Revol, l’histoire d’un artisan industriel

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Neuf générations se sont succédé à la tête de la manufacture de porcelaine.

Le mariage de raison entre la fille d’une famille drômoise travaillant la céramique, Magdeleine Carrier, et un maître faïencier lyonnais, Pierre Revol, donna naissance en 1768 à l’entreprise Revol. « L’anecdote veut que Pierre Revol se baladant dans la région découvre des coulées blanchâtres et, en tant que spécialiste de la céramique, reconnaisse des gisements de kaolin, la matière première pour faire de la porcelaine.

C’est ici que débuta l’histoire de Revol », raconte Paul-Ambroise Saunier, directeur marketing. Au démarrage, ce sont des pièces de faïence qui sortent des ateliers puis, au fil des ans et des successeurs, la production monte en gamme. La manufacture, initialement implantée dans le village voisin de Saint-Barthélemy-de-Vals, déménage dans la commune de Saint-Uze au début du XIXe siècle. L’usine est accolée à la propriété familiale et n’a plus bougé depuis.

Rapidement, l’entreprise met son savoir au service des autres et, dès 1936, fabrique pour Ricard son fameux pichet. La manufacture grossit, traverse les époques, résiste quand ses clients répondent au chant des sirènes chinoises, apporte technicité et qualité pour les faire revenir… Précurseur, Revol emprunte à la plasturgie la technique du coulage sous pression qu’il adapte à sa porcelaine culinaire. C’est en ça que l’entreprise se distingue aujourd’hui, en mêlant artisanat et industrie. Contrairement à bon nombre de confrères en Europe, elle achète ses matières premières et confectionne elle-même sa vingtaine de pâtes en mélangeant du feldspath (25 %), de la silice (25 %) et du kaolin (50 %). De la même façon, elle élabore ses moules, à base de plâtre principalement, ou de résine (qu’elle fabrique aussi).

« Toute la fabrication débute avec de la matière grise » s’amuse Paul-Ambroise Saunier. Revol a ainsi imaginé ses gobelets froissés, devenus iconiques, mis au point sa pâte noire ressemblant à de l’ardoise (collection Basalt) ou sa céramique technique (Revolution) permettant de cuire sur l’induction. Outre le designer maison, le Revol Lab, un docteur en céramique, le P-DG qui est également directeur artistique, l’entreprise collabore régulièrement avec des designers pour répondre aux attentes du marché et même aller un peu plus loin. « Nous ne sommes pas à Limoges, reprend le directeur marketing.

Tel un chef qui ne serait pas passé par des cuisines deux ou trois étoiles, nous nous sentons plus libres. Nous nous autorisons à créer des collections divergentes. » Dernière en date, la cocréation de la collection Caractère avec Noé Duchaufour-Lawrance, qui s’annonce déjà comme un best-seller.

DATES CLÉS

1768 : le contrat de mariage entre Magdeleine Carrier et Pierre Revol est signé

1800 :travail du grès

1870 : porcelaine à feu, lancement des Bleus de Saint-Uze 1936 :premier pichet Ricard

1955 :lampe Berger

1980 :porcelaine culinaire

2000 :lancement de la collection Froissés

2007 :Olivier Passot prend les rênes de l’entreprise

2018 :Revol exporte 77 % de sa production dans 84 pays

1- Revol se distingue de ses concurrents céramistes en fabriquant ses moules. Leur conception débute par l’usinage de la mère de la moule soit en s’appuyant sur la PAO, soit en la gravant à la main. « On doit penser aux déformations que la pièce peut subir, choisir le matériau du moule, intégrer toutes les contraintes industrielles… », explique Georges.

2- Parmi les différentes techniques pour fabriquer une pièce, on retrouve le calibrage, le coulage sous pression et le coulage traditionnel. Ce dernier est réalisé par un potier. La barbotine (pâte liquide) est coulée dans le moule. « On tourne pour éviter la déformation et, une fois que la pièce reprend c’est-à-dire fait son épaisseur, on vide le moule », commente Bébert, potier.

3- L’épaisseur de la peau de la pièce sera déterminée par le temps laissé à la pâte pour sécher : 5 mm en 15 minutes pour la barbotine de pâte noire qui sert à réaliser le podium de la collection Caractère.

4- Sortie du moule, la pièce est brute, encore plastique. « On l’émaille pour lui donner son côté vitrifié et brillant. Puis le filet au-dessus va être brossé pour faire apparaître comme un trait de fusain déposé sur du papier Canson, créant une irrégularité », raconte Paul-Ambroise Saunier, directeur marketing.

5- La couture (jonction du moule) est lissée pour gommer toutes les aspérités.

6- Il existe deux techniques d’émillage : par pulvérisation (photo) ou par immersion.

7- « Le souhait du designer Noé Duchaufour-Lawrance en créant la collection Caractère était, en désémaillant cette ligne, de faire ressurgir la pâte noire pour la sublimer. Ce trait crée un mouvement et, quand on dépose les assiettes sur la table, cela donne l’impression qu’elles sont toutes différentes », précise Paul-Ambroise Saunier.

8- L’usine compte deux fours de 80 m de longueur dans lesquels les pièces crues sont mises à cuire pendant 8 h, en montant progressivement en température jusqu’à 1 320°.

9- Depuis sept ans, « les deux Claude » ont entrepris une phase de préinventaire en vue un jour de pouvoir ouvrir un musée. Les collections sont rassemblées en fonds : amphore, cendriers publicitaires, flaconnage pour les lampes Berger, etc. « On sauve tout ce qui peut être sauvé, on a ratissé l’usine. »

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