Aurillac : la métamorphose de la nuit

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Les établissements de nuit se sont transformés à Aurillac. En dehors de l’Hélios, il n’y a plus d’endroit pour accueillir les clients jusqu’au petit jour, à 70 km à la ronde. Deux discothèques, le Zinzin et le Bateau Lavoir se sont récemment métamorphosés en bars de nuit afin de mieux contrôler les problèmes de sécurité.

Le 8 juin 2022, le Bateau Lavoir est remplacé par le Levrette Café.
Le 8 juin 2022, le Bateau Lavoir est remplacé par le Levrette Café.

Aurillac by night n’était pas une légende.« Quand je suis arrivé il y a une vingtaine d’années pour créer l’Hélios,raconte Alain Belguiral,il y avait sept boîtes de nuit dans la ville. »Aujourd’hui ce patron de la nuit est le dernier des Mohicans si on excepte le cas très particulier du Bon temps(voir encadré), l’Hélios est la dernière discothèque à près de 70 km à la ronde où l’on peut danser tard dans la nuit, sur une vraie piste. Même à Vic-sur-Cère, le déménagement du Casino a causé la disparition du vieux dancing, alors qu’à Aurillac, la crise sanitaire a finalement eu raison des deux derniers concurrents d’Alain Belguiral, le Bateau Lavoir et le Zinzin.

Ces deux établissements de la nuit aurillacoise avaient près de 40 ans d’ancienneté. Le Zinzin a remplacé le Christy, créé par Alain Gillion en 1974. C’est Gaëtan Milvaque qui a décidé de racheter l’adresse en 2015. Cet entrepreneur, âgé aujourd’hui de 45 ans, est originaire d’Aurillac et a commencé sa carrière un plateau à la main à Paris à l’âge de 18 ans. Il a rapidement acquis une réputation de spécialiste de la nuit en rachetant ou en prenant la gérance libre d’une dizaine de bars comme le Siempre, le Mimosa ou le Bar 3. C’est dans cette dernière adresse qu’il a connu le succès le plus patent en rassemblant régulièrement près de 200 clients dans un café de 32 places.

Beaucoup de problèmes de sécurité

Après une quinzaine d’années de succès, avec son épouse Odily, une étudiante mexicaine rencontrée à Paris, il a décidé de tout vendre pour s’installer à Playa del Carmen afin de couler une préretraite heureuse au Mexique. Peu avant de s’envoler vers le continent américain, il est passé à Aurillac et a appris la vente du Christy. Presque sur un coup de tête, il a décidé de racheter la discothèque et de la relancer sous l’enseigne Zinzin. Il a ensuite quitté la France en laissant l’établissement aux mains de gérants.

Installés à Playa del Carmen, Gaëtan et Odylie ont créé Chez Papa, une rôtisserie dans la station balnéaire mexicaine. Mais il y a quelques mois, le couple a dû rentrer à Aurillac pour se pencher sur le chevet du Zinzin, dont la trésorerie avait été mise à mal par la pandémie. En outre, le concept était trop exposé aux problèmes de sécurité. Gaëtan n’a pas perdu la main durant son exil et a vite redressé la barre.

Je pars du principe que les gens sont là pour se faire plaisir et consommer.
Alain Belguiral, Patron de l'Hélios

Il a rebaptisé l’établissement en Bobo (diminutif de « Bougnat Bohème »), fait disparaître la piste de danse et converti la discothèque en bar d’ambiance. Dans cette remise à plat, 160 000 € ont été investis. En fin de semaine, l’établissement ouvre jusqu’à minuit en restaurant, puis fonctionne en bar jusqu’à 4 ou 5 h du matin. Dans sa reprise en main, Gaëtan Milvaque insiste sur la sécurité et la nécessaire montée en gamme. Il accueille depuis le mois de février une clientèle plus âgée et qui dispose d’un meilleur pouvoir d’achat. Il n’exclut pas, quand l’établissement sera complètement relancé, de filtrer les entrées en distribuant des cartes de membres du club. À terme, Gaëtan et Odylie souhaiteraient même céder le Bobo afin de rentrer au Mexique où leurs affaires les attendent. Ils cherchent d’ailleurs un couple de gérants pour prendre en main leur rôtisserie mexicaine durant leur absence.

Un bar d’ambiance à la place du Bateau Lavoir

Depuis le 8 juin, le Levrette Café remplace le Bateau Lavoir. Johan Goffin, qui a travaillé à Paris et en Amérique du Sud, dirige l’établissement. Ce natif de La Réunion s’est associé à son beau-frère, à Sébastien Chabalier et à Alexandre Moreau pour établir cette franchise dans la préfecture du Cantal. Ce professionnel était en visite chez sa sœur qui tient le magasin V & B local lorsqu’il a appris la mise en vente du Bateau Lavoir.« Avec mes associés,explique-t-il,nous avons eu l’idée de prendre l’enseigne Levrette café qui est dans le giron de V & B. »La jeune marque de bars se développe en effet avec succès depuis quelques années. Elle propose des bières et des alcools originaux liés aux magasins de cavistes V & B.

Le nouvel établissement est un bar de nuit de 282 places assises, dont la moitié en terrasse. Il ferme à 23 h le mardi ; à 1 h les mercredi et jeudi et à 2 h les vendredi et samedi. Johan espère ainsi éviter les problèmes de sécurité. Il filtre aussi la clientèle afin de maintenir une mixité entre les juniors et les seniors et proscrit toute consommation extérieure. Le concept de bar avec service au comptoir permet de mieux exploiter la terrasse extérieure en profitant de l’emplacement privilégié sur les bords de la Jordanne. Dès l’ouverture, la fréquentation s’est révélée intense avec des pointes à 400 clients.« Depuis quelques semaines, cela s’est stabilisé à un niveau plus raisonnable, nous avons trouvé notre vitesse de croisière »,assure Johan Goffin.

L’Hélios, dernier bastion du monde de la nuit aurillacois

Finalement, seul l’Hélios tient bon en accueillant le public jusqu’à 5 h du matin sur sa piste de danse le vendredi et le samedi soir. Il faut dire que son patron Alain Belguiral tient fermement la barre et insiste sur la rigueur et le sérieux qui sont nécessaires dans ce métier« beaucoup plus difficile qu’on le pense ».

Le dirigeant de l’Hélios est une figure locale qui en impose. Le jour, cet ancien 3e ligne de 59 ans entraîne l’équipe espoir du club de rugby d’Aurillac qui vient de décrocher un titre de champion de France. Le colosse est présent à l’entrée de l’établissement et filtre lui-même les admissions.« Ce n’est pas une question de rapport de force, mais de dialogue, fait-il remarquer.Il faut exclure les personnes alcoolisées ou ayant un mauvais comportement. Nous ne faisons pas payer d’entrée. Je pars du principe que les gens sont là pour se faire plaisir et consommer. C’est pour cela que je veux des clients ayant un bon état d’esprit. »

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