mobilier proposé par la Bpifrance permet de financer des équipements sans apport et sans délai. Deux formules sont proposées : le crédit-bail, qui permet d’acquérir le matériel à la fin de la location pour une valeur résiduelle minime fixée dès le début du contrat, et la location financière, qui ne prévoit pas d’option d’achat. Les avantages sont multiples : les investissements en matière d’équipements sont financés à 100 % et les loyers sont totalement déductibles fiscalement. Le montant de l’investissement doit toutefois être supérieur à 40 000 € HT.

Plus d’informations : Tél. : 01 41 79 80 00, www.bpifrance.fr

Logo Bpifrance

CARNET D’ADRESSES DU CROWDFUNDING

October : fr.october.eu

Ulule : fr.ulule.com, 01 83 62 90 75

Kisskissbankbank : www.kisskissbankbank.com

01 45 23 94 66

Tudigo : www.tudigo.com

01 85 09 06 27

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