Le plateau revient en grâce

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Le service à l’assiette avait fini par reléguer le traditionnel chariot à fromages en seconde zone. Ce dernier sort aujourd’hui de sa torpeur avec la revalorisation des métiers de salle et du service au guéridon. Une off re premium se dessine et le bon fromage n’est plus l’apanage de la restauration étoilée.

La France a la réputation enviée d’être le pays du fromage, là où se débusquent des perles rares tout droit venues de nos différents terroirs. L’emblématique assortiment de fromages, que l’on pouvait voir déambuler sur un chariot à la fin du repas, était en voie de disparition. Il faut dire que le chariot a souffert de la généralisation du service à l’assiette.

Des années 1970 aux années 1990, on retrouvait des découpes à table, des flambages ainsi que des chariots à fromages dans les grands restaurants. Les métiers de salle mettaient en avant leur maîtrise et leur technique, et préparaient l’assiette de fromages à partir du chariot, devant le client. Après un passage à vide, il semblerait que le fromage se déguste de nouveau massivement au restaurant. Et pour cause. L’Hexagone compte une impressionnante cohorte de consommateurs. Près de 99 % des plus de 17 ans déclarent en consommer au moins une fois par semaine, toutes formes confondues, et 90 % le dégustent tel quel. « Les moments de consommation sont encore majoritairement le déjeuner et le dîner, et un acte de consommation sur deux se situe en fin de repas. Mais le fromage est de plus en plus souvent cuisiné, en plat chaud, ou froid. Et 41 % des Français le consomment en grignotage, ainsi que 35 % à l’apéro », indique-t-on au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). L’avenir du fromage au restaurant s’inscrit toutefois à la fin de repas, à condition de redonner ses lettres de noblesse aux métiers de salle.

Dans la pratique, certaines maisons n’ont jamais abandonné le plateau comme pièce maîtresse du service. Parmi d’autres exemples, on peut citer le restaurant Astier (Paris, 11e) où la clientèle déguste une quinzaine de fromages affinés, à la carte pour 16 € par personne ou dans un menu (entrée, plat, fromage et dessert) à 45 €. Astier est une maison historique datant de 1956. Quand elle a été reprise en 2006 par Claudia Hubig-Schall et Frédéric Hubig, le plateau était déjà une pierre angulaire. Ils ont donc perpétué cette tradition. Le couple a fait appel au fromager Anthès pour constituer une off re respectant la saisonnalité où AOP et IGP sont omniprésentes. On y trouve du munster comme du pouligny saint-pierre en passant par l’époisses ou encore le camembert affiné au Calvados.

Chez Astier, le plateau est en libre-service, disposé au milieu de la table dans un panier d’osier et le client se sert autant qu’il le désire. Les serveurs sont formés et peuvent partager leurs connaissances sur les différents fromages proposés. Les restaurateurs ont d’ailleurs tout intérêt à spécialiser un de leurs employés qui saura dresser les assiettes avec assurance. « Il faut avoir un support pratique, sur lequel découper facilement, et ne pas hésiter à changer de couteau entre deux pâtes différentes. Faites attention à l’hygiène : le fromage est aujourd’hui un des seuls produits que l’on prépare devant le client, d’où l’importance d’avoir les mains propres », explique un acheteur de Metro Cash & Carry France. Ainsi, un fromage bien découpé doit rester reconnaissable, chaque portion devant être identique et comporter de la croûte.

Se différencier

Les restaurateurs qui n’ont pas la possibilité d’employer du personnel spécifiquement formé peuvent aussi bien composer une off re réduite sur les tendances du marché. En outre, changer régulièrement les références proposées permet notamment de mettre en avant la saisonnalité, une thématique qui appartient également à l’univers fromager. On assiste par ailleurs à une hausse de la demande en produits fermiers, issus de petits producteurs, qui permettent de jouer la carte du terroir ou du local. Les produits hors appellation à l’instar du bleu de Termignon ou du persillé de Tignes sont aussi des boosters de ventes et off rent le loisir de se différencier.

Toutefois, le nombre idéal de fromages sur un plateau est compris entre six et 12. Pas moins, pour donner le choix au client, et pas plus pour pouvoir les affiner et les stocker comme il se doit. Un fromage apte au service dépend intimement de son affinage, mais aussi de la saisonnalité. La commercialisation de certains produits, comme le mont d’or, n’est autorisée qu’à certaines périodes de l’année par le cahier des charges ; tandis que d’autres fromages sont produits tout au long l’année. En été, les fromages frais sont privilégiés, et, en hiver, les fromages de caractère tiennent le haut du pavé. Un plateau réussi comporte une majorité de produits au lait de vache.

Mais la règle veut aussi que l’on trouve au moins un chèvre, éventuellement un brebis et/ou un fromage au lait de bufflonne. Il mêle aussi les types de pâtes et propose notamment un fromage persillé, une pâte molle à croûte fleurie, une pâte molle à croûte lavée, une pâte pressée cuite et une pâte pressée non cuite. Mélanger les genres, formes, couleurs permet de satisfaire tous les goûts mais aussi d’attirer l’œil et de donner envie de goûter. En la matière, l’Auvergne, qui dispose de cinq AOP, ne manque pas de fromages aux caractères variés. Le cantal, le saint-nectaire (4e fromage le plus consommé en France), la fourme d’Ambert, le bleu d’Auvergne et le salers figurent en eff et parmi les références les plus appréciées.

Enfin, si la France recèle de productions de toutes sortes, d’autres nations fromagères proposent des produits de grande qualité. D’ailleurs, l’édition 2021 des World Cheese Awards, qui s’est déroulée le 3 novembre dernier, a consacré un fromage de chèvre espagnol, un Olavidia que l’on confectionne dans le Sud de la Péninsule ibérique.

Déjà, en 2019, c’était un bleu des États-Unis qui s’était attiré la faveur du jury alors que 4 000 candidats, issus d’une quarantaine de pays, étaient en lice pour le titre de Meilleur fromage du monde.

Rendez-vous au Salon du fromage et des produits laitiers

« La prochaine édition du Salon du fromage s’annonce très bien, avec déjà 70 % d’inscrits côté exposants. Ce qui est un chiffre plutôt bon compte tenu du contexte », se réjouit Chantal de Lamothe, nouvelle directrice du Salon du fromage qui se tiendra du 27 février au 2 mars 2022. Cette manifestation, qui se déroule conjointement avec le Salon de l’Agriculture, entend célébrer la richesse des fromages français et étrangers. Parmi les 300 exposants attendus, près de 40 % d’entre eux représentent d’autres pays fromagers du globe, avec une belle représentation de l’Espagne et de l’Italie. On y trouve aussi « les filières de qualité des grands metteurs en marché », à l’instar de Lactalis. Les visiteurs pourront bénéficier d’un panorama exhaustif des AOP et IGP françaises en matière de plaisirs lactés. L’occasion également de faire le point sur une filière française en bonne santé, notamment en GMS où le rayon de la découpe ne cesse de croître, mais aussi dans les CHR avec un goût des clients pour les produits d’origine. « À l’échelle nationale, la production se porte bien, elle peine même parfois à répondre à la demande », assure Chantal de Lamothe.

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