Équilibrer la relation

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S’il n’existe pas de définition légale de la franchise, l’engagement signé par le franchiseur et le franchisé matérialise une relation contractuelle librement consentie entre deux professionnels indépendants. Dans les faits, c’est pourtant le franchiseur qui garde la maîtrise des termes de ce contrat, auxquels devront se plier les candidats qui souhaitent rejoindre son réseau.

La franchise a ses origines aux États-Unis, dans les années 1970. Depuis, ce procédé a connu un succès foudroyant en s’adaptant aux réalités du marché européen. Son principe reste partout identique : contre rétribution, le franchiseur va permettre au franchisé de bénéficier de son savoir-faire et il va tenter de réitérer son succès à la condition expresse de créer une entreprise indépendante et de lui verser une redevance. En 2016, la France comptait 1 900 réseaux organisés et 71 508 franchisés pour un chiffre d’affaires de 55,10 milliards d’euros, toutes activités confondues (source : Observatoire de la franchise). La restauration et l’hôtellerie restent parmi les secteurs les plus dynamiques de cette forme de commerce. Près de 20 % des 560 exposants du salon Franchise Expo Paris 2018 étaient des enseignes de type CHR. En matière d’adhésion à un réseau et au-delà du concept, tout commence par l’examen approfondi du projet de contrat qui va engager le franchiseur et le franchisé sur le long terme. Le franchisé est face à un document préétabli où figure la plupart du temps des clausestypes, la marge de manœuvre du candidat est donc faible. Il a tout intérêt à se rapprocher d’un avocat spécialisé pour établir un audit juridique mesurant notamment les conséquences des clauses restrictives de cet accord. « Dans un délai de 20 jours au minimum (qui correspond au délai de réflexion réglementaire) avant la signature du contrat définitif, le franchiseur doit présenter à son candidat un document d’information précontractuel (DIP) avec, en annexe, le projet de contrat de franchise définitif. En aucun cas il ne peut s’affranchir de cette disposition d’ordre public*, prévue par la loi Doubin de 1989 (code du commerce R3301) », remarque Cédric Küchler, avocat au barreau de Paris, spécialisé dans les CHR. Ce document comprend des éléments d’information essentiels sur l’entreprise tête de pont du réseau : identité du dirigeant, forme juridique et date de création**, adresse du siège, numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), domiciliation bancaire du franchiseur, comptes annuels des deux derniers exercices, liste des franchisés du réseau, etc. Le franchiseur doit en outre faire figurer sur le DIP un état du marché national et local du secteur considéré, avec une présentation de la concurrence et des forces en présence sur la zone géographique convoitée. « Attention, la loi ne fait en aucun cas obligation au franchiseur de produire une étude détaillée du marché. Il appartient donc au franchisé de commanditer lui-même cette analyse approfondie, observe Cédric Küchler. De la même façon, il est intéressant pour celui-ci de réclamer la liste des entreprises ayant éventuellement cessé de faire partie du réseau et de se renseigner sur les raisons de cette défection. » Si le franchiseur a l’obligation d’aider son franchisé à s’implanter en formant son équipe et de lui dispenser une assistance technique et commerciale, il ne doit lui-même jamais oublier que les membres de son réseau restent indépendants. Il ne peut donc leur imposer des prix, des horaires, une méthodologie ou mener des actions intrusives à leur égard. « L’assistance a ses limites, car, en cas de défaillance, les contentieux sont assez fréquents. En rendant le franchiseur responsable de son échec le franchisé peut être amené à vouloir démontrer devant un juge l’existence d’un lien de subordination avec le franchiseur et de demander une requalification en contrat de travail, de sa relation avec celui-ci », alerte Cédric Küchler. Si la redevance mensuelle ou trimestrielle qui est due au franchiseur par le franchisé est définie librement dans le contrat, la Cour de cassation s’attelle, en cas de contestation, à vérifier que le bon équilibre économique a été respecté. Depuis 1972, il existe des textes non contraignants (on parle de « soft law » ou règles de droit non obligatoires) pour permettre aux parties d’établir des contrats de franchise respectant les usages et établissant un certain équilibre entre franchiseur et franchisé. La dernière mise à jour du Code de déontologie européen date de 2003. La norme Afnor Z 20-000 indique que le franchiseur doit avoir la jouissance d’un ou de plusieurs signes de ralliement de la clientèle (dénomination sociale, nom commercial, enseigne, marque de fabrique, de commerce ou de service) ainsi que la détention d’un savoir-faire transmissible aux entreprises franchisées. « Pour les franchises internationales, le règlement européen Rome I, applicable aux obligations contractuelles, prévoit que la loi qui s’applique est celle choisie par les deux parties. Si elle n’a pas été définie initialement dans le contrat de franchise, c’est la loi du pays où le franchisé a sa résidence habituelle qui prévaut », conclut Cédric Küchler.

* S’il ne le fait pas, il risque des sanctions pénales et civiles.

** Pour prétendre à la création d’un réseau de franchise, l’entreprise doit avoir au moins deux ans d’exercice.

Les chiffres des réseaux de franchise CHR

Restauration rapide : 200 réseaux pour 5 169 franchisés réalisant 4,54 milliards d’euros de chiffre d’affaires

Restauration à thème : 97 réseaux pour 1 425 franchisés réalisant 1,59 milliard d’euros de chiffre d’affaires

Hôtellerie : 30 réseaux pour 1936 franchisés réalisant 1,59 milliard d’euros de chiffre d’affaires

Source : Fédération française de la franchise

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