Des jambons affinés dans la cathédrale de Saint-Flour

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Sur les conseils de l’abbé Philippe Boyer, l’évêque de Saint-Flour, Didier Noblot, a poussé les portes de la cathédrale à Cantal Salaisons. La filiale du groupe Altitude a ainsi af f iné dans une tour de l’édifice 50 jambons d’exception, commercialisés sous la marque Florus Solatium. Une initiative du diocèse qui témoigne de la volonté de s’ouvrir davantage sur le monde.

Les Amis de la cathédrale de Saint-Four utiliseront les bénéfices de la vente de jambons pour réparer le grand orgue.
Les Amis de la cathédrale de Saint-Four utiliseront les bénéfices de la vente de jambons pour réparer le grand orgue.

Un soleil radieux illuminait le parvis de la cathédrale de Saint-Flour (Cantal) le 16 juin. Une tente blanche y avait été dressée et une soixantaine de personnes entouraient Didier Noblot, l’évêque du diocèse qui avait revêtu sa tenue sacerdotale pour procéder à une bénédiction inattendue. L’homme d’Église flanqué de l’abbé Philippe Boyer, recteur de la cathédrale, a béni ce matin des jambons placés depuis deux mois en affinage dans la plus haute cathédrale d’Europe (en altitude). En effet, 50 jambons de 7 kg chacun ont été suspendus sur les poutres de la tour nord de l’édifice religieux, bercés par les tintements réguliers de la plus grosse cloche du Cantal qui vient rythmer la vie sanfloraine.

C’est l’abbé Philippe Noyer qui est à l’origine de cette initiative. Ce prêtre s’efforce en permanence d’ouvrir l’église sur le monde extérieur. Dans cet esprit, il a fait installer des ruches sur le toit de la cathédrale. Interrogé par un journaliste sur cette action, il a répondu qu’il ne souhaitait pas s’arrêter là et qu’il verrait bien à l’avenir des séchoirs à jambon dans ce lieu saint. Perchée à 900 m d’altitude, la cathédrale de la Cité des vents – c’est ainsi que le félibrige Gandilhon Gens d’Armes surnommait Saint-Flour – se prête en effet idéalement à un affinage final.

En lisant le quotidien, Didier Boussaroque, président du groupe Altitude a tout de suite saisi la balle au bond en proposant au recteur de déposer des jambons de sa filiale Cantal Salaisons, en affinage dans le clocher de la cathédrale. D’esprit ouvert, l’évêque, sollicité par l’abbé Noyer a accepté. Les ministères de la Culture et de l’Agriculture, qui ont aussi leur mot à dire, ont également donné leur aval. La marque Florus Solatium (le réconfort de Florus) était née !

Florus Solatium, un jambon d’exception

Pour créer ces jambons d’exception, Cantal Salaisons a puisé dans ses meilleures réserves. Les spécimens choisis sont naturellement dignes de l’IGP jambon d’Auvergne, cumulée à une origine Montagne. Les porcs sont issus d’un réseau de 40 éleveurs, spécialisés dans les « Capelins », élevés sur de la paille. Avant d’aller dormir sous les cloches de la cathédrale, les jambons sont placés durant huit mois dans les séchoirs du salaisonnier. Le séjour dans le clocher s’apparente davantage à « un affinage, voire un supplément d’âme », qu’à un séchage comme l’explique Patrice Boulard, expert chez Cantal Salaisons : « Dans nos installations, nous contrôlons tout : la température, l’hygrométrie, la ventilation. Dans le clocher, les jambons sont soumis aux caprices de la météo. Ils ont ainsi connu une période de forte chaleur précoce, un froid printanier, et pour finir la canicule printanière actuelle. »

Cette opération a été rendue possible grâce à l’engagement de l’association des Amis de la cathédrale de Saint-Four. Ils se chargent de commercialiser ces jambons pas comme les autres. Avec les bénéfices, ils procéderont à la réparation du grand orgue et pourront rénover des objets d’art exposés dans l’édifice. En outre, un jambon de coche de 25 kg a également été placé en séchage. Il sera partagé entre les bénéficiaires des œuvres de l’église.

