À la reconquête de Paris

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À Blesle, en Haute-Loire, la Maison Malbec fabrique les mêmes recettes depuis 1870. Terrines médiévales, saucisses sèches, tripoux, pounti et boudins gardent l’ADN d’un savoir-faire ancestral grâce à la motivation de deux jeunes entrepreneurs qui ont repris les rênes de la boutique. Leur objectif : la reconquête de Paris.

Des histoires s’écrivent dans le temps, s’appuient sur une réputation et font parler d’elles, même des années plus tard. Celle de la Maison Malbec, oubliée pendant quelque temps, revient se conter dans les sphères auvergnates. À la Nuit arverne, qui s’est tenue début décembre à Paris, de nombreux palais fins se souviennent encore du goût de ce fameux boudin blanc. Et quel boudin blanc! « Il est unique », résument avec fierté les deux compères, David Tesson et Stéphane Chalier, qui font renaître la renommée de la maison bouchère et charcutière altiligérienne. Ce lien avec l’histoire d’un savoir-faire et d’un terroir, c’est ce qui a séduit les deux jeunes qui ont repris les rênes de cette institution en 2017. Le premier apporte son regard de professionnel en tant que boucher-charcutier, le second, ancien spécialiste en aménagement du territoire et en développement économique sur le secteur, l’amour de son pays. Ensemble, ils affichent cette volonté de faire renaître une maison artisanale ancestrale. Ce même boudin blanc a déjà marqué les esprits des Auvergnats et des Parisiens, lorsque Christian Malbec, personnage haut en couleur de Blesle dont il fut maire et conseiller général, se rendait à Paris pour faire parler de son pays. Mais surtout de ces salaisons et diverses préparations autour du terroir local. « Il avait tout compris. Tous les ans, il participait à la Nuit arverne, il faisait connaître l’entreprise et ses produits tout en conservant les recettes traditionnelles datant de plusieurs générations », assure Stéphane Chalier, en charge de la partie communication et commerciale de la Maison Malbec.

 

La Maison Malbec est installée à Blesle depuis 1870.

Depuis le Second Empire


La force de la Maison Malbec : six générations d’Auvergnats et des recettes quasiment inchangées depuis 1870, date de création de la boutique de Blesle. Aujourd’hui, dans cette même rue du petit bourg de Haute-Loire, dans ce même magasin, David Tesson et Stéphane Chalier continuent à respecter cet état d’esprit, à raconter  cette belle histoire, et à proposer des produits à l’ancienne, « en apportant de la modernité dans l’organisation de travail ». Mais attention, une règle d’or persiste ici : tout est fait maison et à la main! Un peu plus de quarante recettes composent la gamme héritée de la Maison, toutes traditionnelles, des saucissons aux bocaux en passant par le pâté de tête ou le jambonneau persillé. Le savoir-faire ancestral de la petite entreprise, qui emploie aujourd’hui 12 personnes et détient deux autres magasins, à Massiac et à Vergongheon, continue à vivre. Dans le contexte économique actuel, « c’est un vrai pari », assure Stéphane Chalier. « On achète toutes nos bêtes dans un rayon de 50 kilomètres, et ce sont des achats sur pied. On prend le temps d’aller dans les fermes, de parler et d’échanger avec les producteurs. Tout est abattu à Brioude à 25 kilomètres, et tout revient ici, à Blesle, pour être trans- formé sur place et vendu localement », résume David Tesson, boucher-charcutier de métier. En termes de circuit court, « on aurait du mal à faire mieux je pense », signale-t-il. Les porcs sont élevés à 800 mètres du village, les veaux et les agneaux à seulement quelques pas de plus. Même les canards pour le foie gras proviennent du département de la Haute-Loire.

Le goût du terroir avant tout


Mais la Maison Malbec va désormais encore plus loin dans son raisonnement et cherche à remplacer tous les sels nitrités qui envahissent la quasi-totalité des charcuteries françaises. « Nous essayons de travailler avec des liants naturels, comme le céleri qui est un exhausteur de goût par nature », explique le boucher-charcutier. Son but : « Toujours offrir la meilleure charcuterie et surtout qu’elle soit bonne pour la santé. » L’art gourmand auvergnat se façonne à la main dans le laboratoire historique. Comme les fameux tripoux à base  de panse d’agneau, farcis de poitrine salée, cuits dans un bouillon de légumes durant toute une nuit, ou les pieds de porcs farcis manuellement avec du jambon sec, de la chair, des oignons et de l’ail, le tout enroulé dans une feuille de chou. Le boudin noir, « ce n’est pas juste du sang. Sa préparation prend plusieurs heures, le sang est mis dans un boyau naturel attaché à la main et garni d’un appareil à base de crème et de légumes ». Les tripoux, plat en déperdition? Ce n’est pas l’avis de la maison : « À chaque fabrication on en produit 120, et ils partent en une semaine.

Les gens viennent de loin pour les acheter chez nous », assure-t-on. Quant au fameux boudin blanc, fabriqué uniquement durant la période des fêtes, il s’en écoule deux tonnes sur le seul mois de décembre. « Tout est particulier par rapport aux autres, que ce soit le procédé de fabrication, les ingrédients, la cuisson… » La recette d’origine figure encore dans un vieux cahier, manuscrite, et qui  serait donc celle mise en place par l’arrière-arrière-arrière-grand-père Malbec. « Il était monté à Paris pour faire un stage de charcuterie, et il est revenu avec la recette », confie Stéphane Chalier. Le secret d’un tel trésor : « On peut juste dire qu’il y a du porc et de la volaille dedans. » Le reste ne peut que se deviner à la dégustation. De cette histoire liée à Paris, Stéphane Chalier et David Tesson compte bien en écrire un nouveau chapitre. Sauvé d’une fermeture inéluctable, cet emblème du terroir auvergnat se faufile déjà sur les tables parisiennes, notamment chez Ibu, bar à bière tenu par des Auvergnats dans le 17e arrondissement. « Nous croyons en son potentiel, notamment dans la capitale », signalent les deux associés. Avec toujours ces valeurs de savoir-faire et de fait main, de circuit court et de respect du terroir, la Maison Malbec repart à la conquête de Paris.

La charcuterie Malbec est élaborée à base de viande de porcs fermiers élevés à 800 mètres de la boutique.

La petite entreprise compte 40 recettes ancestrales.

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