La maison Courtepaille se relance

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Alexandre Baudaire, directeur général du groupe La Boucherie, vient de présenter, six mois après la reprise de l’enseigne Courtepaille, la nouvelle carte. Il met également la dernière main au décor de cette maison qu’il entend relancer. Pour lui, le redémarrage de la plus ancienne chaîne française commence avant tout par un retour aux fondamentaux.

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La maison Courtepaille se relance. Crédit : DR.

ADP : Près de six mois après la reprise de Courtepaille, où en êtes-vous dans la relance de l’enseigne ? 

Alexandre Baudaire : Nous venons de sortir la nouvelle carte, premier élément sur lequel on agit concrètement et où le client peut toucher du doigt notre évolution. L’outil était cassé et c’est pourquoi nous l’avons repris à bas prix, 300 000 €. Il y avait d’ailleurs peu de candidats à la reprise. Nous avons tout remis à plat et le travail commence à payer. On s’attaque désormais au décorum, toujours avec l’idée d’un restaurant avec une cheminée centrale. C’est le cœur de cuisson qui anime le restaurant et qui permet de tout axer autour de la grillade, avec finalement peu de travail en cuisine. Nous voulons être aussi efficaces et rapides dans le service, tout en offrant la possibilité à certains clients de se faire plaisir en prenant du temps.

ADP : Lors de la présentation de votre nouvelle carte, vous avez évoqué une hausse de la qualité des produits et une baisse du ticket moyen. Ces deux aspirations sontelles compatibles ? 

A. B. : Nous ne baissons pas les tarifs, mais nous avons étiré la gamme de prix. Nous avons des produits très abordables avec des tarifs agressifs, comme la Court’pause à 12,50 € et d’autres plus chers, comme l’assiette du grillardin à 28,90 €. Notre ticket moyen devrait cependant baisser. Cela dit, nous achetons les produits à un bien meilleur niveau de prix que nos prédécesseurs. Je ne connais pas leurs motivations, mais il y avait une incohérence entre les prix négociés par la centrale d’achat, les prix de vente dans le restaurant et le contenu dans l’assiette.

À titre d’exemple, j’observe qu’avant la reprise, les Courtepaille achetaient leurs frites à la centrale d’achat à des prix 80 % plus élevés que ceux payés par les franchisés de La Boucherie. À ce rythme, les clients finissent par ne plus pousser la porte de l’enseigne. Les basiques restent incontournables. Nous ne réinventons pas nos métiers. La mécanique du menu a également changé. Elle est conçue à destina tion de clients qui veulent maîtriser leur budget. Le menu complet qui était à 28,90 € est passé à 24,90 €. La composition de la carte a évolué, avec à la fois de la tradition et des innovations comme le tomahawk [faux-filet de bœuf sur os, NDLR] à partager.

 ADP : Comment avez-vous choisi les restaurants susceptibles de poursuivre l’aventure Courtepaille ? 

A. B. : Nous avons conservé pratiquement tous les franchisés [68], mais nous n’avons repris que 10 succursales : les plus rentables sur les 140 existantes. Ces structures étaient handicapées par des loyers faramineux. À titre de comparaison, le loyer moyen d’un restaurant La Boucherie était deux fois moins élevé que celui d’un Courtepaille. Dans un passé plus lointain, les exploitants de l’enseigne avaient revendu le foncier des succursales à un prix élevé en assumant en retour des loyers importants.

ADP : Vous avez plusieurs enseignes en main. Comment jouez-vous avec ces différentes cartes sur le marché ? 

A. B. : Nous avons des équipes opérationnelles pour chaque enseigne. Elles gardent leur libre arbitre pour défendre leurs couleurs avec des positionnements différents. À La Boucherie, par exemple, l’offre repose à 90 % sur la viande de bœuf. Chez Courtepaille, on propose une diversité de viandes plus large, avec un ticket moyen un peu moins élevé. Nous avons aussi des jeunes enseignes en développement : Constant, un pub à la française qui compte deux établissements avec une autre ouverture programmée, le Kiosque du boucher, un concept de restauration rapide, avec deux unités et deux ouvertures prochaines, et Mister Döner dont le troisième a ouvert il y a un mois.

ADP : Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre Courtepaille ? 

A. B. : Sa notoriété est fabuleuse. Tout le monde est déjà allé dans un Courtepaille, même le président de la République. En regardant le dossier, nous nous sommes aperçus que nous disposions de leviers d’action sans entrer dans des choses très compliquées. Il suffi t de faire sérieusement notre métier de restaurateur. Regardez l’exemple du café, c’est un produit assez simple. Mais il faut qu’il soit bon, car c’est le dernier souvenir que le client garde de l’établissement. Peu importe qu’il nous revienne 10 centimes plus cher s’il est bon.

