Têtes de moine AOP, l’art de bien racler 

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La tête de moine n’est pas le plus connu des fromages suisses, mais c’est sans doute le plus original. On le déguste en effet d’une façon bien particulière, raclée en « rosettes » à l’aide d’une raboteuse baptisée « girolle ».

tête de moine
La girolle, une raboteuse à manivelle conçue pour tailler les « rosettes ». Crédit : DR.

Au même titre que ses montres et son chocolat, la Suisse est célèbre pour ses fromages. Et bien qu’elle ne figure pas parmi les plus connus, la tête de moine AOP a bien des atouts à défendre. Originaire du canton du Jura et du Jura bernois, ce petit fromage cylindrique à la croûte brun-rouge d’environ 800 g est fabriqué à partir de lait cru non pasteurisé. Son histoire remonte au XIIe siècle, époque à laquelle les fermiers de l’abbaye de Bellelay produisaient déjà cette meule d’exception, dont la réputation était si grande qu’elle servait de monnaie d’échange pour payer l’impôt.

Les origines de son nom restent incertaines : « On raconte, par exemple, qu’un moine trop gourmand, une nuit, aurait ouvert un fromage par le dessus pour manger l’intérieur, avant de le refermer pour dissimuler son méfait, explique Martin Siegenthaler, gérant de l’interprofession tête de moine AOP. C’est peut-être aussi le geste de racler la “ tête ” du fromage qui évoquait celui de la tonsure moniale. » Car au-delà de son goût unique, la tête de moine se distingue par une méthode de découpe originale : elle est raclée pour former de fines tranches en forme de rose. Pendant longtemps, ce geste fastidieux effectué au couteau freine les ventes.

À la manivelle

En 1982, l’invention de la Girolle, une raboteuse à manivelle, simplifie le procédé. Et bingo : en 40 ans, la production s’envole et passe de 40 t à 3 000 t par an ! Depuis, d’autres outils ont vu le jour, comme le Rosomat, sa version électrique, ou encore la Pirouette-Box, un kit incluant une girolle en plastique et une demi-meule. Ces accessoires permettent de créer les « rosettes », de fins copeaux plissés et coniques. « Tout cela est unique et nous veillons vraiment à ce que ce ne soit pas copié : même la forme en trois dimensions de la rosette est protégée ! Ce tranchage particulier libère beaucoup d’arômes. On sent bien le gras et les fleurs des pâturages. L’affinage n’excède pas six mois, mais plus la tête de moine est affinée, plus elle se corse. » Il est aussi possible de trouver des rosettes prétranchées, en barquettes.

La France est le deuxième marché le plus important à l’export après l’Allemagne : plusieurs grossistes à Rungis en proposent. L’interprofession dispose par ailleurs d’une ambassadrice en Île-de-France, qui visite les crèmeries pour former à l’utilisation du matériel. « Dans notre région du Jura, c’est le roi des plateaux de fromages, sourit Martin Siegenthaler. Il se déguste en planche-apéro ou à la fin d’un repas, mais on peut bien sûr l’accommoder en cuisine. Il existe notamment une fondue associant tête de moine, gruyère et vacherin fribourgeois. Les rosettes sont aussi très décoratives, sur toutes sortes de plats. » Idéal pour l’accompagner : un vin blanc de La Neuveville, le vignoble du lac de Bienne, situé dans les cantons de Berne et Neuchâtel.

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