Bleu de Termignon, l’OVNI des pâtes persillées

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Moins connu que son cousin le beaufort, le bleu de Termignon est le seul fromage à pâte persillée naturelle. Produit au cœur du parc de la Vanoise en Savoie, son procédé de fabrication unique se transmet de génération en génération.

En Savoie, entre les hautes vallées de la Maurienne et de la Tarentaise, se trouve le Parc national de la Vanoise. Dans ce massif, le village de Termignon, perché à 1 300 m d’altitude produit un fromage hors du commun, le bleu de Termignon. Connue principalement de quelques afficionados en France, l’histoire de ce fromage remonte au XVIIIe siècle. Il se fabrique alors plusieurs pâtes persillées dans les alpages du village, mais aussi des communes avoisinantes. « Le bleu de Termignon passait alors par la route du Mont-Cenis et allait se vendre en Italie, où il était beaucoup plus populaire qu’en France », explique Ghislaine Bantin. Elle et son mari Christophe font partie des cinq derniers producteurs de bleu de Termignon avec Catherine Richard, Bernard Richard, Frédéric Muller et Andréa Rosaz. « Chaque recette est familiale et se transmet de génération en génération, les fromages sont tous différents. Certains arrivent à le faire bleuir, d’autres non », confie Ghislaine Bantin.

C’est en effet la grande particularité du bleu de Termignon : il bleuit naturellement, a contrario du roquefort et des autres pâtes persillées dans lesquels on ajoute du penicillium. Chez les Bantin, plus gros producteurs de bleu de Termignon – 600 fromages par été en moyenne – la fabrication remonte à l’arrière-grand-père de Christophe, voire avant. « Je pense qu’il y en a toujours eu dans la famille. En fait, la recette de la pâte persillée existait dans les villages avoisinants et elle a peu à peu disparu pour ne demeurer qu’à Termignon », témoigne la productrice.

Un procédé de fabrication unique

Aujourd’hui, la production de bleu de Termignon est donc assurée par cinq familles et 150 vaches tous troupeaux confondus. Elle n’excède pas les quelques tonnes par an et risque de décroître dans les années à venir : la moyenne d’âge des producteurs est relativement élevée et leurs enfants, pour ceux qui en ont, ne souhaitent pas continuer la production. En outre, l’installation de nouveaux producteurs, notamment pour la fabrication de fromage de brebis, empiète sur les alpages dans lesquels les vaches paissent. La fabrication a traditionnellement lieu de juin à septembre, lorsque les vaches sont à l’alpage, même si certains producteurs le fabriquent durant l’hiver. Les ruminantes se nourrissent de l’herbe riche en fleurs des alpages et sont traites deux fois par jour.

Pour faire le bleu de Termignon, les producteurs récupèrent le caillé du lait et l’étalent sur une plaque pour l’égoutter. Une fois cette opération réalisée, il est coupé en carrés, dont une partie est mise à macérer dans du petit-lait fermenté. Le caillé du jour et le caillé macéré sont ensuite broyés ensemble, puis moulés dans des moules en pin tapissés de toiles de lin. Les fromages sont ensuite empilés et mis à sécher dans une pièce chauffée au feu de bois. Chaque jour, les producteurs retournent les fromages et changent la toile jusqu’à ce que cette dernière ressorte sèche, soit une semaine environ. Le fromage est ensuite mis en cave pour affinage à l’alpage, « c’est sans doute le lait et la fabrication à l’alpage qui le font bleuir, mais il n’y a pas de recette magique, on ne sait pas ce qui provoque cette transformation ». Vendu principalement pour les grandes occasions, le bleu de Termignon séduit les plus grands chefs : Jean Sulpice, Guy Martin ou Emmanuel Renaut l’ont servi, tel quel ou transformé, dans leurs établissements.

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