L’État s’est engagé à diminuer, d’ici à 2030, de moitié le gaspillage alimentaire dans la restauration commerciale et a mis en place une législation en faveur de la réduction des déchets. La foodtech vient à la rescousse des professionnels pour participer à cette évolution majeure.
À raison de 132 g par personne et par repas, le gaspillage en restauration commerciale et collective est quatre fois plus élevé qu’à domicile, où 32 g sont jetés par personne et par repas, a révélé l’Ademe, dans son étude de mai 2016 sur les « pertes et gaspillages alimentaires ». Pour tenter de limiter l’impact de ce secteur sur le gaspillage alimentaire et la production de déchets, l’État a pris de nombreuses dispositions. Avec la loi du 2 octobre 2018 dite Egalim, le législateur prévoit par exemple la possibilité pour le client d’un restaurant d’emporter les aliments et boissons non consommés sur place, grâce à des contenants réutilisables ou recyclables fournis par le professionnel. Cette loi interdit également l’utilisation des touillettes et autres pailles en plastique. « On ne peut pas rester dans le jetable, abonde Benjamin Peri, cofondateur de Pyxo, entreprise spécialisée dans les emballages réutilisables. Le réutilisable est l’évidence, les emballages recyclables étant rarement recyclés et ceux compostables étant encore pire lorsqu’ils sont incinérés ».
La Pyxobox développée par Pyxo est 100 % biosourcée et résiste à 50 cycles de lavage.
Avec sa Pyxobox, son contenant 100 % bio-sourcé, composé exclusivement de matériaux naturels, Pyxo fournit sous la forme d’une location des acteurs de la foodtech spécialisés dans la livraison de plateaux-repas. Chaque contenant résiste « très largement à cinquante cycles de lavage, le nettoyage étant pris en charge par les plateformes ou sous-traité par Pyxo. En moyenne, au bout de quatre cycles, on bat les emballages jetables. Nos contenants sont plus intéressants pour l’environnement ». Pyxo a pour vocation d’élargir sa clientèle en continuant de suivre sa logique de collaboration. « Nous souhaitons conclure un partenariat avec nos concurrents qui ont des applications de gestion de consigne pour cibler la restauration classique », espère le dirigeant. Se pose néanmoins la question des points de collecte des contenants : « Peut-être qu’un jour les collectivités financeront des réseaux de collecteurs qui seront déployés dans les villes, un peu comme il y a pour les déchets aujourd’hui. »
Réduction de 50 % du gaspillage d’ici à 2030
Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, de 2013, et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire viennent par ailleurs compléter le dispositif mis en place pour la réduction des déchets. L’État s’engage ainsi à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici à 2025 pour le secteur de la restauration collective et d’ici à 2030 pour celui de la restauration commerciale. Des solutions existent pour limiter le gaspillage en amont de la consommation par les clients, comme l’outil de gestion digitale Easilys qui, notamment, « aide les restaurateurs à acheter les bonnes quantités », comme l’explique son P-DG, Emmanuel Grelaud. L’application permet en effet au professionnel de gérer les stocks et notamment leur rotation pour éviter qu’ils se retrouvent avec des denrées périmées.
Guestonline permet de gérer les réservations sur les différentes plateformes et remplace ainsi le cahier papier.
« Tout ce qu’on n’achète pas, on ne le retrouve pas dans la poubelle », lance t-il. Quant à Antoine Girard, fondateur de l’outil de réservation Guestonline et président de l’association Réservation responsable, il ne peut qu’acquiescer. Pour lui, la réservation demeure la solution la plus efficace pour éviter le gaspillage alimentaire. Avec Guestonline, son « logiciel qui remplace le cahier papier », Antoine Girard propose au restaurateur de gérer les réservations sur le site du restaurant et ses pages dédiées sur les réseaux sociaux, en plus de s’occuper des réservations téléphoniques. Une demande d’empreinte bancaire est paramétrable pour éviter les « no show ». En parallèle, le fondateur souhaite pousser les restaurateurs à sensibiliser leurs clients pour qu’ils ne passent plus par des intermédiaires pour réserver. « Plutôt que de reverser 2 € à LaFourchette, si le client réserve en direct, l’établissement reversera 1 € à l’association et avec la réduction d’impôt cela ne coûtera plus que 30 centimes au restaurant », précise-t-il. Réservation responsable finance ainsi des « projets d’éducation à travers l’alimentation pour créer un système vertueux ».
Dons aux associations ou reventes des paniers d’invendus
Easilys propose en bout de chaîne de « mesurer ce que l’on jette dans les poubelles, grâce à des poubelles communicantes ou des tables de tri » ainsi que d’utiliser gratuitement la plateforme « Pèse ton déchet » qui permet d’enregistrer le gaspillage et de comparer les chiffres. Le tout pour que le restaurateur puisse se représenter la quantité de déchets qu’il produit. Une dernière étape à laquelle s’intéresse également la start-up Phenix qui valorise les invendus par le don à des associations, la filière animale ou encore, depuis 2019, la revente de paniers-repas d’invendus à travers une application mobile à destination directe des consommateurs. « La visibilité que nous donnons aux produits qui sont donnés ou revendus est extrêmement importante et utile pour piloter les approvisionnements », avance Baptiste Corval, directeur général de Phenix.
Antoine Massenet, président de Quadrature Restauration, a conclu fin 2020 un partenariat avec Too good to go.
Antoine Massenet, président de Quadrature Restauration, spécialisée initialement dans la restauration scolaire, a adopté différentes techniques pour limiter le gaspillage. La dernière en date, un partenariat avec Too good to go pour proposer, à prix réduit, les paniers-repas invendus, en plus des dons aux associations. Aussi, « on travaille essentiellement en circuit court auprès de producteurs, on essaie de travailler sur l’emballage en amont. On effectue le tri (carton, plastique) en cuisine centrale et tout ce qui est traitement des déchets organiques. Les restaurants traditionnels peuvent le faire, nous aussi. Quand on est convaincu des bienfaits de cette démarche-là, il y a plein d’acteurs sur le marché qui sont prêts à nous accompagner », indique-t-il. Mais finalement, n’existe-t-il pas une solution simple contre le gaspillage ? L’Ademe rappelle que « l’un des enjeux de l’alimentation est le plaisir et quoi de mieux pour éviter le gaspillage que de faire apprécier la nourriture ».