Marc-Antoine Surand, jeune canaille
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Depuis 2018, Marc-Antoine Surand, 48 ans, a repris Quedubon, créé par Gilles Bénard dans le 19e arrondissement de la capitale. Avec son jeune chef, Ollie Clarke, il continue à mettre l’accent sur les recettes d’abats. Une initiative qui vient de valoir au bistrot le Trophée Pudlo du bistrot canaille et le championnat d’Europe des produits tripiers.
La fin d’année se termine en fanfare pour le restaurant Quedubon (Paris 19e). Le 18 novembre dernier, Gilles Pudlowski décernait au propriétaire Marc-Antoine Surand le trophée du bistrot canaille de l’année. Huit jours plus tard, c’était au tour du chef, Ollie Clarke, de décrocher le titre de champion d’Europe des produits tripiers, à Rungis (Val-de-Marne). Un comble pour un sujet de sa majesté venu d’un pays où les abats sont tenus en aussi piètre estime que les cuisses de grenouille !
Ollie Clarke a fait basculer le jury avec un pastrami de langue de veau, une des recettes à succès du bistrot. Inventée conjointement par le chef et Marc-Antoine, elle fait partie des incontournables de la carte, à côté de la cervelle pochée sauce citronée et le cœur de ris de veau. «Impossible de les retirer de la carte, confirme le patron. Il y a quelques jours, nous n’avions plus de ris et un client était presqu’au désespoir. Il était venu exprès du Beaujolais pour en manger », raconte le restaurateur. Pour parer à ce genre de désagrément, il a d’ailleurs mis en place sur son site de réservation un onglet permettant de s’assurer de la disponibilité de son plat favori. On ne plaisante pas avec les plats canailles chez Quedubon !
L’année avait pourtant mal commencé pour Marc-Antoine Surand. La fréquentation a ralenti durant l’hiver dernier. Il a réagi en mettant en place au déjeuner une formule entrée, plat et dessert à 21 €. Il a également étendu son ouverture au samedi soir. «Le week-end, la clientèle est à la fois plus exigeante et dépense moins, observe-t-il. Pour accueillir davantage de clients, nous avons simplifié nos recettes lors de ce service. »
Quedubon propose un large choix de vins de vignerons, souvent naturels et au minimum bio. Les bouteilles sont vendues de 36 € à 415 € pour un très grand châteauneuf du pape, la Réserve des Célestins, d’Henri Bonneau. Vingt références sont proposées au verre. En la matière, Marc-Antoine Surand se contente de pratiquer un coefficient de trois, car le vin fait partie des atouts d’attractivité du lieu.
Si Quedubon se présente davantage comme un restaurant de destination, Marc-Antoine Surand doit aussi composer avec la clientèle locale qu’il a attiré durant la crise sanitaire. Si le ticket monte le soir à 50/60 €, il est divisé par deux au déjeuner. Au global le restaurateur doit faire face à un coût matière élevé, qui représente 25 % à 35 % du CA (hors taxes). Pour contenir sa dépense alimentaire, il prend chaque samedi matin la direction du marché de Rungis, où il achète la plupart des denrées nécessaires au restaurant. Il se fournit notamment en produits tripiers chez Sud Ouest Abats et s’approvisionne en fruits et légumes sur le carreau des producteurs, ce qui lui permet «d’acheter local et de respecter les saisons, d’obtenir des produits de qualité en faisant de réelles économies ».
C’est Gilles Bénard qui avait créé Quedubon en 2011. Il fallait avoir la foi chevillée au zinc pour miser sur cet endroit désert, situé face à une barre d’immeuble. En 2018, Marc-Antoine Surand cherchait à acheter un restaurant depuis deux ans quand il a visité ce bistrot de 45 places, récemment mis en vente. Il s’est d’abord montré réticent en considérant le quartier. Mais un déjeuner, puis un dîner l’ont convaincu que l’affaire était faite pour lui. «Tout le monde me disait que c’était suicidaire de passer après Gilles Bénard, mais j’ai pris le risque », raconte-t-il.
L’expérience de ce quadragénaire était limitée. Il a débuté dans le monde de la nuit avant de se tourner progressivement vers l’événementiel. Sa carrière de restaurateur a vraiment commencé en 2014, avec l’ouverture d’un bar à vin sur le marché de Noël des Champs Elysées. Marc-Antoine va enchaîner avec des associations et des postes de manager dans divers établissements parisiens, comme Mademoiselle Rose (Paris 4e). Il franchit un pas en travaillant pour Richard Brun qui propose, impasse du Trésor (Paris 4e), une restauration plus sophistiquée.Ce parcours l’a progressivement préparé à la reprise de Quedubon. La transmission s’est opérée en douceur. Marc-Antoine Surand a travaillé durant sept mois avec Gilles Bénard avant de lui succéder. Il s’est bien gardé de ne rien changer au décor et à la cuisine. Il a conservé l’équipe et la cheffe durant un an, avant qu’elle soit remplacée par un cuisinier japonais, Yuta Yokote. Lors du départ de ce dernier, Marc-Antoine Surand a trouvé son partenaire idéal en la personne d’Ollie Clarke. Ce jeune chef anglais est passé par la Régalade (Paris 1er) et le Bon endroit (Paris 11e). «J’ai pu nouer avec lui un dialogue fructueux qui nous permet d’avancer, résume le patron. C’est lui qui m’a persuadé de jouer encore davantage la carte des produits tripiers. Lorsque je vais à Rungis, il me dresse une liste de courses, mais il est ravi quand je lui ramène des produits surprises. »