Bars et bistrot : ces lieux célèbrent aussi la nuit

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Paris semble avoir retrouvé son visage de noctambule cette année. Plusieurs clubs et établissements de nuit ont ouvert leurs portes ces derniers mois, notamment avec le soutien de la Ville de Paris. Mais des profils d’enseignes traditionnels – cafés, bistrots et bars PMU – s’invitent eux aussi dans cette effervescence de la vie nocturne.

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Podium souhaite incarner la restauration festive. Crédit : Jérémy Denoyer.

L’année 2023 est la seule du début de la décennie à ne pas avoir été entachée par des mesures restrictives (gestes barrières, port du masque, passe sanitaire…) liées à la crise sanitaire. En effet, le coronavirus avait longuement mis à l’arrêt – un an et demi consécutif – l’activité des clubs, discothèques et bars de nuit. Considérés possiblement comme des clusters, de nombreux établissements ont ensuite payé d’un lourd tribut cet arrêt forcé, allant parfois jusqu’à la fermeture définitive. Mais depuis quelques mois, la nuit parisienne semble avoir retrouvé sa vivacité dans les boîtes… et dans des établissements plus traditionnels, comme les bistrots, les restaurants (voir encadré) ou encore les bars-PMU.

Ces lieux réunissent de plus en plus de noctambules et une nouvelle clientèle avide de s’encanailler à la tombée de la nuit. «Avant la Covid, nous avions 360 établissements qui avaient une autorisation de nuit à Paris. Après la Covid, en 2022, nous étions à 420 établissements, remarque Frédéric Hocquard, adjoint à la maire de Paris en charge du tourisme et de la vie nocturne. Ce nombre est en augmentation car la vie nocturne à Paris a sa propre dynamique.»

Hormis les périodes de fermetures imposées durant la crise sanitaire, «cette dynamique ne s’est jamais cassée, poursuit l’élu du 20e arrondissement. Parce qu’il y a un contexte socio-économique qui est propre à Paris, avec de nouveaux lieux.» En dialogue permanent avec la préfecture de Police, la mairie de Paris aide les professionnels du secteur à maintenir cette vie nocturne, qui «fait partie de l’ADN de la ville», estime Frédéric Hocquard. Pour cela, la municipalité a lancé depuis six ans un fonds de soutien afin de faciliter la réalisation de travaux d’insonorisation, destinés aux établissements recevant du public la nuit : salles de spectacle indépendantes, bistrots, comedy clubs…

Les bistrots de quartier et bars PMU

La nuit parisienne est effectivement protéiforme. Et elle ne cesse de se déplacer. «À part Pigalle, la vie nocturne change d’endroits. Avant les années 1980, Bastille était sinistre et réservé à la vente du vin et du charbon. Le nouveau front pionnier de la vie nocturne est tout ce qui se trouve dans la partie est de la ville, ou proche du périphérique.» C’est le constat dressé par l’adjoint à la maire en charge de la vie nocturne, évoquant l’émergence de lieux «plus authentiques» dédiés au clubbing, comme Fawa, Kilomètre25 (Paris19e) ou encore Virage (17e). Plus inattendu, certains établissements classiques du secteur CHR gagnent eux aussi en fréquentation durant la nuit. «On a obtenu une licence de nuit pour commencer cette activité, avec de la musique. Et les gens commencent à nous connaître, confie Rabah Becheur, propriétaire d’Au Café de Paris, dans le 11e arrondissement depuis 2019. Quand je suis arrivé, c’était un café à l’ancienne et sans programmation. On a fait quelques travaux pour être dans les normes, surtout dans la grande salle.»

ipmu et bar
Les soirées au PMU du collectif Bouledogue réunissent joyeusement « DJ set et Piliers de bar». Crédit : DR.

