Le PMU cravache pour profiter de la tendance

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Considérés d’un œil nouveau par les jeunes qui apprécient leur côté populaire et leur accessibilité, les PMU redeviennent tendance. Pour profiter de ce courant, le PMU s’efforce à la fois de conjurer la disparition des cafés-tabacs et de trouver les moyens de s’intégrer aux brasseries en jouant les synergies.

Le Balto a adopté le concept Pari Mutuel Urbain à l’été 2024. Crédit : DR
Le Balto a adopté le concept Pari Mutuel Urbain à l’été 2024. Crédit : DR

Après une progression significative en 2023, où le total des paris enregistrés a franchi la barre de 10 Md€, le PMU a marqué le pas en 2024, avec des enjeux en baisse d’un peu plus de 2 %. Sylvain Dominé, directeur du réseau physique de l’entreprise, concède que les 14 300 points de vente physiques de l’entreprise sont les principaux responsables de cette contre-performance. Environ 700 points de vente affiliés auraient ainsi cessé leur activité, victimes de la crise, du poids des remboursements des PGE (Prêts garantis de l’État), mais aussi des difficultés spécifiques que rencontrent les buralistes.

Pour la première fois en 2024, les augmentations de remise tabac ne compensent plus la baisse des ventes de cigarettes. « En réalité, explique Sylvain Dominé, le nombre de points de vente PMU a globalement augmenté car nous ne manquons pas de nouveaux candidats. L’activité reste lucrative, mais globalement ceux qui ferment sont plutôt des tabacs humides [associant l’activité de bar et de buraliste, NDLR], alors que les nouveaux venus sont plutôt des tabacs secs. Or, il faut recruter trois tabacs secs pour compenser l’activité d’un tabac humide. »

En effet, 68 % des points de ventes qui possèdent un bar ou une brasserie captent plus de 80 % des enjeux. C’est pourquoi le PMU a longtemps privilégié le réseau des bars. Ce n’est que tardivement dans son histoire qu’il a commencé à s’appuyer sur les civettes et des Maisons de la Presse. Mais l’univers d’un café apparaît plus idéal au jeu en termes de convivialité et de temps passé. Les bars peuvent aussi accueillir le concept « Course par course », où les clients peuvent suivre sur des écrans la retranscription en direct de toutes les courses hippiques de la journée et miser sur les chevaux, comme s’ils étaient à l’hippodrome. Le phénomène est gagnant-gagnant puisque le jeu stimule les consommations et vice versa. Il faut convenir qu’il est un peu moins évident pour le Béotien de miser une course que de gratter un jeu de hasard.

C’est sans doute la raison pour laquelle la FDJ se développe plus rapidement en s’épanouissant sur d’autres réseaux. Le pari hippique demande un minimum d’initiation. Un comptoir de café représente le lieu idéal pour véhiculer cette culture hippique. Une fois initié, le client est souvent rapidement fidélisé grâce au spectacle et suspens que représente une course en direct. Trouver des lieux idoines, propices à développer cette convivialité autour du jeu, représente aujourd’hui la principale difficulté du PMU. Les débits de boissons et brasseries populaires, adaptés à cette activité, sont en voie de disparition. C’est vrai dans les campagnes, mais aussi dans les grandes villes où les exploitants de bars-tabacs ont tendance à tirer un trait sur les activités tabac et PMU pour monter en gamme en restauration.

Pourtant, la présence d’un PMU dans un établissement demeure lucrative pour les exploitants. On ne note pas de désaffection des Français. Après un tassement au milieu des années 2010, le niveau global des paris retrouve le chemin de la croissance ces dernières années : 2 % des mises vont dans la poche des détaillants. Ainsi, l’année passée, le réseau s’est partagé 145 M€, soit une moyenne de 10 000 € par exploitant avec, il est vrai, de grandes disparités.

En outre, le PMU attire une clientèle de joueurs qui sont enclins à consommer dans l’établissement. Enfin, les paris sont solidement ancrés dans le réseau physique puisque la part des mises digitales (hors paris des autres sports) reste cantonnée autour de 10 %. Il faut ajouter que les points de ventes physiques sont associés au développement digital avec l’appli PMU Plus, qui associe le joueur à un établissement et rémunère le point de vente sur les paris effectués dans ce contexte.

