Nicolas Decatoire : le bonheur est derrière le zinc

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Nicolas Decatoire, 47 ans, est présent depuis près d’un quart de siècle derrière le comptoir du Gavroche, d’abord comme serveur, puis comme gérant, et enfin comme propriétaire. Il a trouvé le bonheur dans cet établissement où il reçoit en toute convivialité les clients comme il le ferait à la maison.

Nicolas Decatoire, propriétaire du Gavroche (Paris).
Nicolas Decatoire, propriétaire du Gavroche (Paris). Crédits : Jean-Michel Déhais / Au Coeur du CHR.

Nicolas Decatoire l’avoue sans détour : « Je fais ce métier parce que j’aime le vin et puis j’adore recevoir les gens, m’assurer qu’ils repartent heureux. » Dans ce temple de Bacchus, les sodas ne sont pas les bienvenus. Une affiche derrière le bar informe la clientèle que, « de 12 h à 15 h et de 19h à minuit, le Coca-Cola est à 15 € ». Dans ces conditions, mieux vaut se consoler avec un verre de beaujolais ou de côtes-du-rhône généreusement servi par le patron à des prix beaucoup plus accessibles. Nicolas Decatoire a d’ailleurs un slogan tout prêt : « Chez Haribo on mange des bonbons, Au Gavroche, on boit du vin. »

Durant ses rares congés, ce patron de bistrot arpente le vignoble. Cet été, il a exploré les côtes catalanes, enrichissant sa carte des vins pourtant déjà fournie, de deux références, le domaine Gauby et le domaine des Roches neuves. À ses débuts, il s’est aussi fait connaître en allant sélectionner dans les vignes des assemblages de beaujolais qu’il embouteille ensuite dans sa cave. Il confesse cependant qu’il
préfère aujourd’hui les crus des côtes-du-rhône septentrionales. Pas moins de sept côte-rôtie figurent sur l’ardoise : « J’aime le côté féminin de la syrah », détaille-t-il.

Le bistrot, une cure de jouvence

Le penchant revendiqué de ce patron de bistrot pour le nectar de Dionysos n’affecte en rien sa silhouette. Après 28 ans de métier, dont 23 passés derrière le comptoir du Gavroche, il a su garder une ligne irréprochable et l’œil vif. À l’aise dans son époque, il n’hésite pas à investir pour assurer la présence du Gavroche dans les réseaux sociaux. Ce titi parisien sait manier l’humour, sans toutefois se départir d’une grande humanité. C’est pour lui la qualité principale que requiert ce métier. Il confesse à ce propos : « Je n’ai jamais eu l’impression de travailler. En fait, je prends du plaisir. » Il est pourtant présent plus souvent qu’à son tour dans l’établissement ouvert 6 j/7 et durant deux services quotidiens. Au total, neuf personnes qui se répartissent en deux équipes sont nécessaires pour faire fonctionner les deux salles qui offrent un total de 50 places.

« C'était affreux […], tous les jours je venais travailler dans un établissement vide… »

Nicolas Decatoire reconnaît que les fermetures contraintes ont perturbé son quotidien, à commencer par la première, le 14 mars 2020 : « C’était affreux. Habitué à travailler 15h/jour, je me retrouvais sans rien à faire, sans clients. Tous les jours je venais travailler dans un établissement vide… » Il a ainsi vécu la crise sanitaire comme un tunnel difficile à traverser avec un véritable redémarrage à la fin du printemps dernier.

Le matin, les balayeurs du quartier et les agents de la Bourse se retrouvent au coude à coude à boire un café

« Je n’ai jamais eu de problème de personnel, pourtant certains de mes anciens employés ont jeté l’éponge, indique-t-il. Heureusement aujourd’hui j’ai reconstitué une équipe solide ». Une bonne partie des employés présente une ancienneté appréciable dans la maison, à l’instar du chef Bruno Santerre, présent derrière les fourneaux depuis dix ans pour préparer la spécialité de la maison, le pavé sauce poivre. Le Gavroche est ouvert dès 8 h du matin. Nicolas tient par-dessus tout à ce que son restaurant garde son aspect populaire et chaleureux : « Le matin, les balayeurs du quartier et les agents de la Bourse se retrouvent au coude à coude à boire un café. »

Le patron tient aussi à ce que le restaurant reste accessible. Aujourd’hui encore, les formules entrée + plat ou plat + dessert n’excèdent pas 25 €. « Naturellement, si on souhaite une grande bouteille, l’addition peut monter », concède Nicolas. Ce vieux bistrot a commencé à connaître une belle réputation au début des années 1990, lors de l’arrivée de Paul Georgé, après son expropriation du Duc de Richelieu.

Il a revendu à Stéphane Derre auquel Nicolas Decatoire a lui-même racheté l’établissement en 2005. Fils d’antiquaire, l’actuel patron du Gavroche a connu le monde de la restauration en étant plongeur. « Je rêvais de voyager et j’ai trouvé ce moyen pour gagner un peu d’argent. Mais finalement, je ne suis jamais parti, mais je ne regrette rien. »

Il a 19 ans lorsque son père, client de chez Serge à Saint-Ouen, le fait embaucher dans l’équipe de ce bistrot de légende. En 1999, quatre ans plus tard, il débarque au Gavroche, rue Saint-Marc, comme serveur. En 2003, Stéphane Derre lui propose la gérance avant de lui revendre le fonds de commerce. Depuis lors, Nicolas Decatoire n’a jamais voulu quitter ce qu’il considère comme sa maison. Il y a trouvé un équilibre et une joie de vivre. Il n’a même jamais songé à ouvrir une seconde adresse. Le Gavroche fait son bonheur. Il y a obtenu en 2010 la Bouteille d’or, et durant 18 ans il a formé quelques-uns des jeunes
loups actuels du bistrot parisien comme Pierre Parola (Bizetro), Théo Moles (Moulin à Vent), Jean-Philippe Bru (Le Rubis). Apparemment, la transmission du métier fonctionne dans les zincs parisiens.

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