Un vignoble arlequin

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À travers des terroirs et des climats très distincts, mais aussi de nombreux cépages, les vins d’Ardèche réservent de très bonnes surprises, à des prix abordables. L’IGP ardèche, notamment, offre de beaux volumes de production de vins simples, fruités, pleins de fraîcheur et agréables à boire.

Il n’existe pas un, mais des vignobles ardéchois. Au nord, le long du Rhône, c’est le territoire des côtes-du-rhône, avec de célèbres noms, comme Saint-Péray, Cornas, Saint-Joseph. Au sud, à la sortie des gorges de l’Ardèche, on trouve 300 ha de vigne évoluant dans les AOP côtes-du-rhône et côtes-du-rhône village et, depuis avril 2018, une appellation communale, saint-andéol, a été reconnue par l’Inao. Cette décision concerne rétroactivement le millésime 2017. Une centaine d’hectares est concernée par cette AOP.

Pour complexifier la donne à côté des côtes-du-rhône de sud Ardèche, une autre AOP, côtes-du-vivarais cohabite. Elle a vu le jour en 1999 et concerne près de 300 ha, essentiellement positionnés sur le plateau qui domine les gorges de l’Ardèche. Mais dès que l’on descend vers la rivière, on passe sur le territoire des IGP ardèche, qui constituent avec 6 800 ha plantés, la majorité de la production du département. Ludovic Walbaum, président des vignerons indépendants, explique à sa manière ce « terroir arlequin » difficile à comprendre pour le profane : « Ici, sur 100 m de distance, on peut avoir trois climats différents : sur le plateau, l’arbre de référence, c’est le châtaignier. Ici, dans la vallée, c’est l’olivier. »

Un vignoble qui bénéficie du tourisme.

Un vignoble qui bénéficie du tourisme.

Ce territoire est en effet le plus gros producteur d’IGP de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec, naturellement, une prédominance du système coopératif, dans la mesure où beaucoup d’acteurs sont impliqués dans la polyculture. 1 000 viticulteurs sont adhérents à 14 coopératives. Douze d’entre elles sont regroupées au sein de Vignerons ardéchois, basée à Ruoms, les deux autres ayant conservé leur indépendance. 58 caves particulières font également partie des acteurs du vignoble de l’Ardèche méridionale. Il faut enfin signaler la présence de négociants, dont le plus emblématique, la maison bourguignonne Louis Latour, est arrivé dans la région il y a quarante ans, attiré par les sols argilo-calcaires et l’ensoleillement favorable. Au total, coopératives, négociants et vignerons indépendants assurent une production de l’ordre de 470 000 hl. Ce n’est pas anodin, puisque cela représente 20 % de la production vinicole de la région Auvergne-Rhône-Alpes. 15 millions de bouteilles sont ainsi commercialisées, dont 30 % à l’export.

C’est bien sûr l’IGP qui domine les enjeux, avec une production très diversifiée. Au-delà des différences du sol et du climat, l’Ardèche peut composer avec de multiples cépages. Si, dans les coteaux du vivarais, la liste des cépages est réduite au grenache et à la syrah pour les rouges et au grenache blanc, à la marsanne, à la clairette, au viognier et à la roussanne pour les blancs, l’assemblage est plus libre pour les IGP. Ces derniers peuvent puiser dans 8 cépages principaux pour les rouges et autant pour les blancs, mais en outre, les opérateurs ont le droit d’utiliser des cépages secondaires et, même, des cépages historiques comme le chatus, raisin tardif. Cette particularité ardéchoise offre des rouges puissants, aux arômes de fruits confits, et revient en force sur les tables.

Cette terre est le point de rencontre du grenache, de la syrah, du cabernet sauvignon, du merlot, du gamay et même du pinot. Il faut aussi noter que depuis des années, sur ce terroir, la culture du viognier et du chardonnay a pris de l’ampleur, pour offrir de très beaux blancs. Mais surtout, ces cépages s’adaptent aux différents sols de ce terroir. « Le grès et le schiste des Cévennes va être plus favorable au chatus et au gamay », explique Ludovic Walbaum. Vers Alba-la-Romaine et ses sols de basalte, on va trouver du chardonnay ou du pinot. Le Vivarais est plus favorable au grenache et au cinsault, alors que dans la vallée de l’Ardèche, nous produisons de très beaux merlots. La syrah et le viognier, en revanche, représentent une constante sur tous les terroirs.

