Les CHR parisiens gagnent des implantations commerciales

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Les vicissitudes de la crise sanitaire faussent parfois notre vision de la situation parisienne. Un récent rapport du Crocis vient de montrer que le nombre de CHR a progressé ces trois dernières années en Île-de-France. Le phénomène est particulièrement net à Paris ; ce qui confirme une tendance favorable observée depuis vingt ans.

Illustration fonds de commerce
Illustration fonds de commerce. Crédits : Au Coeur du CHR.

En dépit de la crise sanitaire, les cafés hôtels, restaurants continuent de se développer en Île-de-France. Le nombre des implantations régionales de ce secteur a progressé de 2 % entre 2018 et 2021. Cela représente tout de même un solde positif de 785 établissements à l’échelle de la région. Ce constat émane de la récente étude menée par le Crocis (Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services) pour la CCI Paris-Île-de-France. Cette évolution peut sembler difficile à croire alors que ces professions sont parmi celles qui ont subi le plus de mises à l’arrêt durant cette période.

« Les CHR ont été fermés, mais ils ont été soutenus financièrement », fait remarquer Bénédicte Gualbert pour expliquer ce paradoxe. La nouvelle est d’autant plus réjouissante que globalement le nombre de commerces actifs dans la région est légèrement en retrait (- 1 %) durant cette période. Ce recul du nombre de commerces durant ces trois dernières années reste cependant nuancé. Leur nombre progresse dans le Yvelines, reste stable en Seine-SaintDenis, Essonne, Val-d’Oise tandis que l’évolution est négative pour la Seine-et-Marne (- 1 %), le Val-de-Marne et Paris (- 2 %). Le département des Hauts-de-Seine s’affirme comme le plus touché avec une chute de 3 %.

2.073 locaux vacants supplémentaires

Le recul du taux de commerce a un effet direct sur le taux de vacance au niveau régional, qui passe de 11,5 % à 12,6 % en l’espace de trois ans, soit 2.073 locaux vacants supplémentaires. On compte aujourd’hui 22.238 locaux non exploités en IDF. Cette augmentation de la vacance, selon les auteurs de l’étude, « illustre l’impact de la crise sanitaire des années 2020 et 2021 ».

Ils estiment ainsi que le paysage commercial régional est en « recomposition » . Si les deux tiers des emplacements n’ont pas connu de mutation durant cette période de trois ans, 15.133 locaux ont vu leur activité changer (8 %) et 15 000 ont modifié leur enseigne (8 %), 7.840 commerces autrefois vacants ont rouvert (4 %) et 2 357 se sont créés ex nihilo (1 %). 10.900 locaux où se trouvaient des commerces en 2018 sont devenus vacants (6 % du total). Il s’agit là d’évolutions significatives qui transforment considérablement l’offre. Bénédicte Gualbert qui a participé à la réalisation de cette enquête nuance toutefois cette analyse : « On ne peut pas parler de régression. Le recul s’explique d’abord par la crise sanitaire. Cela dit, nous observons aussi sur le terrain la traduction de tendances de fond comme la croissance des commerces bio ou de magasins prônant une consommation responsable. »

Le dynamisme des CHR parisiens

Paris représente 40 % de l’offre commerciale régionale alors que sa population ne représente que 18 % de celle de l’Île-de-France. Les CHR parisiens affichent, eux aussi, ce ratio de 40 % de l’offre régionale avec 15.247 établissements. Mais durant la période observée, leur croissance (+ 4,3 %) est nettement plus dynamique que la moyenne régionale. Selon l’étude, la hausse est principalement due aux créations en restauration rapide assise (+ 281) et aux ouvertures de restaurants traditionnels asiatiques (+ 179) ou européens (+ 90). L’hôtellerie, en revanche, perd 14 établissements (- 0,7 %). Mais cette donnée doit être analysée avec circonspection alors que de nombreux établissements existants entrent régulièrement en restructuration pour monter en gamme.

Globalement, au sein de la région, la restauration rapide représente la catégorie de CHR qui opère les plus belles progressions. On note ainsi + 15 % en Seine-Saint-Denis ou + 10 % dans les Yvelines.