Le concept « Les paris mutuels urbains »

La capillarité de la présence du réseau sur le territoire est exceptionnelle. Il y a en France deux fois plus de PMU que de bureaux de poste, comme le souligne une enquête menée en décembre 2024 par la Fondation Jean Jaurès et l’Ifop. Cette étude montre aussi que 11 % des Français se rendent au moins une fois par semaine dans un PMU : c’est 4 points de plus que l’enseigne McDonald’s. L’enracinement des PMU dans le paysage français, entamé en 1930, est bel et bien solide.

Sylvain Dominé reconnaît toutefois qu’il est nécessaire de moderniser le réseau pour l’adapter aux exigences contemporaines. Le GIE (Groupement d’intérêt économique) a ainsi développé un nouveau concept, « Les Paris mutuels urbains », qui vise à mettre en harmonie les différentes activités d’un PMU, le jeu, le tabac, le bar et la restauration. Ce modèle d’agencement est essentiellement destiné aux villes de plus de 50 000 habitants. Ce concept devrait être déployé à moyen terme dans 150 établissements.

Deux brasseries parisiennes, le Volcan (Paris 9e) et le Balto (Paris 16e), ont déjà opéré cette transformation. Jacques Yabas, propriétaire du Balto depuis 2014, a réalisé les travaux durant l’été. Il a extrait le « Course par course » du sous-sol pour le positionner en évidence au sein de l’établissement. Les 30 places assises du restaurant ont été maintenues. Outre les écrans de retransmission des courses, un petit comptoir – iconique du concept – a été positionné au milieu de la salle de restaurant. Cette zone a été épurée. Les banquettes ont été bannies au profit de chaises et de tables bistrot.

En configuration bar comme en mode restaurant, les consommateurs ont le loisir de parier soit sur des bornes, soit via une caisse près du bureau de tabac. Les courses évoluent désormais au cœur de l’animation de l’établissement. Mais surtout la nouvelle organisation du bar permet aux différentes clientèles et classes sociales de vivre en harmonie. Cette refonte a immédiatement rejailli sur les paris. Ainsi dopés, leurs montants ont été multipliés par trois. « C’est un record, tempère Sylvain Dominé, dans les autres Paris mutuels urbains, l’augmentation moyenne est plutôt de 50 %. »

Jacques Yabas estime que dans le même temps l’activité du bar et de la restauration a augmenté de 5 %. L’embellie est moins spectaculaire, mais le rapport qualité-prix de l’établissement et l’emplacement assurent le remplissage du restaurant à l’heure du déjeuner, et même de la terrasse de 60 places durant les beaux jours. Le patron du Balto a investi 2 000 €/m2 pour accompagner sa transformation. Il a été aidé financièrement par la société PMU, qui lui assure une commission légèrement supérieure. « Mais surtout, avoue-t-il, j’ai repris plaisir à travailler le PMU ! »

Les tables PMU

Cette renaissance est symptomatique du retour en grâce des PMU. Ces lieux populaires, accessibles, s’inscrivent dans une tendance contemporaine. La jeunesse redécouvre ces endroits qui étaient jusqu’à présent associés à des tranches d’âge plus âgées. À Paris, le collectif Bouledogue organise régulièrement via les réseaux sociaux des VT (Vendredi Teuf) au PMU qui rassemblent jusqu’à 600 personnes. Dans l’est de la France, le Pints & Watts United Cycling Club organise des PWU Tour, randonnées cyclistes ponctuées de halte dans les PMU, réconciliant ainsi la pédale et le coup de l’étrier. Même la gastronomie des PMU et son rapport qualité-prix retrouvent grâce aux yeux des Français. L’équipe du Fooding a ainsi récemment publié le guide PMU®, les 100 bars qui font la France.

Le public vient retrouver dans ces lieux un lien social concret qui existait bien avant les réseaux sociaux. Ces lieux apportent aussi des réponses aux préoccupations sur le pouvoir d’achat. Une dimension que résume Emmanuelle Malecaze-Doublet, directrice générale du PMU, dans sa préface de l’enquête Micro Comptoirs : « Les bars PMU sont des laboratoires sociaux vivants, où se croisent générations, origines et classes sociales. Des lieux où l’on se parle sans se juger, où l’on échange des services comme autrefois sur la place du village, et où la solidarité se vit au quotidien. Un café partagé, un tuyau murmuré, autant de liens qui tissent le cœur battant de la France. »

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