Le vignoble ardéchois avance groupé. Une structure, 2 000 Vins et Millésimes, a été créée afin de fédérer vignerons indépendants, ODG, caves particulières et coopératives, dans une sorte d’interprofession du vignoble méridional d’Ardèche. Ludovic Walbaum en est le vice-président. Il estime que l’ensemble du vignoble du Sud ardéchois est résolument tourné vers la qualité et que ce terroir produit aujourd’hui des vins agréables et faciles à boire, mais aussi des vins plus structurés, même s’il n’est pas toujours facile de résoudre les équations économiques. « En vrac, un litre d’IGP d’Ardèche se négocie autour de 90 centimes le litre, indique-t-il, alors qu’un IGP méditerranée se vend 1,20 €, simplement pour une question de notoriété. »

Le Domaine du Colombier, une référence

Ludovic Walbaum est le représentant de la 7e génération de vignerons à la tête du Domaine du Colombier, un espace de 26 hectares de vigne, installé à Vallon-Pont-d’Arc. Ses vins représentent une référence au sud de l’Ardèche. Ce vigneron de 53 ans a pris en 2007 la succession de son père, Philippe, à la tête du domaine et a poursuivi la démarche qualitative entreprise par ce dernier, qui fut l’un des premiers dans la région à mettre en bouteille dans la cave. Le Domaine du Colombier, qui réalise sa production sous IGP ardèche, privilégie le conditionnement en bouteille et parvient à vendre ses productions entre 6 et 10 €/bouteille grâce à des rendements maîtrisés et à des sélections parcellaires. Dans ce domaine, le rendement des vignes de viognier est limité à 35 hl par hectare et la moyenne se situe autour de 60 hl/ha. Il propose des vins de cépages très expressifs, mais aussi des cuvées d’assemblage à travers la collection Réserve. Parmi ses cuvées Confidentielles, on trouve Fleur de vigne, un rosé très original et très pâle, réalisé à base de cinsault. Président local des vignerons indépendants, Ludovic Walbaum est aussi vice-président national de la structure, chargé de l’œnotourisme. Il connaît bien le sujet.

Appréciant l’importance du tourisme local, il a beaucoup investi dans son caveau de dégustation, où les visiteurs peuvent même découvrir l’intérieur des anciennes cuves. Grâce à cela, le vigneron réalise 60 % de son chiffre d’affaires en ventes directes. Mais il compte aller beaucoup plus loin. Il est en train de transformer le manoir du domaine en hôtel 4* de 12 chambres. Cet établissement ouvrira ses portes début 2020, sous le nom de Villa Walbaum.

Ludovic Walbaum

Ludovic Walbaum

Une sélection de vins d’Ardèche 

Domaine Gallety

Domaine phare du vignoble ardéchois, Gallety, à Saint-Montan, produit ce côte-du-vivarais réalisé avec deux tiers de syrah et un tiers de grenache. Les rendements n’excèdent pas 25 hl/ha. Élevé douze à quinze mois en fûts de chêne, ce vin puissant offre de très beaux arômes de fruits noirs.

domaine gallety

Les Patriarches

Élaborée avec des vignes de syrah d’une quarantaine d’années, dont le rendement n’excède pas 50 hectolitres/ha, la cuvée des Patriarches, proposée par le Domaine de Vigier Dupré & Fils, témoigne du beau rapport qualité- prix que peut offrir l’IGP ardèche.

Patriarches

Gris d’Ardèche

Produit par les Vignerons ardéchois, ce gris à base de grenache offre de très beaux arômes d’agrumes (pamplemousse), d’anis et de fruits (pêche). Vin d’été revendiqué, il exprime en bouche une agréable rondeur.

Gris d’Ardèche

Le Liby

Cet IGP ardèche a obtenu une médaille d’or au concours des Vignerons indépendants. Cuvée phare du domaine, le Liby résulte d’un assemblage de marsanne, de sauvignon blanc et de viognier. Ce vin a été élevé six mois en fûts de chêne français et présente des arômes fruits jaunes, avec une dominante d’amande grillée et de pêche.

Liby

Le chardonnay Grand Ardèche de Latour

C’est désormais un classique de la maison de négoce Louis Latour, le chardonnay Grand Ardèche est élevé huit à dix mois en fûts de chêne. Ce traitement bourguignon permet à ce blanc d’offrir de beaux arômes de poire et de vanille.

Grand Ardèche de Latour

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