Valoriser ses déchets

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Transformer ses déchets en compost ou biodiesel, proposer des doggy bags ou réduire les portions : nombreuses sont les solutions anti-gaspi qui s’offrent aux restaurateurs soucieux de leurs déchets.

Épluchures de fruits et légumes, morceaux de pain, marc de café, plats préparés, nourriture présentée … Toutes ces matières organiques peuvent avoir une seconde vie, plutôt que finir à la poubelle.

Rendre à la nature

Un peu partout en France, des prestataires privés proposent de venir récupérer vos biodéchets pour les transformer en compost. C’est par exemple le cas de l’entreprise Gecco, dans les Hauts-de-France, qui collecte notamment les huiles de friture usagées de restaurants et d’usines pour les transformer en biodiesel. « Nous avons mené des activités de recherche et développement pour concevoir notre propre procédé de biocarburant. Notre unité de production est utilisée pour les véhicules de la Région, avec un biocarburant qui permet de réduire de 95 % les émissions de gaz à effet de serre et particules », indique Michel Millares président et cofondateur de Gecco. Une démarche militante et écologique, qui a permis de produire 4 000 litres de biocarburant l’année dernière, qui ont servi à faire le plein de plusieurs bus dans les villes de Lille, de Charleville-Mézières et de Béthune. Cette année, l’entreprise va accélérer la cadence en produisant 5 000 litres de biocarburant par jour. « Nous souhaitons trouver des solutions qui répondent aux enjeux du changement climatique et de la gestion des déchets, en offrant un compromis entre l’environnement, la création d’emplois, et la plus-value sociale », ajoute Michel Millares. Toutefois, il peut se révéler difficile pour l’entreprise de collecter les huiles usagées, car la concurrence venue de Belgique rémunère les restaurateurs pour les récupérer. « Nous assurons la collecte gratuitement, mais on ne peut pas acheter les huiles. Certains sont sensibles à l’argument environnemental ou social, certains souhaitent faire travailler des entreprises régionales, mais c’est parfois difficile » , précise-t-il. Par ailleurs, Gecco pro pose aussi la collecte des déchets de cuisine et de table de 2 000 établissements régionaux, dont de nombreux restaurants. « Les biodéchets sont valorisés le plus localement possible. La première chose que nous faisons, c’est de les retourner à la terre avant d’autres types de valorisation », précise le directeur. L’entreprise assure la collecte, puis les apporte dans des centres de compostage voisins. « Pour les biodéchets et les marcs de café, il s’agit d’un service payant, mais nos tarifs sont compétitifs, car la valorisation est locale et que l’on mutualise les biodéchets » , assure-t-il. De son côté, Séverine Figuls passe par l’association nantaise La Tricyclerie, qui collecte à vélo les déchets compostables des restaurants. Deux fois par semaine, un vélo-remorque passe récupérer la matière organique de son établissement. La récolte est ensuite transformée en compost, qui sera redistribué dans les jardins et potagers ou aux maraîchers des environs. « Cela demande de l’organisation, il faut séparer en deux les déchets, mais on s’habitue et pour nous c’est très important de le faire », remarque-t-elle, ajoutant qu’il s’agit d’un état d’esprit.


compost déchets anti-gaspi
Les déchets de cuisine et de table (épluchures, viande, poisson, pain, nourriture présentée mais non consommée…) peuvent être revalorisés en compost 100% naturel. ©Alice Mariette

Trier les déchets organiques, même lorsque ce n’est pas obligatoire, est pour elle un acte militant. « On paie 60 € par mois pour ce service, et on doit aussi payer la taxe sur les ordures ménagères, donc c’est sûr que c’est cher, mais c’est trop important pour nous », ajoute-t-elle. Pour certains restaurateurs, ces solutions s’avèrent trop coûteuses. Ainsi, pour les biodéchets de ses trois restaurants parisiens, dont La Timbale dans le 18e arrondissement, Stéphanie Mathey tente de les valoriser grâce à son propre compost ménager. Par manque de place dans ses structures, elle a dû se résigner à utiliser son petit compost d’appartement. « La gestion est compliquée et c’est limité comme fonctionnement, mais c’est très important pour moi » , mentionne-t-elle. Dans l’avenir, elle aimerait faire appel à une entreprise externe, mais pour le moment, ses finances ne le lui permettent pas.

« C’est un budget important, mais quand on pourra souffler financièrement, on le fera » , assure-t-elle. Chantal Pasquier, de son côté, a trouvé une solution encore plus locale pour les biodéchets de son foodtruck. « Les restes que je ne peux pas vendre et mes épluchures, je les donne à une voisine qui a un poulailler, et en échange elle me donne des œufs frais. Évidemment cela fonctionne, car j’ai un petit volume », raconte-t-elle.

Favoriser l’anti-gaspi

Une autre solution peut permettre d’éviter les restes de table : le doggy bag, autrement dit le fait de proposer au consommateur d’emporter la nourriture non consommée qui lui a été servie. Très populaire dans les pays anglo-saxons ; en France, la démarche reste timide. « Un restaurateur ne doit pas le refuser, il doit même l’écrire quelque part, pour décomplexer les clients, sinon, ils n’oseront pas le demander », estime Vincent Dantonel, du label Fraheim, qui préfère parler de « gourmet bag ». À noter qu’à partir du 1er juillet 2021, la loi Alimentation prévoit que les restaurants mettent à disposition des doggy bags aux clients qui en feront la demande. Finalement, selon Vincent Dantonel, le travail doit se faire plutôt en amont. « Il faut avant tout éviter le gaspillage, en se demandant pourquoi il y en a et trouver des solutions pour le réduire avant de valoriser les déchets », présente-t-il. Parmi les solutions, réduire les portions dans les assiettes ou encore cuisiner avec des restes, comme le pain ou les épluchures. Un point de vue partagé par Stéphanie Mathey, qui privilégie la gestion à flux tendu dans ses restaurants parisiens, afin d’éviter d’avoir trop de pertes. Même son de cloche du côté de Julie Maieron de Food du goût à Bordeaux, qui préfère éviter les stocks trop importants pour limiter les pertes, quitte à refuser quelques clients. « On achète au jour le jour auprès de petits producteurs » , dit-elle. Pour ces restauratrices, il s’agit d’un engagement social et écologique, auquel le client est de plus en plus sensible.


Doggy Bag anti-gaspi
Dès juillet 2021, les restaurants devront mettre à disposition des doggy bags aux clients qui en feront la demande.

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