Douze : les terroirs réunis à Paris

  • Temps de lecture : 6 min

Primeur de Lille, poissonnier des Sables d’Olonne, charcutier de l’Aveyron… Dix artisans issus de différentes régions françaises proposent leurs produits au Douze (Paris 12), cet espace mêlant marché et restaurant qui a ouvert ses portes le 17 mars dernier. Le chef du restaurant s’appuie sur les produits issus de ce marché pour confectionner sa cuisine.

« Tout ce qui est travaillé dans la cuisine du restaurant repose sur les produits vendus ici, au marché, quand ils sont moins présentables », affirme Suzanne Grimal, la directrice générale du Douze, un « garde (bien) manger » ouvert le 17 mars dernier dans le 12 arrondissement de Paris, alliant marché et restaurant, à l’étage. Un principe qui permet d’éviter au maximum le gaspillage alimentaire. « La contrainte d’utiliser les produits du marché m’a plu, abonde Pablo Jacob, le chef de cuisine. La ligne directrice consiste aussi à récupérer un certain nombre de produits périssables. Nous pouvons, par exemple, préparer une sauce pesto avec d’autres herbes. Il y a une vraie volonté d’éviter le gaspillage. » Dix artisans issus de différentes régions françaises composent le marché, situé au rez-de-chaussée. Le primeur lillois, Les Fruits de la terre, qui ne travaille « qu’avec des producteurs de manière directe, pas toujours en bio, mais systématiquement en agriculture raisonnée », comme le souligne la directrice générale du lieu. Le stand Mareyage Hennequin, des Sables-d’Olonne, avec ses poissons « ultra-frais, issus de la pêche côtière, qui partent de la criée la nuit pour arriver ici au petit matin ». Le Mas des confitures, originaire de Béziers, s’adresse habituellement au segment des palaces et propose en exclusivité au Douze sa gamme complète. « Ce sont deux frères qui se sont reconvertis » , indique Suzanne Grimal. La Finarde, située dans la citadelle d’Arras, possède par ailleurs un stand sur lequel elle présente ses fromages affinés dans l’ancienne poudrière. Les produits du torréfacteur lyonnais Cafés Gonéo, de la Charcuterie du Viala, en Aveyron, et de la boucherie Ah la vache, dans le Perche, sont également vendus dans l’espace du marché. En plus de la cave tenue par Johannès Marcon, de Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire. Sont enfin présents le traiteur thaïlandais Oth Sombath et la boulangerie Léonie (Paris 17e). Sur les différents stands, des représentants des artisans conseillent les clients. « Les producteurs ne sont pas là tous les jours, mais les responsables sont allés à leur rencontre pour pouvoir parler des produits », explique Suzanne Grimal. Cette relation entre le vendeur et l’artisan s’est développée dans un souci de meilleure connaissance du produit. « La vente accompagnée est systématique », insiste la directrice générale, dans l’optique de transmettre, de « faire comprendre le produit » et d’informer sur le fait maison. Des ateliers seront même mis en place.

« UN LIEU DU QUOTIDIEN »

« Ce genre de lieu manquait dans le quartier. Il s’agit de commerces de proximité, nous voulons qu’un large éventail de clientèle soit susceptible de venir. Nous nous voyons comme un point de rencontre du quotidien » , poursuit-elle. « Huit producteurs sont actionnaires », précise la directrice générale, qui met en avant ce modèle économique original. Ces derniers sont par ailleurs rémunérés pour chacun de leurs produits vendus, mais touchent également un pourcentage direct du chiffre d’affaires.

Les artisans proposent aussi bien leurs propres produits que ceux sélectionnés par leurs soins. « Il existe un cahier des charges fixé avec chacun des artisans actionnaires, ponctue la directrice générale. Il n’y a pas plus exigeant que quelqu’un du métier. Le rôle du producteur identifie ses produits. » Quant au choix des artisans, « il s’agit davantage d’une cooptation que d’une sélection » . Le critère qualitatif a été pris en compte, mais c’est le fait que « tous soient dans la réflexion sur la production » qui a primé. « Ils ont envie de transmettre leur savoir-faire, de travailler dans un collectif. Ce sont des gens qui avaient les moyens et qui étaient en phase de développement », ajoute-t-elle. Au rez-de-chaussée le midi, « les plats partent de chacun des stands », continue Pablo Jacob. Tandis que le soir, la formule est « l’aperitivo ». La restauration proposée au premier étage est plus traditionnelle, « plutôt bistronomique et très axée sur le végétal ».

Le mur de cette salle de restaurant sera recouvert de bouteilles proposées par Johannès Marcon, neveu du chef triplement étoilé par le Michelin à Saint-Bonnet le-Froid et négociant en vins dans ce même village de Haute-Loire. « Il n’y aura pas de carte des vins. Le client ira directement choisir », s’enthousiasme Suzanne Grimal. Le Douze tout juste ouvert, la directrice générale souhaite étendre le concept : « Tout a été pensé ici pour créer un modèle duplicable. Nos producteurs sont en capacité de produire pour d’autres sites. L’objectif induit est de leur permettre de croître. Ce ne sera pas forcément exactement les mêmes produits, mais les mêmes artisans vont chercher les produits locaux. »

Douze – 2, passage Emma-Calvé – 75012 Paris

Vins Marcon, Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire)

Avec sa sœur Maguy et son frère Jean-Régis, Johannès Marcon constitue la troisième génération à s’occuper de l’entreprise familiale de distribution de vins. Tandis que leur oncle, Régis Marcon, dirige son restaurant gastronomique aux trois étoiles Michelin, accompagné depuis 2004 de son f i ls Jacques. « Nous sommes hyperspécialisés dans la distribution de vins pour les professionnels. Mais, depuis 4-5 ans, nous voulons rééquilibrer l’activité vers les particuliers, tout en restant un acteur principal avec les professionnels », explique Johannès Marcon, pour justifier la présence de son entreprise au Douze. Il souhaite ainsi « créer un petit réseau de magasins avec l’enseigne Marcon ». Faire partie du Douze entre dans sa volonté de diversification, mais c’est « encore autre chose que le magasin en propre ».

Johannès Marcon dans son entreprise, à Saint-Bonnet-le-Froid.

La Charcuterie du Viala, Viala-du-Tarn

« On est venu me chercher », justifie Christophe Fabre, pour évoquer sa participation au projet du Douze. Il gère depuis 2006 la Charcuterie du Viala, située à Viala-du-Tarn, en Aveyron. Ce commerce créé en 1949 avait été repris en 1981 par son père. Des développements ont été effectués, avec l’apparition de la charcuterie cuite et la multiplication au niveau local de leurs propres points de vente, même si « historiquement ce sont les marchés » sur lesquels l’entreprise vend ses produits. Ainsi, « nous gérons tout de A à Z : l’approvisionnement, la transformation et la vente sur nos points de vente », se félicite Christophe Fabre. La présence au Douze permet à la charcuterie de « sortir de [sa] zone de confort pour essayer de voir comment vendre, marketer », comme l’explique le gérant, précisant qu’à l’échelle locale la renommée de l’entreprise suffi t pour attirer la clientèle. Exister à Paris pousse également Christophe Fabre « à chercher à tirer le produit vers le haut » et pourrait lui permettre de « continuer de développer la charcuterie et d’aider à ramener de la valeur ajoutée à l’Aveyron ».

Christophe Fabre dans sa Charcuterie du Viala. (Aveyron)

PARTAGER