Brillat-Savarin, le roman d’un fromage

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La fabrication du brillat-savarin remonte au Moyen Âge, en Brie et en Bourgogne d’où il est originaire. Mais c’est au début du XXe siècle qu’Androuet, un crémier parisien, réinvente sa recette grâce aux nouvelles techniques d’enrichissement du lait.

Non, Jean-Anthelme Brillat-Savarin, magistrat, violoniste et surtout célèbre théoricien de la gastronomie, n’est pas l’inventeur du fromage qui porte son nom ! C’est en réalité Henri Androuet, un crémier affineur parisien réputé qui, en 1930, le baptise du nom de ce célèbre gastronome et auteur culinaire. En perfectionnant, au passage, la recette d’un autre fromage, l’Excelsior, créé à la fin du XIXe siècle. Ainsi, contrairement à beaucoup de fromages, la dénomination du brillat-savarin ne relève pas d’une appellation populaire et ancienne. Pour autant, cette particularité n’a pas empêché ce petit trésor d’onctuosité d’obtenir en 2017 une indication géographique protégée (IGP). On retrouve en effet la trace de fromages de ce type dans les fermes et les abbayes de Brie, de Bourgogne et de Franche-Comté depuis à l’époque médiévale.

« LE FOIE GRAS DES FROMAGES »

De l’actuelle Seine-et-Marne jusqu’au nord de la Saône-et-Loire, la tradition a perduré tout en intégrant au cours des années 1950 de nouvelles techniques d’enrichissement en matière grasse. « C’est un fromage de vache généreux, accessible à tous les palais et largement enrichi en crème », pointe Mathilde Hess, aux commandes de la fromagerie Alain Hess, à Beaune. Fromage double voire triple crème, le brillat-savarin n’affiche pas moins de 72 % de matière grasse sur extrait sec, conformément au cahier des charges de l’appellation. « Le principe consiste à ajouter de la crème au lait du futur fromage. Cela apporte du fondant à la texture et des notes beurrées. Le véritable brillat-savarin au lait cru dégage des arômes puissants de lait de vache, presque d’étable. Lorsqu’il est affiné, il s’orne d’une fine peau veloutée blanche à ivoire qui amène des arômes de sous-bois et de noisette. »

La majeure partie des brillat-savarin est produite en Bourgogne, mais il en existe également « de tradition briarde ». Pour rester dans la note locale, on recommande de l’accorder avec un crémant, dont la fraîcheur et la vivacité viennent souligner la douceur de celui qu’on surnomme parfois « le foie gras des fromages ». S’il peut être consommé jeune et frais, le brillat-savarin est commercialisé à 90 % en version affinée. « L’affinage a lieu en cave, sous atmosphère contrôlée et dans une ambiance plutôt humide » , commente Mathilde Hesse. « Les fromages sont mis sur claies et retournés régulièrement. Le processus dure environ deux semaines. » Chaque année, 15 t de brillat-savarin sortent des caves de la famille Hess, dont une grande partie est vendue à Rungis auprès de différents revendeurs.

Présent sur tous les chariots à fromages des grands restaurateurs, ce fromage a moins souffert de la fermeture de la restauration hors domicile que d’autres fromages sous signe officiel de qualité. Le report des ventes s’est opéré dans la grande distribution. Selon Agnès Couturier, l’animatrice de la filière, « nous n’avons pas eu la progression espérée en 2020, mais on s’en sort plutôt bien pour une année sans ».

Chiffres clés (2020)

– 2 700 vaches laitières

– 25 millions de litres de lait

– 10 fabricants dont 2 affineurs

– 1 820 t produites par an

– 61 % des volumes vendus aux grossistes

– 15 % à l’export

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