Le restaurant durable d’Ai Loan Dupuis

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Dans son restaurant, la cheffe Ai Loan Dupuis veut avant tout marquer son engagement pour l’environnement. Installé en plein cœur de Paris, l’établissement est un modèle en matière de démarche durable et un temple de l’alimentation responsable.

Avec Sezono, la cheffe Ai Loan Dupuis souhaite s'engager en faveur de l'alimentation durable
Avec Sezono, la cheffe Ai Loan Dupuis souhaite s'engager en faveur de l'alimentation durable. Crédits : Alice Mariette.

Avec Sezono – « saison » en espéranto, la langue internationale -, la cheffe Ai Loan Dupuis et son conjoint Hakim El Bour, responsable de salle, souhaitent s’engager en faveur de l’alimentation durable. « Le restaurant est un véhicule pour sensibiliser à la cuisine responsable », lance-t-elle d’emblée. Dotée d’un diplôme d’école de commerce et d’une expérience de six ans en tant que consultante en stratégie dans des entreprises multinationales, Ai Loan Dupuis a décidé de changer de métier.

Pour s’adonner à ses deux passions, la cuisine et la nature, elle ouvre son restaurant Sezono en 2020, à Goncourt (Paris, 10 e ), en affichant le slogan « Durablement gourmand ». Afin d’être en phase avec ses valeurs, elle cherche dès l’ouverture à réduire l’impact carbone de son établissement et entame la démarche la plus vertueuse possible, à tous les niveaux.

Végétal et de saison

Tout d’abord, elle choisit de se tourner vers une cuisine végétarienne. « L’empreinte carbone de la viande est très élevée, donc j’ai décidé de m’engager dans une cuisine légumière, gourmande et réconfortante, la cuisine végétale est source de créativité », assure-t-elle.

Pour « rassurer » ceux qui mangent habituellement des protéines animales, le couple a trouvé une stratégie : utiliser les codes et les noms connus de la cuisine traditionnelle. Parmi ses plats signatures, un kebab aux pleurotes qui fait le succès de l’établissement. « Un jour, je cuisinais des pleurotes au four et lorsque Hakim a goûté, il a immédiatement pensé à la texture de la viande du kebab, nous avons donc eu l’idée de l’appeler comme ça », raconte-t-elle.

Le plat peut même être au menu toute l’année puisque le pleurote, cultivé en sous-sol, est produit pendant les quatre saisons. À la carte également, des rillettes de champignons ou encore du pâté en croûte préparé avec des légumes de saison. « Notre clientèle n’est pas exclusivement végétarienne, au contraire, je pense que 60 % mangent des protéines animales, ajoute-t-elle.

C’était l’idée, satisfaire tout le monde en enlevant cette image de privation qui peut être attachée à la cuisine végétale. » La clé de son engagement tient également au respect de la saisonnalité et au sourcing minutieux des produits, tous issus du terroir francilien. La cheffe cherche à travailler en circuit court et s’approvisionne par exemple à La Laiterie de Paris (18e arrondissement), ainsi qu’auprès de la ferme urbaine bio souterraine La Caverne pour les champignons et les endives, chez Sain Boulangerie, qui fabrique artisanalement du pain biologique à partir de blés anciens, et de La Coopérative bio d’Île-de-France.

Se réinventer en permanence

« Nous ne pouvons pas avoir de carte fixe et on se réinvente tout le temps » , justifie la cheffe. Seuls quelques ingrédients sortent du périmètre francilien, à l’instar de l’huile d’olive, du citron confit et de certaines épices. Côté boissons, Hakim El Bour se charge de proposer une carte « engagée ». « Je privilégie les vins nature, bio ou en biodynamie, des cépages anciens, je sers aussi des cocktails de saison, pensés à partir des fruits et légumes frais », explique-t-il.

ila cheffe Ai Loan Dupuis et son conjoint Hakim El Bour, responsable de salle.
la cheffe Ai Loan Dupuis et son conjoint Hakim El Bour, responsable de salle. Crédits : Alice Mariette.

Pour compléter la démarche, l’avant du restaurant abrite un petit marché, où les clients peuvent acheter des fruits et légumes frais et une sélection de produits secs en vrac (pois chiches, lentilles vertes, quinoa, haricots blancs, etc.), tous d’origine biologique et locale. En plus de jouer le rôle de garde-manger des cuisines, cette partie épicerie permet aux restaurateurs de montrer les produits bruts aux clients. « Nous piochons dedans pour nos recettes, il n’y a pas de gaspillage » , souligne Hakim El Bour, assurant en outre que les prix pratiqués sont équivalents à ceux des autres magasins bio du quartier. Si cette épicerie ne représente que 5 % de leur activité, elle fait partie intégrante de leur démarche : « Nous aimons l’idée de pousser les clients à cuisiner maison, de se reconnecter aux produits frais. »

Pendant la période de fermeture, ils proposaient même des kits de cuisine, avec tous les ingrédients nécessaires à l’élaboration d’une de leur recette.

Zéro déchet

La cheffe milite également pour le zéro déchet, en se faisant livrer un maximum en vrac, mais aussi en adoptant un système de consigne pour les repas à emporter. Le click & collect a d’ailleurs rapidement été mis en place au sein de l’établissement, qui a dû fermer ses portes seulement trois mois après son ouverture en juillet 2020, à cause des restrictions sanitaires. « Nous avons tout de suite fait un choix fort, celui de ne proposer la VAE que dans des boîtes consignées », explique-t-elle. Le couple a acheté un stock de quelque 500 boîtes en verre, et les propose consignées à 2 € ou 3 € selon la taille.

Le client peut revenir avec son contenant et être resservi dedans ou décider de la rendre en échange de la consigne. « Certains ne les ramènent pas, ce n’est pas grave, nous ne sommes pas perdants sur le prix », assure Hakim El Bour, qui estime qu’environ 50 % de la clientèle revient avec pour être resservie. Ils pensent que la consigne n’est pas un frein à la VAE, au contraire.

« Cela nous permet de fidéliser notre clientèle et de marquer notre engagement pour la réduction du plastique »

En cuisine, la cheffe minimise également la présence de plastique jetable. Elle ne fait aucune cuisson sous vide, limite le recours aux essuie-tout et utilise des bacs en inox avec des couvercles, afin d’éviter le film alimentaire. Le gaspillage est également réduit au minimum et des paniers d’invendus sont présentés en fin de semaine via l’application Too Good To Go. « Mon engagement est global », déclare-t-elle. Pour le couple, si cette démarche vertueuse demande beaucoup de travail, elle apparaît comme naturelle et logique, voire « indispensable ».

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