Au-delà de la situation des cafés et restaurants, on remarque que l’autre secteur commercial en progression significative est celui de l’alimentation. Le nombre de commerces de ce secteur marque une hausse de 3 points. Les gains de terrain régionaux sont parfois spectaculaires : charcuteries-traiteur-épiceries fines (+ 57 %), supérettes (+ 25 %), fromageries-crèmeries (+ 15 %), les commerces bio (+ 13 %), les commerces de fruits et légumes (+ 11 %).

A contrario, les commerces qui cèdent le plus de terrain se situent dans le secteur de l’équipement de la personne qui accuse un fléchissement de 13 %. On observe même des reculs plus spectaculaires dans certains sous-secteurs : literie (- 40 %), bricolage (- 25 %), chaussures (- 24 %), lingerie (- 17 %), prêt-à-porter (- 14 %). Ces pertes d’influence ne signifient pas pour autant des baisses d’activité aussi marquées des métiers concernés. Elles peuvent aussi traduire la concentration des ventes dans de plus grandes surfaces, voire les effets de la digitalisation croissante de ce type de ventes.

Vingt années de progression pour la restauration

Dans ce contexte, la bonne tenue des CHR représente une bonne nouvelle pour le moyen terme. Mais, il est aussi intéressant d’observer la situation en analysant les chiffres d’évolution recueillis sur la CCI sur vingt ans (voir tableau). On peut ainsi s’apercevoir que les cafés et les restaurants, dans leur ensemble, ont élargi leurs positions dans la capitale. Le nombre de leurs points de vente a progressé de près de 15 % entre 2002 et 2021 (hors intégration des tabacs humides et des traiteurs asiatiques). La restauration traditionnelle, souvent décrite en perte de vitesse, a gagné un terrain considérable dans la capitale en vingt ans (+ 16,74 %, soit un gain de 1.334 établissements).

Ces chiffres confirment aussi la bonne santé de la restauration rapide, son nombre d’emplacements progresse de plus d’un tiers. La nuit représentée par les cabarets, dîners-spectacles et discothèques se révèle loin d’être aussi moribonde qu’on le dit parfois, car le nombre des établissements de la catégorie a été multiplié par trois entre 2002 et 2017 à Paris. Il est toutefois vrai qu’entre cette date et 2021, leur nombre a légèrement décru.

Les débits de boisson sans tabac évoluent dans le rouge

Les débits de boissons sans tabac représentent la seule catégorie à évoluer dans le rouge. En effet, 500 commerces (26 % du total) de ce type auraient disparu dans la capitale en vingt ans. Cette décrue est quasi générale, seuls les 1er, 2e et 10e arrondissements y échappent et affichent des parcs de cafés en progression ou en stagnation. En revanche, dans certains arrondissements, la saignée est abondante. Le 16e déplore une perte de 68 % de ses cafés en vingt ans, il ne lui en reste que 13.

Il faut toutefois prendre ces derniers chiffres avec précaution. Les purs cafés deviennent plutôt rares en dehors de la persistance d’établissements de nuit. Beaucoup de débits de boissons se sont convertis en brasseries afin de mieux coller à la demande de la clientèle. Ils ont donc changé de catégorie.

Si on remonte à une vingtaine d’années en arrière, on se souvient que ces cafés restaurants abandonnaient du terrain, même à Paris, au profit d’autres activités, notamment celle des agences bancaires qui trustaient alors les meilleurs emplacements. Aujourd’hui, juste retour des choses, ces dernières sont en repli alors que les restaurants et brasseries ont repris quelques belles places fortes. Leur utilité dans le paysage urbain et l’offre touristique n’est plus contestée par personne. En dehors de la parenthèse de la crise sanitaire, la restauration parisienne est portée par des vents favorables et réguliers qui pourraient continuer de souffler dès qu’un retour à la normale sera en vue. Certes, la restauration rapide montre une croissance plus soutenue, mais il ne faut pas considérer sa présence comme néfaste, c’est elle qui habitue le consommateur à adopter plus fréquemment le réflexe de la consommation hors domicile.

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