Il n’y avait plus chez Courtepaille cette attention permanente aux petits détails. En tant que groupe familial nous avons une vision à long terme. Avec Courtepaille, nous sommes là pour construire. Nous ne sommes pas pressés et si nous rencontrons des difficultés, nous les surmonterons. L’été a été difficile à traverser, il a fallu s’organiser et réduire l’offre. Mais dans les succursales, nous avons mis en place une carte test pendant un mois pour appréhender et comprendre les attentes des clients. Cette réflexion a inspiré la nouvelle carte qui vient d’être mise en place. Nous allons dans le bon sens. Notre métier est simple. Quand un client pousse la porte, il faut l’accueillir avec le sourire. Mais c’est difficile à réaliser lorsque le personnel n’a pas confiance dans ce qu’il fait. Notre travail consiste à restaurer la confiance de nos équipes. Il faut qu’elles se fassent plaisir à servir en étant heureuses d’amener sur les tablées des produits à bon rapport qualité-prix.

ADP : L’intérêt de la reprise de Courtepaille ne vous permet-il pas aussi de conforter la puissance d’achat du groupe ?

A. B. : Nous avons, bien sûr, pensé à massifier. Mais dans un contexte inflationniste, cela n’a pas joué car les fournisseurs que nous sollicitons nous répondaient qu’ils ne cherchaient pas de nouveaux clients et qu’ils manquaient de produits pour satisfaire leurs clients habituels. L’arrivée de Courtepaille nous a tout de même permis de consolider l’activité de notre atelier de découpe et d’affinage de Brive-laGaillarde [Corrèze] qui emploie une quarantaine de personnes et traite exclusivement la viande bovine de nos enseignes. Elle est alimentée par quatre gros fournisseurs qui nous approvisionnent en quatre races. À La Boucherie, dans le nord-ouest, nous proposons de la normande ; dans le nord-est de la montbéliarde ; dans le sud-est de la limousine et dans le sud-ouest de la charolaise.

ADP : Le développement est-il déjà à l’ordre du jour ? 

A. B. : Il y a déjà eu des reprises d’anciens Courtepaille, comme la réouverture de Massy [Essonne], il y a un mois. Notre objectif maintenant, c’est d’ouvrir de nouveaux établissements. C’est pour cette raison que nous travaillons sur un nouveau décor qui sera présenté au mois de janvier prochain. Il faut qu’il soit impactant pour le client et l’incite à ouvrir la porte. Il y aura toujours la cheminée au cœur du restaurant. C’est notre identité ! Nous évoluerons dans un environnement plus moderne, chaleureux et agréable.

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Bertrand Baudaire. Crédit : DR.

La boucherie, une histoire de famille

Deux des plus vieilles chaînes françaises sont aux mains de la famille Baudaire. La première, l’Assiette au bœuf, fut fondée à Paris par Michel Oliver et Roland Pozzo di Borgo. Elle est passée sous le contrôle du groupe La Boucherie en 2016, à l’occasion de la reprise des Bistrot du boucher. Si elle est sortie aujourd’hui du groupe, elle reste dans le giron de la famille puisqu’elle est dirigée par Morgane Baudaire, la fille du président fondateur, Bertrand Baudaire. L’Assiette au bœuf réunit 10 restaurants depuis les récentes ouvertures de Béthune et de Limoges. Courtepaille, ancêtre des chaînes modernes, fut développée à partir de 1961 en Bourgogne par Jean Loisier avant d’être rachetée en 1975 par le groupe Novotel (désormais Accor). En 2000, Accor – qui souhaite se concentrer sur l’hôtellerie – cède la chaîne à Barclays Private Equity. Les fonds d’investissement se sont alors succédé. En 2011, alors qu’elle est acquise par Fondations Capital, elle est valorisée à hauteur de 245 M€. Mais le déclin va s’accélérer et la crise sanitaire va porter le coup de grâce à une enseigne financièrement exsangue. Le nouveau propriétaire, La Boucherie, présidé par Bertrand Baudaire, 64 ans, est un pur restaurateur. Issu comme son épouse de l’école hôtelière de Saint-Nazaire (LoireAtlantique), il crée d’abord une crêperie à Annemasse. C’est dans cette ville de Haute-Savoie qu’il repère le concept La Boucherie, créé quelques années plus tôt par un boucher, Jean Salmon. Les deux hommes s’associent et Bertrand Baudaire se charge avec bonheur du développement, d’abord à Paris, puis vers la périphérie. D’abord considéré comme le petit poucet du steak house aux côtés des géants Hippopotamus, Buffalo Grill et Courtepaille, La Boucherie s’est progressivement installée dans la cour des grands avant de ravir Courtepaille à Napaqaro, l’actionnaire de Buffalo, qui en avait pris le contrôle moyennant 17 M€ en septembre 2020. Dans la famille Baudaire, ce nouveau défi du redressement est largement relevé par Alexandre, le fi ls de Bertrand Baudaire. Passé par l’école de vente Négocia, à Paris (17e), ce dirigeant de 38 ans a d’abord travaillé dans diverses entreprises, dont Xerox, avant de rejoindre l’entreprise familiale en 2012. Après une parenthèse dans l’immobilier, il est revenu dans le groupe La Boucherie pour prendre en main la direction générale, après le départ de Christophe Mauxion.