Les instances des fromages AOP d’Auvergne tirent la sonnette d’alarme et s’unissent pour parler d’une même voix, notamment à travers les réseaux sociaux. Leur message : ne pas oublier les fromages AOP dans son panier de confiné.
Depuis l’annonce du confinement qui découle de la crise sanitaire du Covid-19, les réflexes d’achat ont radicalement changé, pour s’orienter en priorité sur les produits dits de première nécessité comme les pâtes, le riz, la farine ou les œufs. Un changement qui se combine à l’arrêt des marchés locaux (en cours de réouverture) et de la restauration hors domicile. Le résultat a été immédiat : « Les ventes se sont effondrées en un ou deux jours. Il n’y a même pas de mots », confie Gisèle Séverac, du Comité interprofessionnel des fromages. « On a observé des chutes de 50 à 80% des ventes. Ceux qui proposent les fromages emballés sont un peu moins impactés », précise le président de l’AOP Cantal Jacques Chalier. Même son de cloche du côté du bleu d’Auvergne et de la fourme d’Ambert qui n’ont pu qu’assister « à cet effondrement massif. Les produits fermiers ont terriblement souffert au début, mais on voit un semblant de reprise aujourd’hui, grâce aux différentes initiatives de drives et de livraisons au niveau local », explique Aurélien Vorger, directeur du Syndicat interprofessionnel de la fourme d’Ambert (Sifam).
Aurélien Vorger : « C’est là qu’on voit le poids et l’importance de tout ce réseau, notamment celui des Auvergnats de Paris ». © Leah Webermann
« ON VA VERS LE DUR »
Si les stocks ne s’écoulent plus, les vaches, elles, continuent à donner du lait, deux fois par jour. « Nous avons tenu une cellule de crise, et le groupe social a pu, durant les semaines 13, 14 et 15, absorber la production des petits faiseurs. Heureusement qu’une grosse coopérative comme celle-ci a joué le jeu de la solidarité, car cela a permis d’envoyer le lait de la Planèze, par exemple, vers une tour de séchage à Rodez. C’est une initiative qui permet de ne pas jeter le lait, car nous en sommes là. On va vers le dur maintenant. » Pour réduire l’impact, « nous encourageons les producteurs à réduire la voilure, que ce soit en bleu, en saint-nectaire ou en cantal, on les incite à produire moins, notamment en réduisant l’apport en concentré, sans nuire à la santé du troupeau évidemment » . Sans oublier que cette crise arrive au pire des moments : à l’aube du pic de lactation avec la mise en pâture des troupeaux.
« C’est là qu’on voit le poids et l’importance de tout ce réseau, notamment celui des Auvergnats de Paris ».
© Pierre Soisson
Le cantal © Sabine Alphonsine
BAISSE DU PRIX DU LAIT
Autre impact non négligeable : la menace imminente de baisse du prix du lait. Pourquoi cette baisse ? Car le lait habituellement valorisé en AOP cantal ne pourra pas l’être et devra être orienté vers des circuits classiques ou pour faire de la poudre de lait. « De 400 euros les 1 000 litres, cela peut descendre à 300, 200, jusqu’à 150 euros dans le pire des cas » , explique Jacques Chalier le cœur lourd. « Il n’est pas exclu de devoir jeter du lait, surtout avec la mise à l’herbe qui arrive. » Alors comment aider les AOP auvergnates qui souffrent ? « En achetant nos fromages. Les consommateurs doivent nous soutenir, car nos prix restent attractifs. On espère que cela va reprendre en juin, mais malheureusement, j’ai bien peur que beaucoup d’exploitations doivent jeter l’éponge. Tout le monde est un peu dans le flou aujourd’hui. » Avec cette attente pour les 5 AOP : la réouverture des restaurants. « Tant que les restaurants et les grossistes ne repartent pas, les ventes ne repartiront pas » , annonce Aurélien Vorger. « C’est là qu’on voit le poids et l’importance de tout ce réseau, notamment celui des Auvergnats de Paris ».
Le bleu d’Auvergne. © Sabine Alphonsine