Installé tout en haut de la rue Oberkampf, à l’orée du quartier de Ménilmontant, Au Café de Paris est un lieu hybride qui gagne du terrain chez les adeptes des soirées hors domicile. Il y est possible de s’installer au comptoir pour boire un pastis ou un demi au milieu de la nuit, de s’asseoir dans la grande salle du fond pour découvrir – en début de soirée – une troupe de théâtre amateur, ou encore de se laisser envahir par la musique proposée au sous-sol. «Les prix sont bas et l’accès est gratuit. Ailleurs, tu ne trouves pas un bar de nuit comme ça : nous sommes ouverts tous les jours, sans fermeture. La fermeture pour nous, c’est la journée, note Rabah Becheur. Ici, c’est populaire, tout le monde y a accès, on retrouve toutes les générations et toutes les nationalités. Ça représente bien le quartier de Belleville Ménilmontant.»

Ce quartier, le patron d’Au Café de Paris le connaît bien. Employé du Zorba (Paris 10e) à partir de 2010, ce quadragénaire d’origine kabyle est ensuite devenu le gérant, en 2017, de ce petit café-PMU emblématique du bas Belleville, où son père fut un temps lui aussi serveur. «J’ai une association qui gère avec moi le Zorba. J’ai pris l’équipe qui y travaille pour faire aussi la programmation ici. Et on a commencé les concerts et les spectacles dès qu’on a eu l’accord de la préfecture. Nous, on adore la nuit. Je ne fais que ça», explique Rabah Becheur. Et cette passion pour la vie nocturne est désormais pleinement comblée par le cadre, plus extensible, offert par le Café de Paris. Des spectacles, des one-manshow, des improvisations, des projections sont programmés chaque semaine… sans oublier la jam kabyle le dimanche.

Le travail collectif

«Il y a une augmentation du nombre de collectifs. Les gens cherchent des lieux différents pour faire la fête, et avec les réseaux sociaux le repérage des nouveaux spots est plus simple», remarque Frédéric Hocquard. Depuis la rentrée, le collectif Bouledogue – à l’initiative de différents événements comme des visites de Paris en touk-touk ou des pyjamas parties – s’est lancé dans l’organisation des soirées « Vendredi teuf au PMU ». Et les maîtres-mots de ces soirées sont très clairs : DJ set et piliers de bar. «Je trouve qu’il y a un truc intéressant dans un bar-PMU, un état d’esprit qui rassemble beaucoup de monde. J’ai souhaité garder le côté populaire de ce type de bar, en le rendant plus séduisant avec de la house, pour l’aspect dansant», explique Valentin Malguy, fondateur de Bouledogue. Cet homme de 29 ans dit avoir appelé «tous les PMU de Paris cet été» pour mettre en place ces soirées, qui réunissent pour l’instant environ 130 personnes. Toutes les deux semaines, depuis le 22 septembre, les «Vendredi teuf au PMU» se tiennent au Lutétia (Paris 10e ) ou au Royal Cochin (Paris 14e ).

Ces soirées bon enfant sont gratuites d’accès et le prix des consommations est loin des tarifs pratiqués en clubs. «La pinte est à 5€, le cocktail à 6,50€, le verre de vin à 4,50€, et on garde des jeux de cartes à disposition, précise Valentin Malguy. L’idée de fond est de garder ce côté mélange du PMU, où il y a tous les âges et tous les styles.» La communauté Bouledogue organise ces événements bénévolement avec le soutien de huit personnes, tout en affichant un humour décalé. Des courses de chevaux à l’envers ou des flash infos amusants s’affichent sur les écrans des bars-PMU partenaires. Des anniversaires et quelques soirées d’intégration ont déjà eu lieu lors des premiers « Vendredi teuf au PMU », dont la moyenne d’âge est encore assez jeune (20-34 ans). Mais le fondateur du collectif Bouledogue souhaite que ces soirées deviennent «un rendez-vous hebdomadaire». Il pourrait alors réunir un public plus intergénérationnel.