Cancoillotte : la douceur fromagère franc-comtoise

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Matière fromagère taillée pour la cuisine, la cancoillotte devrait obtenir son IGP courant 2022. Zoom sur une spécialité de Franche-Comté ancrée dans l’histoire fermière de la région.

Le fromage est né du besoin qu’avaient les éleveurs de conserver le lait. Ce bon sens paysan explique naturellement l’existence de la cancoillotte. Dans son berceau de Franche-Comté, son histoire remonte à « deux siècles avant notre ère, avec les premières traces écrites », souligne Didier Humbert, président de l’Association pour la protection de la cancoillotte et directeur de la fromagerie Loulans qui fabrique de A à Z le produit. Car derrière cette spécialité fromagère en passe d’obtenir son indication géographique protégée (IGP) se cache une manière de valoriser le lait écrémé des fermes haut-saônoises. Sa production en tant que telle a réellement démarré dans les années 1800, « à l’époque, on valorisait surtout la matière grasse dans les fermes de Franche-Comté, avec le beurre ou la crème. Le lait écrémé partait souvent pour nourrir les animaux », les cochons qui servaient à la fabrication des saucisses locales.

Finalement, ce lait écrémé a pu être utilisé pour fabriquer un fromage sec : le metton. C’est la base de la cancoillotte. Si la légende raconte que ces mettons étaient affinés sous les matelas pour rester au chaud, aujourd’hui, il reste une étape indispensable à l’élaboration de la cancoillotte. Ce metton auparavant fondu au-dessus de la cheminée, avec un peu d’eau et de beurre pour amener de la douceur, a engendré cette pâte souple, légèrement coulante, un peu filante et onctueuse au bon goût de noisette. « Et il n’était pas rare d’y ajouter des ingrédients locaux à l’intérieur. Comme l’ail, les noix, les champignons ou le vin du Jura, » assure le président. La cancoillotte aromatisée a donc toujours bel et bien existé…

NATURE OU AROMATISÉE

Consommée traditionnellement sur un simple bout de pain de campagne ou fondue à l’intérieur de l’assiette du terroir local rassemblant pommes de terre, saucisse de morteau et salade, la cancoillotte se décline en cuisine de toutes les façons. « Elle peut être chauffée, utilisée pour une sauce, dans une soupe pour apporter de l’onctuosité ou même pour gratiner des légumes au four. On peut la cuisiner de l’apéritif au dessert », assure Didier Humbert. Actuellement, ils sont 15 fabricants à maintenir la tradition, dont seulement trois producteurs fermiers.

UN AFFINAGE ATYPIQUE

Le lait issu de la zone géographique de l’IGP englobant toute la région Franche-Comté et quelques communes des départements limitrophes (Côte-d’Or, Haute-Marne, Saône-et-Loire…) doit être aussi transformé dans ce périmètre. « Il est d’abord écrémé à 100 % avant de rester deux ou trois heures dans des cuves de fabrication, détaille Didier Humbert. Les mettons sont ensuite moulés et mis sous presse, avant d’être placés au froid, entre 4 et 8 °C. » L’affinage rapide se fait ensuite à 20 °C pendant 12 heures au minimum, « mais la durée tourne souvent autour de 15 à 20 heures » . Un affinage qui s’effectue de manière atypique puisque la matière est émiettée en petits grains « pour que les levures se développent plus vite ». Ces miettes passent de nouveau au froid pendant dix jours au maximum avant d’être fondues en cancoillotte, en ajoutant de l’eau et du beurre dans une cuisson de 10 à 30 minutes selon les fabricants. Et pour la mise en pot, la température de cette préparation doit s’élever à 65 °C, « pour permettre en remplissage optimal des pots, mais aussi assurer des garantis sanitaires ». Un savoir-faire ancestral qui devrait donc être reconnu par une IGP courant 2022.

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