Bigarreaux des Vergers des préaux : cerises sous parapluie

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Sur les coteaux de la vallée de la Seine, à quelques encablures de Paris, poussent les cerisiers de la famille Mervoyer. Et, spécificité, pour faire face à la pluviométrie de la région, les vergers sont protégés par un astucieux système de parapluie… En résultent des fruits brillants, sains et cueillis à maturité.

Raphaël Mervoyer
Raphaël Mervoyer. Crédit : La Revue des Comptoirs.

Finalement, sans la crise de la pomme dans les années 2000, la famille Mervoyer ne se serait peut-être pas tournée vers la cerise.

Car tout a débuté après-guerre, quand Raoul Mervoyer, le grand-père, qui avait fait une école d’agronomie, décide de se lancer dans la production fruitière en misant sur les poires et les pommes.

Il choisit la terre argilo-calcaire de la vallée de la Seine, à Ecquevilly, dans les Yvelines, et entreprend de créer son verger en défrichant plusieurs hectares d’un bois. En complément, il plante quelques cerisiers. Les Vergers des Préaux sont ainsi nés. L’entreprise prospère et, trente ans plus tard, ses fils Patrice et Frédéric s’associent pour reprendre l’affaire.

La pomme ale vent en poupe et les frères axent leur production sur ce fruit jusqu’à ce que la concurrence mondiale agressive les oblige à se réorienter, à la fin des années 1990. « Il y avait toujours cette production de cerises, mais ils perdaient plus de la moitié de la récolte tous les ans à cause des orages et de la pluie, qui abîment les fruits », explique Raphaël Mervoyer, le petit-fils de Raoul, qui depuis 2006 codirige l’entreprise avec son oncle. Coup de pouce de la science, en 1995, les pépiniéristes ont trouvé un porte-greffe nanifiant qui évite que le cerisier ne se développe trop en hauteur et par conséquent permet l’installation d’une couverture au-dessus du verger. Dès 1996, les frères Mervoyer plantent 10 ha de cerisiers sur leur site d’Épône à quelques kilomètres et construisent une structure protégeant le verger de la pluie. En 2007, la décision est prise de miser sur la cerise ; pommiers et poiriers sont arrachés – seuls 5 ha de chaque sont conservés -pour créer un verger de cerisiers de 25 ha à l’abri de la pluie. « Grâce à nos bâches, on limite tous risques climatiques, ne reste que le gel… Sachant que la cerise nous occupe à peine deux mois dans l’année et que nous réalisons 75 % de notre chiffre d’affaires grâce à elle, c’est quelque peu risqué » souligne Raphaël. D’autant plus qu’un prédateur s’est invité dans l’équation : la fameuse mouche drosophila suzukii.

Raphaël Mervoyer.

Raphaël Mervoyer.

« Nous avons également des filets sur les pourtours pour nous protéger des oiseaux et comme cette mouche navigue à un mètre du sol, cela doit la gêner. On n’a pas été trop touché. » Par conséquent, les arboriculteurs n’ont pas besoin de multiplier les traitements phytosanitaires et pour ce fruit de bouche, cela a toute son importance.

La récolte, qui a débuté fin mai, voit donc s’enchaîner les variétés de bigarreaux, des cerises à chair ferme : l’earlise tout d’abord, cerise précoce, puis la fol fer, la summit et la noire de Méched… Pendant sept semaines, soixante-dix cueilleurs s’activent pour ramasser, calibrer et conditionner.

Sien début de campagne, seules trois à quatre tonnes sont quotidiennement récoltées, rapidement, ce sont 7 000 kg qui sont cueillis chaque jour et expédiés dans la foulée. En moins de 24 heures, les cagettes de 3 kg de cerises, d’un calibre alléchant (26+ ou 28+), arrivent dans les entrepôts Metro France.

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1. Tous les deux ans, pour assurer le renouvellement des vergers, deux nouveaux hectares de cerisiers sont plantés. Les arbres étant des porte-greffes, ils sont plus sollicités que des cerisiers classiques et se fatiguent plus rapidement. Les lapins et lièvres sont de redoutables prédateurs pour les jeunes plantations. Au démarrage, elles sont donc protégées par un filet.
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2. Il faudra deux à trois ans à l’arbre pour donner ses premiers fruits. La première récolte – généralement un peu maigre – se fait la quatrième année. Le plein potentiel est atteint après sept ans. Au bout d’une vingtaine d’années, les arbres s’épuisent.
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3. « Pour que la mise à fruits se fasse bien, il faut des arbres pollinisateurs. On va donc intercaler des rangées avec des arbres pollinisateurs à côté des variétés principales. » Des ruches sont également installées dans les vergers au moment de la floraison.
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4. En automne et en hiver, perchés sur des échasses de plaquistes, les arboriculteurs taillent les arbres. Au printemps, quand la floraison s’achève, ils déploient les bâches sur l’ensemble du verger. Et dès la fin de la récolte, les cerisiers retrouvent l’air libre.

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5. « Il faut bien mener son cerisier pour ne pas avoir trop de fruits et un taux de sucre intéressant, car celui-ci est fixe par arbre; par conséquent, s’il y a deux fois plus de fruits, le taux sera divisé par deux. Cette année, nous sommes passés ”à la main“ pour faire tomber les petites cerises afin de permettre aux autres de grossir. » Raphaël Mervoyer
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6. « Sur un arbre, on peut faire deux à trois passages. Après chaque cueillette, les autres cerises grossissent et mûrissent plus vite, l’arbre ayant été libéré d’une charge. On peut donc cueillir une variété pendant dix jours. »
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7. Le calibrage et le conditionnement sont assurés par des machines. En début de parcours, les cerises passent dans un séparateur, une machine inventée et brevetée par un Français, M. Fachaux. Après avoir été immergées et grâce à un astucieux système, les queues sont séparées et les cerises tombent alors sur des tapis aligneurs les menant à la calibreuse. Sur chaque ligne, trois caméras scrutent les fruits, pour permettre un tri selon la couleur, le calibre et la texture
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8. Le prix des cerises des Vergers des Préaux est corrélé à celui du MIN de Rungis. « Quand vous avez une cerise sous bâche, esthétiquement, elle est beaucoup plus belle, car elle n’a pas pris de poussière, ni d’eau. Et du fait de nos gros calibres et de nos conditionnements, nous nous situons plutôt dans la fourchette haute. » Raphaël Mervoyer
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