Pas péché quand il y a partage

Monseigneur Didier Noblot, dans un sermon improvisé a fait taire les quelques critiques des paroissiens les plus rigoristes qui pourraient s’élever contre cette opération : « C’est la vie des hommes et des femmes qui viennent faire de ce territoire un lieu d’engagement que nous bénissons. » Évoquant le Cantal, terre de création, l’homme d’Église a rappelé que cette démarche concourait à « la valorisation et la protection du patrimoine au service du plus grand nombre et qu’elle mettait en lien des personnes qui ne se seraient pas rencontrées autrement ». Partisan d’une plus grande ouverture de l’Église sur le monde, l’évêque a exhorté les personnes présentes de « continuer à bien vivre et bien manger ».

Quant à la question du péché de gourmandise, le père Boyer l’a balayée d’un revers de main : « Il n’y a pas péché quand il y a partage » !

Pour achever de convaincre les sceptiques, une légende locale lue durant la cérémonie prétend que saint Flour, lors de son périple dans la région, fuyait pour échapper à des brigands. Il dut son salut à un miracle après son passage, un rocher s’est éboulé, protégeant ainsi sa fuite. Arrivés sur le plateau où se dresse aujourd’hui la cathédrale, les Sanflorains lui auraient offert un jambon assurant ainsi le « réconfort de Florus ». Alors si saint Flour lui-même appréciait le jambon cantalien, pourquoi bouder notre plaisir ?

Le diocèse de Saint-Flour s’ouvre aussi à l’hôtellerie-restauration

À la fin des années 1950, les derniers aspirants à la prêtrise ont abandonné le séminaire de Saint-Flour pour être regroupés dans un premier temps à Clermont-Ferrand. Depuis lors, ce vaste bâtiment flanqué d’une chapelle, accroché sur les contreforts de la colline accueillait jusqu’à ces dernières années des pèlerins qui logeaient dans les cellules des séminaristes. En concertation avec l’évêque de la ville, Laurence Richard, économe du diocèse, a décidé de convertir ce lieu magnifique en hôtel-restaurant.

Depuis juin 2021, l’hôtel de l’Ancien Grand Séminaire a ouvert ses portes grâce à un investissement de 2 M€. Une partie des cellules ont été converties en chambres à raison de trois cellules pour une chambre, afin d’offrir un confort maximal aux nouveaux pensionnaires. Au total, 27 chambres et suites seront créées à terme et bénéficieront d’un classement 3* ou 4*. Elles sont proposées à des prix de 69 € à 99€ (selon les catégories et selon les saisons). Quelques-unes des anciennes chambres de pèlerins sont maintenues à des prix de 39 €/nuitée. Affilié aux Logis, l’établissement évolue dans les catégories « Hôtel de caractère » et « Table savoureuse ».

Une cuisine évolutive de terroir

Pour exploiter le fonds de commerce en tant que salarié gérant, le diocèse a fait appel à Francis Delmas. Ce chef âgé de 50 ans avait exploité durant 15 ans l’Ander, un hôtel-restaurant de la ville Basse, avant de s’en éloigner pour des raisons personnelles. Membre des Toques d’Auvergne, ce cuisinier bénéficie d’une bonne réputation locale et fait partie des valeurs sûres de la gastronomie régionale. Son nouveau restaurant a pris place dans l’ancien réfectoire du séminaire. Il dispose ainsi d’une vaste salle bordée d’une terrasse avec une vue panoramique sur Saint-Flour. Aidé par une équipe de 10 personnes, Francis Delmas présente une « cuisine évolutive de terroir » avec des recettes comme le nougat de veau poireaux vinaigrette ou l’aligot de rhubarbe en guise de dessert. Il a mis en place un premier menu à 23 € assorti de déclinaisons à 39 €, 49 € et 56 €.

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