Saint-Malo s’impatiente

Une large proportion d’établissements aux rideaux clos, des ruelles parfois désertes et un front de mer peu fréquenté : notre visite à Saint-Malo date du mois de juin et force est de constater que la ville était peu animée. Si les visiteurs doivent se faire plus nombreux aujourd’hui, les patrons de cafés, d’hôtels et de restaurants du Pays malouin n’ont pas l’âme tranquille. Ils s’impatientent même, pour la plupart, et désespèrent de retrouver la clientèle étrangère et notamment anglaise. « La situation est particulière, mais on ne peut pas faire de généralité. On voit que les campings ne peinent pas à se remplir, mais on voit que les restaurateurs ne parviennent pas tous à faire le plein, la fréquentation étant en berne pour le mois de juin avec l’absence des groupes et des touristes étrangers », déplore Rozenn Enel-Réhel, cheffe de pôle communication et promotion pour la SPL Destination Saint-Malo baie du Mont-Saint-Michel. Elle estime qu’il faudra attendre les mois de juillet et août avant de connaître des pics d’activité. Elie, assistant de direction à l’Ibis Style de Saint-Malo intra-muros, décrit lui aussi une situation très contrastée. « La fréquentation repart, mais nous rencontrons tout de même des difficultés, livre-t-il. Traditionnellement à Saint-Malo, nous accueillons une importante proportion de clients étrangers qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Le mois de juin est pour nous un mois très important, notamment pour la clientèle de groupes. Les voyages de groupes ont été annulés et reportés à une date que nous ne connaissons pas. Le taux d’occupation ne devrait pas dépasser les 40 % en juin. La clientèle française ne sera pas suffisante pour sauver la saison. » De son côté, l’un des gérants du bar Le Galion, situé dans Saint-Malo intra-muros, attend de pied ferme le retour des touristes. 

De nombreux établissements de Saint-Malo intra-muros n’avaient, au mois de juin, pas rouvert leurs portes. Ⓒ Mickaël Rolland – ACDV

« Je ne me plains pas, car je peux compter sur la clientèle locale, mais le retour des Anglais serait un plus », sourit-il. Même son de cloche chez le responsable du Nariley Tan’s Bar, fortement dépendant de la clientèle étrangère : « La reprise se fait attendre et je compte beaucoup sur la réouverture des frontières, car les Anglais constituent jusqu’à 50 % de ma clientèle. J’ai rouvert dès le 2 juin, avec une petite fréquentation au début, mais qui s’est tassée rapidement. L’appel d’air ne sera pas compensé par les touristes français. À cela s’ajoute un climat anxiogène : les véhicules de certains Parisiens qui ont bravé le confinement ont parfois été vandalisés. Cela ne risque pas de mettre en confiance cette clientèle. » Pour faire face, le propriétaire d’un petit hôtel trois étoiles de la ville a, quant à lui, revu à la baisse ses tarifs. « Beaucoup de Français ont posé des congés durant le confinement ou certains ont vu leur pouvoir d’achat s’amenuiser, assure-t-il. Cela va logiquement impacter la saison touristique. Nous avons donc adapté nos tarifications avec des prix moyens que nous appliquons d’habitude au mois de février et mars, afin d’optimiser le taux de remplissage durant l’été. À l’échelle de la ville, certains établissements s’en sortent mieux, mais tout le monde accuse un déficit de fréquentation », explique-t-il. 

D’importants atouts  

Le territoire ne manque pourtant pas de richesses et est animé par un tourisme balnéaire qui prend corps dans les villes de Cancale, Dinard et Saint-Malo notamment. « Le tourisme vert est également représenté par l’arrière-pays malouin qui comporte notamment de nombreux chemins de randonnée », ajoute Rozenn Enel-Réhel. Cette zone touristique, située à 3 heures seulement de Paris est très bien desservie par le rail ; ce qui lui attire logiquement une importante clientèle francilienne. Le Pays de Saint-Malo compte environ 110 établissements hôteliers pour plus 7 350 lits, la catégorie trois étoiles est la plus représentée avec une soixantaine d’hôtels, mais l’on trouve également de l’hôtellerie de luxe portée par trois établissements emblématiques classés en cinq étoiles : Le Castelbrac et Le Grand Hôtel à Dinard, ainsi que l’hôtel des Thermes à Saint-Malo. En 2018, Saint-Malo et son agglomération ont agrégé plus de 1 100 000 nuitées touristiques, soit près de 40 % des nuitées hôtelières à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine. Le nombre de nuitées réalisées dans le département dépasse en effet les 2 998 000, en progression de 2 %. Cette dernière était exclusivement due à la forte hausse du nombre de nuitées étrangères : + 12,3 %. En revanche, les nuitées françaises avaient diminué, affichant une perte de près de 13 000.
Avec la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, il y a fort à parier que ces chiffres fléchissent significativement. « L’activité hôtelière liée au tourisme balnéaire est très forte sur la zone de Saint-Malo, mais on trouve également des chambres d’hôtes et des gîtes sur le secteur du rétro littoral. L’offre est variée et complète », conclut Rozenn Enel-Réhel. 

Saint-Malo mise sur le tourisme balnéaire. Ⓒ Mickaël Rolland – ACDV