Les vols réguliers peinent à redécoller

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La crise sanitaire continue d’impacter le trafic aérien, et le Massif central ne fait pas exception. Alors que sur ces destinations, les liaisons venaient d’être largement réorganisées en faveur de la compagnie Amelia, les aéroports du Massif central ont tous réduit leurs programmes de vols, notamment vers Orly.

Les aéroports du Massif central pensaient être sortis de la zone de turbulences de la Covid-19. Après un arrêt total pendant le confinement, les liaisons ont progressivement repris. Mais l’horizon reste bouché : la diminution du nombre de passagers a entraîné une forte baisse des vols vers Paris-Orly, première destination de la clientèle auvergnate. La reprise de l’épidémie n’arrange pas les choses, particulièrement dans le département du Puy-de-Dôme, classé rouge sur la carte de circulation du virus. L’aéroport de Clermont-Ferrand ne propose actuellement plus que deux allers-retours hebdomadaires sur cette ligne… qui en compte habituellement une vingtaine. Une première difficulté avait déjà été surmontée à la suite du désengagement d’Air France, en septembre 2019.

« Après la décision de l’opérateur historique de stopper sa liaison Clermont-Orly, l’ensemble du territoire auvergnat s’est mobilisé pour trouver une solution afin de préserver cette desserte phare pour l’attractivité de notre territoire », se félicite Jean-Yves Gouttebel, président du Département. Si Air France continue d’assurer des vols vers Roissy, Orly reste la destination privilégiée des entreprises de par sa proximité avec la capitale. C’est donc avec une certaine satisfaction qu’était annoncée au début septembre la reprise de la ligne par la compagnie Amelia. « Une compagnie fiable, sécurisante et pouvant reprendre rapidement la liaison, reprend le président Gouttebel. La desserte a été remise en lumière dès le 14 septembre avec au préalable onze rotations par semaine. »

Jean-Yves Gouttebel, président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme. © Jérôme Palle

« Amelia ne nous a pas fait faux bond »

C’est sans compter sur le retour de la Covid, qui place le Puy-de-Dôme en zone rouge le lendemain de la reprise des vols. Alain Regourd, à la tête d’Amelia, annonce la diminution immédiate des vols vers Orly. Sur les 11 allers-retours hebdomadaires prévus initialement, seuls deux restent aujourd’hui programmés. « Suite à ce classement, nous subissons une baisse dramatique de la demande, indique le service de presse de la compagnie. Nous avions un programme très ambitieux, nous sommes tombés de haut. Des entreprises ont interdit les déplacements à leurs collaborateurs. Certains vols avaient seulement deux ou trois passagers pour 72 places : un non-sens économique et écologique. » La compréhension l’emporte sur la déception.

Les vols réguliers peinent à redécoller notamment à l’aéroport de Clermont-Ferrand. © Clermont-Ferrand-Auvergne

Au Département, on fait savoir que « cette décision s’ajuste aux besoins du moment, n’est pas figée et paraît donc légitime ». Pour l’association Objectif Capitales, dont l’objet est de mieux connecter la région clermontoise, on se félicite même de la capacité de la compagnie à réagir en urgence. « Amelia ne nous a pas fait faux bond », rassure-t-on. « S’il faut réduire la voilure pour mieux pérenniser, tant mieux. » La compagnie l’affirme, « dès qu’il y aura un frémissement de reprise, nous rajouterons des vols. Nous voulons nous implanter à Clermont sur le long terme. Soit on conservait le programme de vols initial et dans quelques mois la ligne fermait, soit on se montrait raisonnables pour tenir dans la durée ».

Dans les autres aéroports du Massif central, le trafic reprend plus ou moins rapidement. À Rodez, où Amelia opère comme à Clermont pour son propre compte, la situation est moins dégradée. La reprise a été laborieuse, mais les passagers ont repris le chemin des terminaux d’embarquement. « Ce n’est pas la pleine affluence, indique le service communication de l’aéroport. La fréquentation est toujours en dessous de celle que nous connaissions avant le confinement, mais la réduction du programme de vols permet de remplir les avions. » Deux rotations par jour permettent actuellement de rejoindre l’aéroport du sud parisien, plus une le dimanche. Rodez bénéficie par ailleurs de 9,6 millions d’euros d’aides publiques sur quatre ans pour le maintien de la liaison avec Paris-Orly, au titre de l’aménagement du territoire. Un filet de sécurité qui permet à Amelia d’assurer davantage de vols. « Nous sommes plus exposés à Clermont qu’à Rodez où la ligne avec Orly est en délégation de service public », reconnaît la compagnie.

