Le bout du monde

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Chaque année, entre 600 000 et 700 000 visiteurs se pressent aux confins du Finistère pour atteindre le point le plus reculé de France avant l’océan Atlantique : la pointe du Raz. Cette destination représente l’un des atouts touristiques majeurs du département et sa gestion a été confiée à un syndicat mixte. Labélisée Grand site de France, la zone conjugue accueil du public et protection de la faune et de la flore.

La pointe du Raz est l’un des symboles du développement du tourisme balnéaire à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cet éperon rocheux, popularisé par des auteurs comme Flaubert ou Maupassant, s’élance dans une mer agitée et tranche avec d’autres sites marins moins isolés, présentant des reliefs plus lisses et un intérêt touristique moindre. C’est en face de cette zone escarpée, balayée par d’intenses courants, que de nombreux marins ont perdu la vie : c’est le Raz de Sein, un passage maritime situé entre l’Ile de Sein et la pointe du Raz. « On y trouve les plus forts courants naturels d’Europe, atteignant parfois les dix nœuds. Outre le panorama, c’est cet aspect sauvage qui confère à la pointe du Raz tout son intérêt », résume Matthieu Colin, responsable communication du Syndicat mixte de la pointe du Raz. Sur les quelques sentiers qui permettent de découvrir le site (une zone où chemine d’ailleurs le GR34), on aperçoit ce fameux courant qui avait emporté le frêle esquif sur lequel se trouvait Edouard Michelin en 2006. Ce drame en cache des centaines d’autres. Innombrables sont les marins qui, au fil des siècles, ont été emportés par le fond aux abords de la pointe du Raz. Une vierge, Notre-Dame des Naufragés, sculptée par Cyprian Godebski, qui a rejoint la pointe du Raz en 1904, leur rend hommage.

Matthieu Colin, responsable communication du site de la pointe du Raz.

Matthieu Colin, responsable communication du site de la pointe du Raz.

Tourisme de masse

Si le label Grand site de France garantit aujourd’hui au « bout du monde » sa protection et sa préservation, la pointe du Raz a autrefois été malmenée par des années de tourisme de masse. « Dans les années 1960, il y avait une quinzaine de commerces et deux hôtels-restaurants. Mais les premiers hôtels de la pointe du Raz sont apparus à la fin du XIX sites les plus visités en France. C’était l’essor du tourisme balnéaire. Ces établissements appartenaient à des hôteliers d’Audierne. Il y a eu jusqu’à cinq hôtels avant la Première Guerre mondiale », explique Matthieu Colin. Durant le second conflit mondial, la pointe du Raz était un site hautement stratégique pour les Allemands. En arpentant le site, on devine les vestiges de l’Occupation. Un radar de 30 m par 15 m, capable de détecter les avions alliés décollant de la Cornouaille anglaise (soit une portée d’au moins 80 km), auquel s’ajoutent deux radars à la portée de 30 km, avaient été érigés. Les Allemands étaient ainsi capables de ratisser une zone s’étalant de Brest à Lorient. Il ne subsiste aujourd’hui que l’ancienne cuve de protection du radar géant. Cette dernière a été réhabilitée en belvédère. Les visiteurs y trouvent un premier panorama offrant une vue imprenable sur le sud de la baie d’Audierne. Dans leur fuite, les Allemands ont embrasé toutes les bâtisses qui se trouvaient à la pointe du Raz.

Le site abrite notamment un sémaphore.

Le site abrite notamment un sémaphore.

Peu à peu, les touristes ont opéré leur retour. « Des artisans se sont installés et les hôtels se sont reconstruits. Durant les T rente Glorieuses, les pouvoirs publics ont décidé de tout déplacer dans un espace d’accueil à 800 m du site. Le projet de l’époque était dimensionné par rapport au volume habituel de visiteurs du site, soit 300 000 personnes chaque année. Dans les années 1990, la pointe du Raz a accueilli jusqu’à un million de touristes tous les ans. Logiquement, les infrastructures n’étaient plus adaptées. La foule a piétiné les espaces et nous estimons avoir perdu dix hectares de landes. Le label Grand site nous a permis de restructurer l’espace, d’améliorer l’accueil et de végétaliser à nouveau un site qui avait été très éprouvé. Nous proposons aussi un musée », détaille le responsable de la communication.

Vers une extension

Un dossier pour l’extension du site a été déposé il y a deux ans. Labellisée de 2004 à 2010 puis de 2012 à 2018, la pointe du Raz pourrait voir sa zone de protection considérablement accrue. « Le principe, c’est d’avoir un site classé qui accueille beaucoup de visiteurs et sur lequel on arrive à maintenir une intégrité paysagère. C’est la conciliation entre visites et préservation, mais nous ne sommes pas pour autant sous », précise Matthieu Colin. Il revient maintenant au ministre de l’Écologie d’avaliser le projet. Mais la zone correspondant au label Grand site de la pointe du Raz devrait être prochainement étendue, évoluant de 2 000 à près de 9 000 hectares, répartis sur cinq communes : Beuzec-Cap-Sizun, Goulien, Cléden-Cap-Sizun, Plogoff et Primelin.

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