Le fromage va-t-il perdre sa place ?

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Si le fromage fait partie intégrante du paysage culinaire français, il connaît aussi des heures difficiles. En cause, la flambée des prix, mais aussi une moins bonne connaissance des différentes saveurs. Explication.

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Les consommateurs ont une moins bonne connaissance du fromage qu'avant. Crédit UnSplash.

Des huîtres à l’émulsion de camembert. Dans son restaurant étoilé L’Astrance (Paris, 16e), le chef Pascal Barbot a fait le pari osé de jouer avec les saveurs et de proposer le fromage là où on ne l’attend pas forcément. Résultat : son huître au camembert est devenue une de ses recettes emblématiques, donnant toute sa noblesse aux deux produits bien connus du terroir français. Si le chef aime jouer avec les saveurs fromagères, la consommation générale du produit se retrouve en difficulté à l’échelle du territoire. « Il y a une vraie évolution dans la production et la consommation de fromages, ils sont moins forts qu’auparavant », note d’emblée Chantal de Lamotte, présidente du Salon du fromage et des produits laitiers.

Elle constate que les pâtes dures, les fromages parfumés aux épices ou bien ceux venus de l’étranger prennent de plus en plus de place. Münster, maroilles et autres pont-l’évêque semblent ainsi ne plus avoir la cote. Le désaveu semble général. Selon la dernière enquête de FranceAgriMer, les achats de fromages ont enregistré une baisse de 3,3% en 2022 par rapport à l’année précédente. Il est question de toutes les espèces : vache (-3%), brebis (-7,5%) et chèvre (-5,4%). Le camembert et le münster sont en outre loin derrière l’emmental en matière de budget, respectivement quatre et trente fois supérieur. « Les goûts plus neutres ont tendance à prendre le dessus », ajoute la présidente du salon.

Les origines étrangères attirent

En outre, les fromages étrangers séduisent de plus en plus les palais français, à l’image de la mozzarella (+1,8%) et la feta (+1,2%). Et ce, même si la hausse des prix est soutenue pour les deux fromages, de 8,2% pour la mozzarella et 10,3% en feta. « Les prix augmentent et les Français peuvent faire l’impasse sur le fromage », regrette-t-elle. En effet, toujours selon FranceAgriMer, en 2022, le prix moyen du fromage a progressé de 5,3% comparé à 2021.

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Les achats de fromages connaissent une baisse généralisée, selon FranceAgriMer. Crédit UnSplash.

Par ailleurs, selon Chantal de Lamotte, la baisse de consommation vient également d’une moins bonne de connaissance du fromage qu’auparavant. « Avant, cette pédagogie passait beaucoup par l’affineur, mais cela tend à disparaître, avec des achats souvent effectués en supermarché », déplore-t-elle. Autre explication : une recrudescence de fromages pasteurisés, plus neutres en goût. « Contrairement à ceux au lait cru, ils sont moins vivants », précise-t-elle.

Le rôle de la restauration

En restauration, le plateau ou l’assiette de fromages ont également tendance à disparaître. « Lorsque du fromage est proposé, c’est souvent en remplacement d’un dessert, et par ailleurs les offres fromagères ne sont pas toujours à la hauteur », note Chantal de Lamotte. Pour séduire le client, il faut en outre un peu de pédagogie et d’explications, car il persiste de nombreuses idées reçues sur ce produit laitier. « Il faudrait proposer de déguster ceux moins a nés, et donc moins prononcés en premier, puis enchaîner avec ceux plus intenses en goût, avec plus de caractère », commente-t-elle.

De plus, pour être alléchant, le plateau ou l’assiette de fromages doit être convenablement coupé. « Dans ce cas, mieux vaut éviter le libre-service, car tout le monde ne sait pas couper convenablement les morceaux, alors que c’est primordial dans la dégustation. » Le prix peut aussi être un facteur rédhibitoire pour le client. « C’est parfois vendu trop cher pour une proposition pas forcément alléchante, il faut trouver le bon équilibre. »

Un atout pour les restaurateurs

Pourtant, côté restaurateur, cela peut être très intéressant. « Les fromages se conservent assez longtemps et il est facile de les remettre en œuvre. » Cela peut aussi être l’occasion de proposer des associations nouvelles et innovantes avec des boissons, comme avec de la bière, du saké ou même du sans alcool. La planche apéritive est un autre vecteur de consommation de fromage, en plus de permettre de faire découvrir des terroirs aux clients. « À condition de proposer de bons fromages de nos régions, soigneusement sélectionnés », mentionne la directrice du salon.

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Les plateaux de fromages se font de plus en plus rares en restauration. Crédit UnSplash.

C’est aussi une bonne opportunité pour les restaurateurs. Selon le cabinet d’études NPD, ce type de proposition fait gonfler de 20% l’addition moyenne d’un repas. C’est aussi une façon intéressante de vendre plus de liquide, en donnant envie aux clients de consommer une deuxième boisson. Il peut d’ailleurs préférer cette option à une formule classique entrée, plat et dessert.

Un salon dédié

Chantal de Lamotte
Chantal de Lamotte. Crédit salon du fromage et des produits laitiers.

Du 25 au 27 février, Paris va accueillir la 18e édition du Salon du fromage et des produits laitiers. À la porte de Versailles, quelque 300 exposants et 8.000 professionnels français et étrangers vont se retrouver : crémiers fromagers, affineurs, distributeurs, importateurs, exportateurs et chefs. « Cetévénement estemblématique de la filière, c’est une célébration du savoir-faire dans une ambiance conviviale qui rend le monde du fromage et des produits laitiers si passionnant », note Chantal de Lamotte, présidente du salon.

Tout au long des trois jours, des conférences vont se tenir sur les tendances actuelles du marché, et des ateliers dégustations permettront de mettre en avant des combinaisons plus ou moins inattendues (avec de la bière, du saké ou encore du jus par exemple). Le concours de la Lyre d’or, organisé par la Fédération des fromagers de France, fera son retour pour sa 8e édition. Seize candidats venant de différentes régions françaises devront réaliser le plus beau plateau de fromages répondant à la thématique « Sport et fromages ».

Le concours coups de cœur 2024 a, quant à lui, élu neuf produits parmi les 180 en compétition. Pour la France, il s’agit de l’Ossau-Iraty, de la taupinette à l’aneth, du moelleux de chèvre, du beurre de baratte extra-fin aux cristaux de sel de Noirmoutier, du saint-nectaire fermier AOP paille caves soro et de la fourme de Montbrison AOP Pont de la Pierre. L’Italie est quant à elle représentée par le Bufarolo Stagionato (fromage au lait de bufflonne) et le Surfin’Blu (fromage bleu à base de lait de bufflonne entier pasteurisé, raffiné dans de la bière artisanale) et la Suisse par le gruyère AOP moléson vieux-fribourg 15 mois.

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