Sensibiliser son équipe à sa démarche écologique

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Les Français sont plus que jamais sensibles à la démarche écologique adoptée par les restaurants. Dans ce contexte de crise sanitaire, il s’agit même d’un enjeu majeur pour les professionnels du secteur. Pour réussir à s’engager et bien préparer la reprise, la mobilisation et l’adhésion de l’équipe sont déterminantes.

Pour 74 % des Français, l’engagement écologique est un critère de choix d’un CHR *. Ils sont même 70 % à être prêts à fréquenter davantage un établissement attentif à l’environnement. Une donnée cruciale en postcrise lorsque les établissements seront enfin autorisés à rouvrir. Mise en place du tri, gestion d’un compost, réduction du plastique à usage unique, alimentation végétale. Quelles que soient les démarches écologiques de son restaurant, il est avant tout nécessaire de bien expliquer à son équipe ce qui a motivé les changements.

« Quand les équipes ont bien compris les raisons, c’est plus simple d’appliquer la démarche, les employés doivent se sentir intégrés à 100 % du début à la fin », lance d’emblée Camille Delamar, cofondatrice d’Écotable, label qui référence les restaurants écoresponsables. En partenariat avec Service compris, elle propose de former aux pratiques écores-ponsables les gérants de restaurants, traiteurs, directeurs, chefs de cuisine et responsables de salle. « Il faut leur montrer que c’est vertueux et valorisant autant pour eux que pour leur établissement de mettre ces bonnes pratiques en place », ajoute-t-elle. La pédagogie est donc très importante. « Établir des règles claires, mais que l’écologie reste un plaisir et non une contrainte insurmontable. » Elle conseille d’éviter de donner trop d’informations d’un coup et de sensibiliser pas à pas, de manière ludique, tous les employés quel que soit leur poste.

Le restaurant parisien Yuman a adopté des démarches écoresponsables. 

Échanger avec son équipe

« Une des meilleures pratiques que j’ai observée, c’est de former un référent pour chaque action mise en place, afin d’être sûr que cela ne reste pas un exercice théorique », conseille Camille Delamar. Le référent pourra ainsi assurer un rôle de transmission à chaque nouvel employé. « C’est important de pouvoir se reposer sur des personnes de confiance et de s’assurer qu’il sensibilise les autres », ajoute-telle. En outre, un accompagnement quotidien et des discussions sont nécessaires pour le bon fonctionnement du restaurant. « Je prends le temps d’échanger avec mes équipes tous les jours sur ces sujets » , précise Gilles Tessier, fondateur du restaurant parisien Yuman.

Même son de cloche du côté de Charlotte Crousillat, cheffe du restaurant Carlotta With à Marseille, pour qui l’échange avec les équipes favorise l’implication. « Nous avons un groupe de discussion virtuel dans lequel nous échangeons sur des produits ou bien sur les actualités écologiques », ajoute-t-elle. Par ailleurs, « nous avons un cahier des charges clair avec notre démarche écoresponsable, que les employés peuvent consulter à tout moment », commente à son tour Élie Craipeau, directeur développement durable chez Arkose, les restaurants des salles d’escalade du même nom.

Chaque année, Arkose réunit ses chefs pour une journée dédiée à l’alimentation responsable et organise un concours de plats vegan protéinés. Ici, l’édition 2019.

Afficher sa démarche

Camille Delamar (Ecotable) conseille de coller des affiches pour présenter la démarche adoptée et les gestes à avoir en cuisine. « Certains restaurants ont aussi des livrets écrits qui contiennent leurs meilleures pratiques écorespon-sables, pour qu’elles soient partagées avec le personnel » , illustre-t-elle. C’est par exemple le cas dans l’établissement de Gilles Tessier. Dans ses manuels, un à destination de la salle et un autre pour la cuisine, les équipes peuvent lire les bons gestes à adopter : la gestion des matières premières, l’extinction des lumières, ne pas faire couler trop d’eau, récupérer le marc de café ou encore ne pas stocker tel et tel aliment ensemble (voir encadré) . « Les manuels sont importants, pour que les employés puissent s’y référer quand ils le souhaitent. Le fait que cela soit écrit permet de crédibiliser la démarche », justifie-t-il. De la même façon, Charlotte Crousillat a rédigé une charte d’approvisionnement, pour éviter les erreurs de commande. « J’ai mentionné comment on achète nos produits, en précisant bien nos critères de sélection », détaille-t-elle.

Se frotter au terrain

Emmener ses équipes à la rencontre d’un producteur ou visiter un site de compostage peut aussi les sensibiliser. « Leur faire prendre conscience de cet écosystème circulaire permet d’obtenir d’eux qu’ils respectent plus le produit, qu’ils n’aient pas envie de gaspiller, parce qu’il y a un vrai lien humain entre le chef et le producteur », affirme Camille Delamar. Ainsi, pour pousser ses équipes à innover, Élie Craipeau réunit chaque année les 12 chefs de ses établissements pour une journée dédiée à l’alimentation responsable. « Nous faisons intervenir un expert alimentation, environnement et nutrition, puis nous organisons un concours de cuisine vegan protéinée, les chefs font plein de propositions intéressantes », mentionne-t-il. Les idées proposées peuvent ensuite être ajoutées au menu.

Recruter en amont

Lorsque le restaurant est déjà engagé dans une démarche écologique, en tenir compte dès le recrutement peut être un atout majeur. « La première étape, puisque c’est le terreau de notre démarche, c’est de recruter des chefs qui sont déjà sensibles à ces sujets. C’est important car ils doivent évoluer en autonomie. S’ils ne répondent pas de façon sérieuse et engagée, pour nous c’est un critère rédhibitoire » , déclare Élie Craipeau. De leur côté, Gilles Tessier et Charlotte Crousillat ont aussi adopté cette stratégie au moment du recrutement, qui leur permet de s’assurer que leurs employés sont en phase avec leurs démarches. « Sans être discriminante, j’essaie de choisir des profils divers, mais qui vont avoir une sensibilité, une envie, une compréhension du sujet », indique Charlotte Crousillat. Selon elle, ces personnes seront par la suite plus avides de s’engager et pourront même entraîner les autres. « Ce qui est très important, c’est de trouver un chef impliqué, car son engagement est déterminant », ajoute Gilles Tessier.

Aller de l’avant

Si les trois chefs et responsables d’établissements estiment que sensibiliser son équipe à sa démarche écologique n’est pas difficile en soi, ils s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un travail quotidien. « À chaque fois que l’on franchit un pas, cela demande de l’énergie, mais ça ne viendrait à l’idée de personne de dire que c’était mieux avant » , commente Gilles Tessier. Camille Delamar d’Écotable conseille aussi de ne pas se décourager, même si cela prend du temps. 

Note * Baromètre annuel sur le développement durable dans les CHR, mené par l’IFOP pour C10, 2020.

Extrait du Livret de recommandations en hygiène du restaurant Yuman (Paris 13e)

Pour le respect du cadre réglementaire du travail en cuisine et la maîtrise de l’impact environnemental du restaurant.

– FIFO : « First In, First Out ». Au moment du rangement, il est impératif d’organiser le lieu de stockage suivant ce principe. Le produit le plus ancien doit être utilisé le premier.

– Éteindre l’éclairage à la fin du premier service doit être un geste automatique pour tous les employés.

– La valorisation des chutes de fruits et légumes est un point très apprécié puisque cette action s’inscrit dans plusieurs logiques : réduction du gaspillage alimentaire, réduction des déchets, valorisation du savoir-faire en cuisine, amorce d’un menu zéro déchet.

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