« La clientèle a pris de nouvelles habitudes suit au confinement »

À Brive, les négociations avec Air France ont permis un redémarrage en juillet. « Nous avons d’abord obtenu trois allers-retours hebdomadaires par semaine, contre trois par jour habituellement », détaille Jean-Louis Nesti, président du syndicat aux commandes de l’aéroport, 94 000 passagers par an dont la moitié vers Orly. Depuis, la fréquence des vols (assurés par Air France et sous-traités par Amelia) a de nouveau augmenté à raison de deux rotations quotidiennes. Le taux de remplissage, proche de 50 % est jugé « satisfaisant » . La situation doit être réévaluée courant octobre pour envisager ou non davantage de vols. « La clientèle a pris de nouvelles habitudes suite au confinement, analyse le patron de l’aéroport corrézien. Les entreprises font des économies sur les déplacements en privilégiant la visio. À terme, cela aura ses limites, car les professionnels auront encore besoin d’aller à Paris sur la journée. Mais pour le moment cela impacte la fréquentation de l’aéroport. » À ce jour, l’aéroport de Brive chiffre ses pertes d’exploitation à 600 000 €. Sa trésorerie lui a permis de ne procéder à aucun licenciement.

Un avion AMELIA sur le tarmac de l’aéropot de Rodez. © Aéroport Rodez-Aveyronnais

« Les salons et les grandes manifestations ont été annulés et les correspondances avec Roissy et les vols internationaux sont en très nette baisse, ajoute quant à lui Pierre Mathonier, maire d’Aurillac et président de l’agglo, qui gère en partie l’aéroport cantalien. Cela a forcément un impact sur la fréquentation de la ligne. » Malgré tout, les professionnels font leur retour, comme les « pendulaires », ces passagers qui travaillent ou étudient à Paris et rentrent à Aurillac le week-end. Seules deux rotations par semaine plus une le dimanche sont actuellement assurées entre Aurillac et Orly, contre seize en temps normal. Un troisième aller-retour pourrait être mis en place prochainement. « Nous sommes en phase de remontée progressive vers un fonctionnement normal », assure l’élu cantalien.

Amelia

C’est la nouvelle marque commerciale du groupe Regourd Aviation : Amelia assure désormais pour son propre compte les liaisons Rodez, Clermont et Orly, en plus des vols qu’elle opérait déjà comme sous-traitant d’Air France depuis Castres, Tarbes, Aurillac et Brive. Fondée en 1976, la société évolue dans le négoce d’avions d’affaires et d’hélicoptères. Devenue opérateur d’avions d’affaires pour le secteur minier ou pétrolier et le transport d’équipes sportives au tournant des années 1990, elle s’agrandit à l’international avec la création de plusieurs compagnies en Afrique. C’est avec l’acquisition d’Amelia International (ex -Aero4M) en 2008 que le groupe commence à opérer pour Air France. Amelia possède une quinzaine d’avions. L’ATR de 72 places assurant la liaison Clermont-Orly est présenté par la compagnie comme « l’avion régional le plus écoresponsable […], avec une consommation 30 % de carburant inférieure à celle d’un avion de ligne à réaction classique ». Alain Regourd a par ailleurs annoncé vouloir créer un second site de maintenance dans la capitale auvergnate. Le groupe compte 300 salariés dont 80 pilotes et a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 48,2 millions d’euros.

Alain Regourd, né en 1947, est originaire de Rieupeyroux en Aveyron. Fondée en 1976, sa société a évolué près de quarante ans dans l’aviation d’affaires à la fois en France et sur le continent africain et se développe actuellement sur le marché des liaisons intérieures via la compagnie qu’elle opère en propre, Amelia.

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